Chapitre 22.

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Ni lumière, ni ténèbres.

Je me tenais debout, dans un espace qui m'était inconnu. Tout y était... vide. Seul un vent glacé soufflait, mugissant à mes oreilles.

Devant moi, me tournant le dos, se dressait Dante. Je voulus l'appeler. Aucun son ne s'échappa de mes lèvres et il ne broncha pas une fois. Immobile, il regardait devant lui, inconscient de ma présence derrière lui. Ses épaules baissées trahissaient un tel abattement que je sentis mon cœur se serrer dans ma poitrine et une furieuse envie de l'étreindre me submergea.

Mon amour... Mon pauvre, fol amour...

Je fis un pas dans sa direction pour le rejoindre. Mais aussitôt que j'eus avancé, une nappe de brouillard noir s'échappa de mon corps. Je me figeai aussitôt, la regardant se déverser au sol. Pétrifiée, la gorge nouée, je m'attendais à ce qu'elle m'attaque.

Ce ne fut pas le cas.

Se détournant complètement de moi, elle se précipita soudain vers mon amant.

Non !

Électrisée, je m'élançai vers lui pour le prévenir, pour le sauver. Mais je me heurtai à un obstacle invisible. Le choc fut si brutal qu'il résonna dans l'air comme un coup de tonnerre.

Cela parut faire réagir le démon.

Lentement, il se tourna vers moi. Ses yeux blancs s'arrimèrent au mien l'espace d'une fraction de seconde et je pus lire dans le nacre glaçant tout son désespoir, toute sa souffrance, toute sa lutte... Avant que deux mains noires comme la nuit ne se plaque sur ses paupières, les lui baissant sans pitié.

Ses lèvres n'eurent que le temps de laisser échapper un murmure qui me déchira l'âme et le cœur.

« Mon amour... »

Un cri de rage m'échappa. Je me jetai comme une folle sur le champ de force qui me maintenait loin de mon poète. Mais j'étais impuissante.

Le Mal l'étreignait dans ses volutes sombres, l'entourait sans qu'il ne puisse s'en défaire. Pétrifiée, incapable de bouger, retenue loin de mon amour par une force invisible, je ne pouvais que voir ses griffes obscures se refermer autour de ses bras, remonter le long de ses épaules, l'avaler dans son ombre malfaisante.

Mais il ne le détruisit pas. Au contraire... Il semblait se mêler à lui, se confondre à ses mains que j'aimais tant lorsqu'elles parcouraient mes hanches, à ses lèvres si douces lorsque je les embrassais, à son corps que j'enlaçais... Il se faufilait en lui. En mon amour. Les yeux clos, crispés, il ne réagissait pas à mes appels.

Puis le brouillard finit par disparaître, entièrement. Ne restait plus que nous. Plus que lui, moi, et ce mur qui nous séparait sans que je ne puisse le franchir. Je tremblais comme une feuille, la sensation qu'une poigne d'acier broyait mes organes de l'intérieur me poussant un peu plus au bord du précipice face à cette douleur insoutenable. Levant la main, mes muscles hurlant au supplice, je la posai sur cette surface semblable à du ver. Faiblement je l'appelai.

À ma grande surprise, il releva la tête, comme s'il m'avait entendu. Mais quelque chose dans son visage avait changé. Il n'exultait plus le malheur. Bien au contraire...

Et lorsque Dante souleva ses paupières, je crus m'effondrer pour de bon.

Noirs.

Ses yeux étaient noirs. Deux trous béants, puits de ténèbres, au-dessus d'un rictus mauvais et carnassier, prêts à m'avaler dans leur néant...

Mission "Ulysse" (Regana - tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant