1. Zari

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Accroupie sur le toit humide d'une maison, le corps à moitié dissimulé derrière une souche de cheminée, Zari observait la scène sinistre qui se déroulait sur la place publique de Duzia. Une foule s'y était amassée, formant un cercle difforme au centre duquel trois personnes étaient agenouillées.

La première était un homme d'une quarantaine d'années, aux cheveux et à la barbe rousse. Ses vêtements en laine étaient parsemés de tâches carmines, provenant du sang s'échappant des nombreuses plaies marquant son visage. Il avait la tête baissée et comme les deux autres, ses mains étaient attachées dans son dos.

La seconde personne était une femme. Ses cheveux blonds, noués en une tresse décoiffée, brillaient d'un éclat qui détonnait dans l'atmosphère lugubre de cette soirée. Elle pleurait silencieusement, son regard azuré demeurant féroce alors qu'elle toisait ses futurs bourreaux avec courage. Elle se tenait droite, la tête haute, avec l'attitude d'un vainqueur au moment où elle aurait du avoir celle d'un vaincu.

Le dernier était un garçon d'une douzaine d'années. Brun aux yeux verts, il semblait à deux doigts de tomber dans les pommes. Son corps était secoué de lourds sanglots alors qu'il fixait obstinément le sol.

Zari eut un pincement au cœur en l'observant. Les pavés rougis de Duzia ne lui apporteraient aucun réconfort, tout comme le plancher grinçant sur lequel la Nolie avait dormi durant des années était resté sourd à ses supplications.

- Vous êtes ici ce soir, car vous avez trahis Osnov ! scanda le préfet d'Artem.

Zari s'était dit que la chance avait soudain décidé d'être de son côté lorsqu'elle s'était rendue compte que c'était celui qui se trouvait à Herzivka. Celui qui avait causé la mort de Bashaar. Son désir de vengeance, qui s'était atténué lorsqu'elle se trouvait à Brynlava, revenait en force, lui torturant les entrailles et marquant ses paumes de petites crevasses ayant la forme de ses ongles.

Trois Muets accompagnaient l'homme à la toge pourpre, inébranlables dans leurs habits gris. Ils suffisaient à tenir la population de Duzia en respect, même s'il n'étaient que des hommes face à une horde d'Osnoviens horrifiés. Les Muets avaient cet effet sur les gens. Aux yeux du peuple, ils paraissaient à peine humains. Plutôt des envoyés des dieux, chargés de répandre leur justice. C'était du moins le discours que vendait leur chef Artem.

- Khonir a parlé à notre prophète, Artem, et a ordonné la traque des traîtres ! déclara-t-il à l'intention de la foule. Ces gens ont protégé et hébergé des ennemis de nos dieux ! Ils doivent donc payer pour leurs crimes !

Il se retourna vers les condamnés, ne parvenant pas à dissimuler le plaisir sadique que la situation lui procurait. D'un signe de la main, il ordonna à ses Muets de se placer derrière les prisonniers.

- Une dernière parole ?

Seule la femme ne détourna pas le regard. Elle fusilla le préfet de ses yeux bleus et s'exclama :

- Osnov n'est pas à vous. Il appartient à son peuple et aux immigrés qui ont décidé de s'y installer. Vous pouvez continuer à nous tuer, mais jamais vous ne détruirez notre mouvement. Personne ne peut tuer la fraternité.

L'homme roula des yeux.

- Pathétique. Tuez-les, dit-il.

Ses soldats sortirent leurs épées et d'un mouvement uniforme, ils plantèrent leurs armes dans les épaules de leurs victimes, transperçant leurs cœurs au passage.

- S'opposer à Artem, c'est s'opposer aux dieux ! cria le préfet. Continuez ce combat futile, et vous serez tous exécutés. La justice divine est inarrêtable !

The Assassins - T2. L'âge noirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant