Chapitre 17.

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Il te ment, il te ment, il te ment, il te ment, il te ment, il te ment, il te...

FERME-LA !

Mon éternel mal de crâne s'était intensifié sous le poids de la terreur inexplicable qui étreignait mon cœur.

Il te ment.

Je tentais de chasser de mon esprit l'image de la sirène se matérialisant entre nous, se penchant à son oreille, lui murmurant des secrets au-delà de ma portée, déposant un baiser maudit sur ses lèvres... Avant de disparaître. Et de nous laisser tous deux. Lui et moi. Son silence. Effroyable silence.

Il te ment !

Encore une fois, il avait refusé de me confier la vérité. Encore un mensonge. Pourquoi ? Je ne comprenais pas. Nous nous étions tout promis. Le meilleur et le pire. Surtout le pire. Il devait tout me donner, son cœur, son corps, son âme, aussi noire et pourrie soit-elle. Même si elle n'était qu'une illusion. Il n'avait pas le droit de me refuser la vérité. Sa vérité... Pourquoi me la refuser ?

Il sait que nous sommes là ! s'extasiaient les ricanements sinistres de cette voix que je haïssais plus que tout et qui me menait à ma propre destruction. Il sait que je suis là, partout...

Je secouai vivement la tête. Bien sûr qu'il savait. Quel était encore cet étrange délire ?

Nous venions de franchir une épreuve. Nous poursuivions notre route sur la montagne, gravissant désormais une pente rude au milieu des roches, suivant le petit sentier qui serpentait sinueusement. Alors pourquoi avais-je la détestable impression que le mal venait de remporter une victoire ? Je le sentais à la lisière de mon esprit et la gardienne, après m'avoir tiré de l'illusion, demeurait muette. Désespérément muette. Le laissant lui rire, rire, rire...

Il te ment. Il sait. Embrasse la destruction.

« Dante.

Le démon ralentit le pas, tournant sa tête dans ma direction. Son air calme, neutre, ne fit qu'alimenter plus encore ma fébrilité lorsqu'il s'enquit, comme si tout était normal :

— Qu'y a-t-il, Bella ?

J'entrouvris les lèvres, l'air s'engouffrant dans mes poumons, sentant les mots se bousculer sur le bout de ma langue, s'emmêler, perdre de leur sens avant de le retrouver brutalement. L'angoisse qui enserrait mon cœur venait de s'évaporer, laissant place à un vide total. Il ne restait plus que ce rire sinistre, se moquant de moi et de mon incapacité à m'exprimer. Et le regard intrigué de mon amant par-dessus son épaule alors que nous marchions encore. Son regard qui m'aimait... Son regard qui me mentait. M'arrachant à la soudaine pesanteur qui s'était emparée de moi, je parvins à croasser, luttant pour garder le contrôle :

— La sirène. Que t'a-t-elle dit ?

Un instant, mes mots se répercutèrent contre la paroi de la montagne, résonnant curieusement, vertigineusement. Je déglutis, enjambant une roche qui se dressait sur la route. Puis enfin, sa voix me parvint.

— Pourquoi tiens-tu tant à le savoir ?

Je tressaillis à l'entente de sa question et le brouillard qui m'embourbait quelques instants seulement auparavant se dissipa brutalement, me laissant face à une clarté si vive que je n'étais même plus capable de discerner la lucidité de la folie. Et pourtant, j'étais lucide. Les voix s'étaient tues. Ne restait plus que la mienne. Que la sienne.

Il s'était arrêté pour me toiser. Mais je n'avais plus vraiment de patience. À ce rythme nous n'y arriverons jamais. Et je craignais au fond de moi que l'immobilité laisserait à mon corps une plus grande liberté que je ne pourrais pas forcément contrôler... Perdre patience, le blesser... ou céder à l'attraction de cette bouche que je haïssais autant que je l'aimais. Le dépassant, je lâchai :

Mission "Ulysse" (Regana - tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant