XIV/ Dare he aspire

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Dès le jour de la rentrée, une trentaine d'élèves de toutes les Maisons avaient assailli Nikita pour connaître les prochaines dates des matchs de « Quidditch amateur » ; le pauvre Russe, encore épuisé et migraineux, leur donna des informations vagues tout en maintenant un masque souriant et agréable, et finit par leur demander de s'adresser aux jumeaux Weasley ou à Cédric Diggory pour plus d'informations avant de s'éclipser discrètement dans un couloir vide.

Les cours devaient reprendre le lendemain. La plupart des élèves se trouvaient soit dans la Grande Salle, soit dans leurs Salles Communes respectives. Le soleil était sur le point de se coucher et le couloir dans lequel Lebedev avait fui était sombre, uniquement éclairé par quatre ou cinq torches espacées. Les tableaux sur les murs somnolaient passivement ; au passage du Serpentard, l'un d'eux grommela quelque chose d'incohérent à propos d'une recette de tarte aux myrtilles. Nikita, habitué, y prêta à peine attention, plongé dans ses pensées.

Il s'arrêta lorsque des voix de filles retentirent à l'angle du couloir, hors de portée de vue. Des éclats de rire – mais quelque chose en eux sonnait faux, mauvais. Il finit par comprendre : c'étaient des moqueries.

« Alors Loufoca, pépiait une fille de sa voix nasillarde, comme ça les Joncheruines peuvent... manger le cerveau des gens ? »

La question était posée avec une fausse naïveté et accompagnée de gloussements mal contenus de la part de trois ou quatre autres filles.

« Je ne m'appelle pas Loufoca, Kelly, répliqua une voix calme, posée et rêveuse, presque absente. Les Joncheruines ne mangent pas vraiment les cerveaux, ils entrent simplement dedans en passant par les oreilles et embrouillent les gens. C'est une maladie qui passe souvent inaperçue parce que les Joncheruines sont invisibles et que les personnes infectées ne se rendent compte de rien...

« Oh oui, oui, bien sûr ! l'interrompit la dénommée Kelly en retenant manifestement un fou-rire auquel ses amies avaient succombé.

« Loufoca » les regardait d'un air incompréhensif mais distant, tout en jouant distraitement avec ses longs cheveux blond sale. Pour une raison ou pour une autre, le fou-rire de ses trois interlocutrices redoubla d'intensité, devenant presque hystérique.

« Bonjour ! » intervint soudain Nikita qui s'était discrètement rapproché.

Toutes – sauf la blonde rêveuse – sursautèrent. C'étaient des filles de première et de deuxième année de Gryffondor. Le Russe connaissait vaguement leurs noms et leurs visages, mais il n'avait jamais remarqué la Serdaigle qui leur faisait face, dos contre le mur du couloir. Elle avait un look plutôt atypique, avec ses boucles d'oreilles radis et son collier de bouchons de Bièraubeurre. Ses yeux, bleus et globuleux, semblaient le fixer sans enregistrer sa présence.

Les rires se turent aussitôt qu'il apparut derrière elles et les trois Gryffondors se regardèrent d'un air gêné. Cela ne désarçonna pas le nouveau venu, qui continua sur sa lancée :

« Kelly... Emma... et Romilda, c'est bien ça ? les interpella-t-il tour à tour, ce à quoi elles hochèrent la tête, intimidées. Vous êtes en deuxième année, c'est bien ça ?

« Euh... moi je suis en première année, souffla Romilda d'une petite voix tout en rosissant de gêne.

« Ah, oui, c'est vrai ! continua Nikita d'un ton léger. En tous cas, aucune d'entre vous n'a encore eu de cours de Soins aux Créatures Magiques, qui n'arrivent qu'en troisième année, c'est bien ça ? »

Les trois filles se regardèrent sans comprendre.

« Euh... non, du coup... » fit Emma.

Un grand sourire naquit sur le visage du Serpentard.

« Bien ! Par conséquent, vous ignorez sans doute que les créatures invisibles constituent un chapitre majeur du programme de cette matière, et que les Joncheruines, des organismes extrêmement complexes à étudier, sont abordés en fin de septième année ? »

Kelly, Emma et Romilda écarquillèrent les yeux en entre-ouvrant la bouche. Le cinquième année représentait une figure d'autorité pour elles – et le fait qu'il provienne de Durmstrang ne faisait qu'augmenter leur timidité face à lui. Que ce qu'il disait soit vrai ou non, elles n'osaient surtout pas le contredire : il avait beau être souriant et les dépasser de seulement dix ou quinze centimètres, c'était tout de même un Serpentard entouré d'étranges rumeurs...

Sans demander leur reste, méfiantes, les trois adolescentes s'éloignèrent précipitamment et se mirent à converser à voix basse lorsqu'elles furent hors de portée de voix. Nikita poussa un long soupir exaspéré en les regardant prendre le large : la Maison du courage, vraiment ! Certains Gryffondors – certes rares mais malheureusement impossibles à ignorer – ne se gênaient pas pour se moquer voire harceler des élèves d'autres Maisons – principalement des Serpentards isolés, incapables de faire le poids – et comme ces comportements demeuraient généralement toujours dans le cadre du règlement, personne ne leur disait rien. Oh, bien sûr, le même phénomène existait aussi du côté de Serpentard, mais au moins ceux-là ne se percevaient pas eux-mêmes comme des défenseurs de la justice ou de la morale !

« C'est vrai ce que tu as dit ? » interrompit soudain ses pensées une voix douce et rêveuse.

La désignée « Loufoca » le dévisageait de ses grands yeux clairs, sans ciller, attentive bien que toujours un peu détachée. Nikita se focalisa sur elle, curieux d'en savoir davantage sur cette étrange élève de deuxième année.

« Hum... non, pas vraiment, s'excusa-t-il avec un sourire un peu honteux. Je n'avais jamais entendu parler des Joncheruines avant ce soir...

« Oh... je vois. Tu as menti pour les faire partir. »

Son analyse était d'une justesse qui surprit le cinquième année. Il l'examina plus attentivement encore, s'approchant d'un pas et penchant la tête sur le côté. La Serdaigle semblait flotter sur un océan de pensées imagées, seulement très peu consciente du monde qui l'entourait. C'était la première fois qu'il se confrontait à un esprit aussi détaché de la réalité.

« C'était gentil de ta part, ajouta-t-elle soudain en esquissant un vague sourire.

« Je... euh... ben... merci..., bafouilla-t-il en rougissant un peu.

« Tu sais, mon père écrit des articles à propos des Joncheruines dans son journal, le Chicaneur, l'informa-t-elle d'un air guilleret. Si tu veux en savoir plus à leur sujet, je peux t'en prêter quelques anciens numéros, j'en ai apporté avec moi...

« Oh... je... euh... avec plaisir ! Il se fait un peu tard aujourd'hui, je suis fatigué... mais demain peut-être ? On se retrouve à la table de Serdaigle ?

« Dans la Grande Salle ? hésita la jeune fille.

« Ou... ou ailleurs, si tu préfères ! ajouta précipitamment Nikita, les joues colorées.

« Je suis souvent au sixième étage, près de la tour de Serdaigle, expliqua la deuxième année. Il y a une petite alcôve sous une statue de corbeau – presque personne ne passe jamais par là.

« Très bien, sourit Nikita. On se voit demain, alors... Au fait, comment t'appelles-tu ? »

Il s'était soudain aperçu qu'il ne savait d'elle que son surnom moqueur, « Loufoca ». Bien qu'il connaisse la plupart des élèves à Poudlard à présent – au moins de tête – cette petite blonde avait toujours été trop discrète et réservée pour qu'il l'aperçoive ; pourtant, c'était l'être le plus fascinant qu'il ait rencontré depuis des années !

« Luna Lovegood, répondit-elle en tendant sa main. Et toi ?

« Nikita... Nikita Lebedev.

« Enchantée Nikita ! » dit-elle en lui serrant la main.

The Good SnakeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant