Chapitre 14.

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La douleur explosa dans mes veines, flot furieux, brasier insoutenable. Aussitôt que les crochets se retirèrent, luisants, je pressai mon poignet contre ma poitrine, me mordant la langue pour ne pas jurer à plein poumon. Deux trous perçaient mon épiderme et deux filets de sang ruisselaient le long de mon avant-bras, se rejoignant au creux de mon coude.

« Et maintenant ? gronda Dante, s'avançant d'un pas.

— Maintenant ? Vous feriez mieux de vous assssseoir... persiffla le serpent en se reculant, toujours cet air moqueur sur son visage de reptile, ses écailles noires comme la suie se confondant sur la pierre sombre.

Relevant la tête, je le toisai, plissant des yeux. Une vague de dégoût me parvint. Si ça n'avait tenu qu'à moi, j'aurais certainement fait apparaitre une de mes lames pour décapiter cette créature de malheur et l'écrabouiller sous la semelle de mes bottes. J'en éprouvais le besoin, viscéralement. La souffrance qui se diffusait en moi petit à petit, me crispant toujours un peu plus, cherchait un exutoire par la violence.

— C'est une blague ? feulai-je, me retenant avec peine.

L'animal tourna sa petite tête dans ma direction, ses yeux croisant les miens, sa langue affleurant à la limite de sa gueule, s'agitant au rythme de ses sifflements. Puis il continua de se faufiler entre les roches, se dérobant à nous.

— Bienvenue au purgatoire...

Comprenant qu'il s'apprêtait à disparaître, je voulus le rattraper dans un geste purement instinctif. Mais il se déroba, s'engouffrant dans une fissure, retournant dans les entrailles de la montagne. Nous laissant seuls. Seuls et dans une merde noire.

Un frisson dévala mon échine avant que je ne me fige, surprise par cette réaction de mon cœur. J'avais froid ! Je ressentais la fraîcheur de la bise qui sifflait autour de nous, de cet air marin qui giflait mon visage. Comme si mes sens se réveillaient. Une chair de poule couvrait désormais mes bras que je tentais vainement de réchauffer, frottant mon épiderme, nettoyant le fin filet de sang qui le tâchait.

La voix du démon s'éleva derrière moi, sinistre, lasse :

— Le serpent nous a conseillé de s'asseoir.

Je me tournai vers lui, me heurtant à son expression sombre, son regard si blanc désormais habité d'ombre. Ravalant ma fébrilité, tentant de dissimuler mon mal-être croissant, je ricanai :

— Tu ne vas pas écouter cette créature vicieuse ?

Un tic nerveux agita sa lèvre supérieure. Sourcils froncés, il soupira :

— Au contraire Bella, je vais l'écouter. Parce que lui seul sait quel poison il a bien pu t'occulter.

Sur ces mots, il me tendit sa paume, m'incitant à la rejoindre et à l'écouter.

Je secouai vivement la tête de gauche à droite.

Je ne pouvais pas rester assise. Pas alors que la nervosité grimpait en flèche en moi et que je ne savais pas ce qui m'attendait. Le froid n'était que le premier symptôme. Qu'est-ce qui suivrait ? Mille morts et mille supplices. Et en quoi consisteraient-ils ?

Le poète ne dit rien, me suivant des yeux tandis que je m'agitais.

Je passai une main tremblante sur mon visage, essuyant mon front moite, glissant mes doigts dans mes cheveux, m'accrochant à eux désespérément.

J'avais l'impression que mon cœur battait étrangement dans ma poitrine. Comme s'il était... dissonant ! Sa musique n'était plus la même. Jadis, il battait à rythme précis, comme un vers, une métrique parfaite. Et à présent... Quelque chose clochait. J'appuyai légèrement sur ma poitrine.

Mission "Ulysse" (Regana - tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant