Chapitre 8.

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Profitant que Dante me tournait le dos et qu'il ne pouvait me voir, je m'empressai de porter la main à mon nez dans l'espoir d'endiguer le flot, m'éloignant de quelques pas. Je ne comprenais pas. Comment était-ce possible ? Pourquoi ?

J'avais l'impression qu'un bourdonnement affreux s'était emparé de mon esprit, un étau se refermant, glacial, autour de mon cœur. Je fermai un instant les paupières, les pressant jusqu'à en voir des flashs lumineux, gonflant ma poitrine d'un air douloureux. Tout dans ce monde semblait vouloir me faire chuter, m'empoisonner... Et dans mes veines coulait un venin que j'abhorrais... Celui de la peur, effroyable, qui s'insinuait jusqu'à pourrir mes pensées.

Je saignais...

Pourquoi saignais-je ?

Lorsque je les ouvris à nouveau, tremblante, mes yeux se posèrent sur les perles écarlates s'étendant sur ma peau. Il me semblait apercevoir des volutes noires évoluer à côté d'elles. Mais je ne savais pas... Je ne savais plus ce qui était réel ou le fruit de mon délire.

Bon sang !

Etais-je en pleine crise de folie ? Venais-je d'imaginer tout ceci ou bien... Ou bien cette teinte vive était-elle réellement présente ? Je ne pouvais pas m'en remettre à mon amant. Il ne pouvait pas voir... Cela confirmerait... Non ! Pas alors qu'il venait de me céder dans toute sa splendeur !

Je tentais de faire partir les tâches pourpres en les frottant avec vigueur, d'essuyer la preuve sanglante de ce mal qui me rongeait et dont je ne savais rien. Hormis une seule chose : ce n'était pas normal.

« Tout va bien, amore mio ?

La voix du poète résonna brutalement à mes oreilles comme un coup de cymbale assourdissant. Je retins une grimace de douleur, mes poings se serrant aussitôt autour du tissu de ma jupe.

Non !

— Oui, parfaitement.

Je dus refréner un violent haut de cœur tandis qu'une part de moi se révoltait contre ce que je venais de faire, acte méprisable à ses yeux.

Pourquoi ajouter le mensonge à nos péchés ?

— Si Carmine apprend cela, il nous en voudra !

Son léger rire parvint à peine à transpercer l'écran de brume qui m'empêchait de penser à quoique ce soit d'autre. Je jetai, paniquée, un rapide coup d'œil en arrière. Dante finissait de se rhabiller ce qui me laissait tout juste le temps de maîtriser ma terreur, par n'importe quel moyen possible. Mes ongles enfoncés dans ma paume, je tentais faire cesser les tremblements saccadés qui secouaient mon être. Je détestais cette sensation de ne pas contrôler, de ne pas savoir ce qui m'arrivait. Je n'en pouvais plus...

Je sursautai presque lorsque le démon se retrouva juste derrière moi, ses mains autour de mes hanches et ses lèvres contre ma peau. Je me raidis, de peur qu'il ne fasse la moindre remarque en apercevant l'hémoglobine. Mais hormis son baiser au creux de ma gorge et son rictus tendre, il ne dit rien, se contentant de s'avancer vers la sortie.

Surprise, je portais à nouveau mes doigts à mon visage. Lorsque je reculai la main, mon souffle se coupa.

Le saignement avait cessé. Et tout semblait être revenu à la normale.

Un soulagement brutal s'empara de moi, me donnant presque le vertige. Je fermai les yeux, rejetant la tête en arrière, retenant le cri rauque qui se précipitait au bord de mes lèvres.

Je ne sentais plus aucune trace de ce trouble passager, comme s'il n'avait jamais existé, évanescent, un songe maudit de mon esprit tordu. Mais j'allais bien !

Mission "Ulysse" (Regana - tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant