XXXXI/ Tyger tyger...

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« Il nous a plongés tous les sept dans un putain de rêve sans qu'on s'en rende compte ! C'est incroyable quand j'y pense après-coup... À un moment donné, il nous a tous séparés et fait vivre des scénarios distincts – sans doute que c'était trop dur à gérer pour lui, sept ennemis d'un coup – mais quand même, ouah ! J'en suis toujours abasourdie ! »

Solen Crickerly racontait ses aventures aux États-Unis à un petit groupe d'Aurors, dans le hall de l'hôpital. En sortant, Aslinn Verhoven passa devant eux sans prendre la peine de les saluer. Ils étaient tous en train de s'amuser, de rire, de discuter gaiment... cela ne lui fit même pas esquisser un sourire.

La femme aux cheveux gris avait traversé la porte de la chambre de George Weasley pour la dernière fois. Elle n'avait plus rien à faire ici, elle le savait. Granger-Weasley et Potter l'avaient chaleureusement remerciée pour ses précieux services ; maintenant, ils n'avaient plus besoin d'elle, alors elle partait. Sans même dire au revoir à tous ces Aurors qu'elle avait côtoyés quotidiennement depuis un peu plus d'un mois.

Une fois sortie de l'hôpital Ste-Mangouste, Aslinn hésita à transplaner – mais finit par opter pour la marche. Ça la détendait de marcher. Ça lui permettait surtout de se détacher de ses pensées, de tous ces songes parasites qui occupaient constamment son esprit fatigué.

Un peu d'activité physique. Oui, elle en avait grand besoin. Elle n'était plus toute jeune – et loin d'être athlétique, en plus de cela ; l'asphalte sous la plante de ses pieds, le vent sur son visage, la transpiration le long de sa colonne vertébrale... autant de sensations qui la reconnectaient au monde réel, qui lui permettaient de ne pas s'égarer dans son esprit, de ne pas céder le pas aux illusions des rêves – comme cela arrivait malheureusement à certains collègues.

Elle songea à Nikita avec un brin de tristesse, malgré l'agacement qu'il avait toujours éveillé en elle : pauvre jeune homme. Il n'était pas bien mauvais, au fond – même étonnamment candide à ce qu'elle avait pu voir – et ne méritait sans doute pas le sort qui lui était réservé. Enfin... qui méritait vraiment son sort, de toutes façons ?...

Ce George, avec lequel elle avait passé tant de temps, lui paraissait à présent bien plus « serpentardesque » que son adversaire. Il y avait chez ce garçon une certaine ruse, un certain cynisme, assez désagréables quand elle y repensait... George avait été la victime, à l'origine ; mais maintenant que l'enquête était finie, que l'affaire était résolue, les rôles semblaient bien plus flous aux yeux d'Aslinn...

Qu'aurait dû-t-elle faire, alors ? Refuser ? Ils lui auraient trouvé un remplaçant. S'allier à Nikita ? Peuh... et finir sa vie en prison, ça allait de soi. Cette Eztli avait bien eu raison de le trahir au dernier moment – ce n'était pas bien beau ni très romantique de sa part, mais cela dénotait au moins d'un esprit réaliste et pragmatique, capable de faire la part des choses, et c'était déjà ça.

De toutes façons... ça ne l'avançait à rien de ruminer ainsi. Les siens – les Legilimens – avaient toujours eu la vie dure, en particulier ceux qui s'étaient plongés dans la magie noire pour fuir leurs souffrances. Elle en savait quelque chose.

Voilà, elle était arrivée. Chez elle : cette grande maison londonienne vide, morne et triste, même en façade. Tout était peint en gris, même les pierres – déjà grises à l'origine. C'était la maison grise, où vivait la dame grise. Un endroit charmant.

Verhoven passa par la porte du jardin, qui s'ouvrit toute seule en la reconnaissant. Elle grimpa le portique et traversa la deuxième porte, en bois – gris – qui s'ouvrait sur un couloir.

L'ameublement était sobre – gris. Il n'y avait pas beaucoup d'éléments détaillant sa vie personnelle – elle n'avait pas beaucoup de vie personnelle depuis bien longtemps. Seule une photographie encadrée, mise bien en valeur dans le salon, montrant deux jeunes femmes, l'une aux cheveux bruns et au visage carré, l'autre aux cheveux blonds, en train de s'embrasser sur la joue. Les rares fois où elle avait de la visite, Aslinn mentait en disant que la blonde était sa sœur. Quand quelqu'un insistait en voulant en apprendre davantage au sujet de cette « sœur », Aslinn mentait une deuxième fois en expliquant qu'elle était partie en voyage, quelque part très loin.

The Good SnakeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant