XXIII/ What dread hand

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Dix-neuf ans plus tard...

Poc... Poc... Poc...

Les claquements secs de plus en plus proches d'une canne se répercutaient distinctement et à intervalles réguliers derrière la porte de la salle de classe vide, seulement occupée par la directrice Minerva McGonagal silencieusement assise derrière le bureau professoral. Elle lisait. Elle ne s'interrompit que lorsque les bruits de canne s'arrêtèrent et que quelqu'un frappa trois coups fermes.

« Oui, entrez ! » cria-t-elle pour être sûre d'être entendue.

Son visiteur s'exécuta : la porte pivota pour laisser place à une silhouette... familière, mais tout de même bien différente de l'adolescent qu'elle avait connu une vingtaine d'années plus tôt.

Poc... Poc... Poc... Poc...

Ses pas étaient silencieux, il faisait attention lorsqu'il posait ses pieds sur le sol ; seul le bruit de la canne étrange sur laquelle il s'appuyait imperceptiblement le trahissait.

Il traversa ainsi toute la salle, passant à travers les rangées de tables et de chaises abandonnées ; malgré lui, il embrassa d'un regard la pièce qui éveillait en lui des sentiments nostalgiques, mais cela ne dura qu'un instant. En quelques pas – paisibles, lents et posés – il fut devant le bureau du professeur McGonagal et braquait son regard bleu délavé droit dans le sien.

Nikita Lebedev avait effectivement bien changé depuis toutes ces années, la vieille femme le vit tout de suite : ses cheveux s'étaient éclaircis, parsemés de mèches grisonnantes, virant sur une teinte poivre et sel qui remplaçait le brun foncé de sa jeunesse ; ses traits étaient plus fermes, plus mûrs, mais demeuraient émaciés, avec ses joues encore davantage creusées, ses pommettes plus marquées, sa mâchoire affinée quoique plus nettement dessinée ; quelques rides de fatigue, des cernes profondes et un teint presque grisâtre indiquaient son état de santé fragile. En ce qui concernait sa tenue, il s'était vêtu avec une étonnante élégance sobre à laquelle la directrice ne s'était pas attendue : simple chemise grise surmontée d'un veston un peu baroque de couleur beige dans lequel était rentrée une lavallière violette – le tout enveloppé dans une large cape noire ornée de fourrure argentée au col.

Son attention fut cependant attirée par la canne qu'il tenait dans sa main gauche et sur laquelle il s'était légèrement appuyé, maintenant qu'il ne marchait plus : de loin, c'était une simple branche épaisse, probablement pas sculptée, présentant de nombreuses fissures et rugosités – pas l'outil le plus pratique pour s'aider à se déplacer. De plus près, en revanche, la sorcière remarqua de fins rameaux de plante grimpante qui prenaient naissance dans certaines aspérités et s'enroulaient autour de toute la branche : par endroits, ces tiges aboutissaient à de petites feuilles, qu'elle reconnut comme appartenant à du chèvrefeuille. En outre, en s'y attardant davantage, elle se rendit compte que la branche n'était en réalité probablement pas totalement morte : à travers quelques trous dans le bois, elle pouvait voir filtrer une pâle lueur surnaturelle – sans doute la source qui alimentait aussi les racines du chèvrefeuille. Lorsque Nikita s'arrêta, les feuilles furent parcourues d'un léger frémissement et certaines bougèrent un peu. Les doutes de la directrice sur la nature magique de la canne furent confirmés lorsqu'elle s'aperçut de la disposition de la main gauche de son visiteur : ses doigts et les rameaux du chèvrefeuille étaient étroitement entremêlés – il aurait été impossible qu'il la pose sans les déchirer, et encore plus impossible qu'il s'en empare de la sorte.

Rien que cet objet avait suffi à éveiller la curiosité de Minerva McGonagal.

Elle finit par hocher poliment la tête en guise de bienvenue et faire signe à son invité de s'asseoir. Il s'exécuta ; elle constata que sa théorie sur la canne était juste : au moment où il s'en sépara pour la poser à côté de lui, les lianes enroulées autour de ses doigts relâchèrent prise puis serpentèrent discrètement le long de la branche comme pour se lover plus confortablement. Il n'y accorda pas même un regard, sans doute habitué à cette sensation.

The Good SnakeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant