« Tu m'abandonnes déjà, dolce metà* ?
Mes pieds touchèrent à peine le sol alors que je m'éloignais du lit, légère comme une plume. Une douce chaleur possédait encore mes cuisses et mon ventre tandis que je savourais cette sensation de plénitude totale et de fatigue. Ce brasier insatiable qui me consumait en permanence s'était quelque peu calmé et je me sentais moins sur les nerfs. C'était une bonne journée. Qu'est-ce qui pourrait bien la gâcher ?
Jetant un rapide coup d'œil à mon amant, assis tranquillement dans le lit et qui me dévisageait, le regard pétillant, je rétorquai, me détournant :
— Bien que l'idée me tente terriblement, je ne suis pas sûre que toi-même tu veuilles continuer notre délicieuse activité, Dante.
Son rire s'éleva derrière moi tandis que je me rhabillai, mettant un semblant d'ordre à mes boucles d'or sans prendre la peine de regarder mon reflet. Je fuyais les miroirs comme des diables tant je craignais qu'ils ne fassent ressurgir encore ce passé contre lequel je luttais jusqu'à m'en étouffer, jusqu'à saigner en secret.
Je secouai la tête pour chasser cette pensée. J'avais en ce moment même des souvenirs bien plus agréables, ceux des caresses de mon poète démoniaque, de la chaleur de ses paumes, de la fièvre de son étreinte, de la dévotion de ses baisers, de la démence de notre amour... C'étaient les seuls souvenirs qu'il me fallait. Le reste n'était que poussière au vent, des mirages de Regana, une petite torture infernale, misérable, que je finirais bien par surmonter.
De nouveau, je me tournai vers Dante. Il tenait désormais dans ses bras, là où je m'étais trouvée quelques instants plus tôt, une lyre dont il pinçait nonchalamment les cordes. Taquine, je soufflai :
— Tu m'as déjà remplacée par ton autre amour ?
Il haussa un sourcil, affichant une moue interloquée.
— Viens-tu de te référer à la poésie comme mon autre amour ?
— Parfois je me demande si tu ne la préfères pas à moi... minaudai-je, penchant la tête sur le côté, retenant un immense sourire.
Lui ne se retenait pas, révélant ses dents taillées en pointe dans une expression pourtant adorable.
— Voyons, s'esclaffa-t-il, il n'y a que deux choses qui comptent réellement pour un poète !
— La gloire et la beauté ?
Ses lèvres se retroussèrent légèrement à l'entente de ma pique tandis que je m'approchai du lit, féline. Ses prunelles de nacre ne me lâchaient pas une seule seconde alors qu'il continuait de pincer certaines cordes, un son cristallin, bien trop beau pour les cercles infernaux, s'élevant dans l'air.
— Sa muse et sa plume, Bella !
Je me penchai en avant, effleurai la lyre du bout de mes doigts. L'instrument était beau. Un modèle antique. Je ne pouvais m'empêcher de penser à Orphée, roi des poètes. Et si les mythes disaient vrai ? Et s'il était descendu jusqu'aux enfers, jusqu'à Regana pour récupérer Eurydice ? Tout était possible en ce monde. Surtout en notre royaume maudit. Il y avait bien un diable, des démons... et des anges. Je retirai ma main, lâchant cet objet à la fois magnifique et glaçant. Me redressant, je finis par souffler à l'intention de mon amant, adoptant à nouveau un ton enjoué :
— Tu es un beau parleur.
— C'était mon métier.
Un léger rire m'échappa, clair, moqueur. Je ne pus m'empêcher de répliquer, narquoise :
— Ton métier de politicien, amore !
Cette fois, il afficha un air terriblement offusqué qui m'arracha un véritable éclat tandis qu'il s'écriait, se redressant vivement :
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Mission "Ulysse" (Regana - tome 2)
Paranormal- Ceci est le tome 2 de Mission "Virgile". Il est préférable d'avoir lu le tome 1 avant pour comprendre l'univers et éviter tout spoil ;) - Ulysse : roi et aventurier grec condamné au huitième cercle de l'enfer pour avoir navigué jusqu'à la montagne...