XXVII/ In what furnace

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Ginny Potter ne faillit pas à sa promesse et revint discuter avec Lebedev à six ou sept reprises, souvent le soir après son travail – elle était journaliste sportive à la Gazette du Sorcier et bien que ce travail lui plût énormément, elle admettait regretter sa courte carrière de joueuse de Quidditch, arrêtée au moment de sa première grossesse – souvent accompagnée par une ou deux autres personnes – de Harry ou de Hermione lorsqu'ils ne restaient pas trop longtemps à leurs bureaux, parfois de George ou de Ron, et même de Molly et d'Arthur qui avaient entendu parler du malade et avaient souhaité le rencontrer. Le père de la famille Weasley avait tout de suite éprouvé une grande sympathie pour le Russe, partageant avec lui une grande curiosité naturelle et une véritable passion pour le monde des Moldus : ils avaient passé presque trois heures à discuter de téléphones portables et de montres connectées – des inventions dont la diffusion chez les non-magiques avait connu une véritable explosion depuis quelques années – tous deux satisfaits de trouver enfin un interlocuteur capable de comprendre et de subir leur éternel émerveillement face à l'ingéniosité moldue.

Nikita, de son côté, ne s'était pas attendu à recevoir un tel soutien de la part d'inconnus ou de vagues connaissances et bénit intérieurement le jour où il s'était lié d'amitié avec des membres de la généreuse famille Weasley. Molly et Arthur étaient des gens absolument adorables – bien qu'il se sente toujours mal à l'aise face à la lueur de pitié visible dans les yeux de la matrone – et Ginny et Ron savaient toujours s'y prendre pour égayer l'atmosphère. Hermione, bien qu'intimidée et distante au début, avait aussi fini par briser la glace et appréciait à présent discuter avec lui de ses anciennes recherches en magie fondamentale, très intéressée par le sujet ; Harry Potter, lui, se montrait méfiant mais n'avait plus de réactions hostiles ; George était le seul qui l'inquiétât véritablement.

Pour une raison qui lui était inconnue – ou en tous cas, qu'il se refusait d'avouer à soi-même – il n'avait jamais parlé du sombre pressentiment qu'il ressentait à chaque fois qu'il se trouvait en présence de George Weasley. Jusque-là, hormis la première fois, chacune de ses visites se déroulait en compagnie d'au moins une autre personne et il conservait alors son masque souriant, blagueur. Mais Nikita voyait limpidement son vrai visage : cela le terrifiait, le mettait dans une très délicate posture...

Puis, au bout de deux ou trois semaines, il décida de changer d'attitude pour voir ce qui allait se produire. Il n'avait probablement rien planifié, rien ; pourtant, nul doute qu'en l'instant précis où cela se produisit, il en ressentit des remords, s'en fit des reproches...

Désormais, son regard lorsqu'il fixait George n'était plus apitoyé ou implorant mais résolu et insistant. Le rouquin le perçut évidemment tout de suite, bien qu'il ne laissât longtemps rien paraître. Mais cela avait commencé à le ronger, sérieusement. Un jour, alors qu'il était venu en compagnie d'Hermione et de Ginny et que Nikita s'était lancé avec elles dans une longue et passionnante conversation sur l'immortalité, quelque chose bascula en George et il prit sa décision. Le soir même, dans la nuit, il revint au Chaudron Baveur et, évitant madame Pine – la Guérisseuse – dans le couloir, se glissa à pas de loup dans la chambre du mourant, l'esprit animé d'un brasier chaotique.

Nikita Lebedev ne dormait pas. Une bougie était allumée sur sa table de chevet, à côté de son lit, et il lisait un épais grimoire. Il avait l'air de l'attendre : lorsque George entra et regarda prudemment autour de lui, le malade posa son livre sur ses couvertures et braqua ses yeux pâles sur le visage tremblant, dérangé, du nouveau venu.

George croisa son regard et se calma un peu l'espace d'une seconde : il s'approcha du fauteuil et s'y assit précautionneusement. Puis, soudain, pris d'une frénésie nouvelle, il se redressa d'un bond et traversa la chambre dans sa largeur tout en fixant le sol et en se tordant nerveusement les doigts. Il fit deux allers-retours ; enfin, il s'arrêta face au large lit central et fit un pas en avant, le visage tout blême – ce qui faisait ressortir sa constellation de taches de rousseur malgré la barbe qui les recouvrait en grande partie. Ses mains ne tremblaient presque plus : il plongea machinalement sa droite dans sa poche et en ressortit sa baguette, qu'il examina attentivement, l'air d'avoir oublié l'endroit où il se trouvait.

The Good SnakeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant