Chapitre 11.

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Je ne pouvais pas partir de la sorte. Je ne pouvais tout simplement pas quitter Dante. Malgré cette part de moi qui le haïssait, je l'aimais plus que tout. Plus que ma propre vie.

À la déraison.

Il était la seule chose qui avait une once de sens en ce monde. Tout ce que j'avais vécu, cela avait été pour lui. Uniquement pour lui. Il était tout : mon bourreau, ma victime, mon amour, mon ami... Mon démon. Mon amant. La source de toutes mes passions. Celle de tous mes tourments.

Furieuse, je m'enfonçai sans demander mon reste dans la forêt des damnées, entre les immenses arbres tordus et dénudés. Une rage sourde grondait en moi sans que je ne parvienne à déterminer ce qu'elle visait réellement. J'étais... en colère. J'avais terriblement envie de briser quelque chose, d'exploser... Et peut-être d'entraîner dans mon explosion tout ce qui m'entourait. C'était pour cela que j'avais quitté la maison, dans un éclair de lucidité. Pour ne pas détruire le seul lieu qui représentait encore un chez moi. Mon seul repère, mon havre de paix depuis des siècles.

Mais je bouillonnai intérieurement, un feu dangereux se répandant en langues voraces sous mon épiderme, grignotant ma raison et ma patience. J'avais... mal. Peur. Froid. Faim.

« Quoique tu fasses, que tu continues de réprimer l'ange ou non, cette lutte en toi te détruira. Elle t'anéantira. Le mal compte bien t'engloutir entièrement. »

Les mots de Carmine tournaient en boucle dans mon esprit. Un spasme violent secoua ma poitrine tandis qu'une bile acide empoisonnait ma gorge, brûlante.

« C'est ça ou le néant. »

Ça ou le néant.

En cet instant, je n'avais qu'une envie, embrasser ce néant. Maintenant, tout de suite. Pour arrêter de... souffrir. Pour faire taire cet espèce de trou noir vorace qui me lacérait la poitrine, le cœur, l'âme, laissant ma chair sanguinolente en proie au Mal. Je pouvais presque entendre ce dernier ricaner froidement à mes oreilles, sentant sa victoire inexorablement proche. Il m'incitait à laisser éclater ma rage, à m'enfoncer toujours plus dans les ténèbres et à ne plus jamais revenir. À laisser place à cette fureur grondante qui prendrait plaisir à semer le chaos dans les cercles, comme jadis. Pour détruire avant d'être détruit. Face à lui, cette autre part de moi, celle que j'associais à l'ange, celle... qui était réellement moi, luttait et le dernier rempart entre la folie qui m'attendait et moi.

Ce n'était que grâce à elle que j'étais encore capable de me maîtriser moi-même. Suffisamment pour réfléchir.

J'avançai sans faire attention, me souciant peu des recoins de la forêt où me menaient mes pas. J'avais tant de fois erré en ce cercle, il était mon domaine. Je ne craignais rien. Désormais, la plus grande menace ici pour moi était moi-même. J'était en train de me tuer. À petit feu.

Il y avait la gardienne. Il y avait le Mal. Il y avait moi. Et mon cœur déchiré, déchiqueté, mon existence ravagée par cette bataille discordante, dantesque. Et ils s'empoisonnaient, et ils m'empoisonnaient.

Je ne voulais pas mourir.

Mes yeux me brûlaient, comme si j'allais me mettre à pleurer. Pourtant, aucune larme ne voulait couler. Je priais malgré tout pour qu'elles se déversent sur mon cœur et éteignent l'incendie qui était en train de le ravager.

En vain.

Je ne savais plus. Je ne savais plus ce qui était préférable. Quitter Regana, quitter mon amour, quitter tout ce que j'avais ? Enfin me débarrasser de la folie, de cette souffrance, de mon propre venin et de tout ce qui me tourmentait ? Redevenir... Redevenir humaine. Dans un monde que je ne connaissais pas. Tout recommencer. Avoir une seconde chance.

Mission "Ulysse" (Regana - tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant