Mission "Ulysse" (Regana - tome 2)

Chapitre 21.

« Attention !

Électrisé par mon avertissement, Dante bondit en arrière, évitant le tranchant de l'aile qui effleura son épaule. Les yeux prédateurs de la stryge glissèrent de lui à moi, une lueur folle y dansant. Je la connaissais trop bien pour ne pas savoir ce qu'elle signifiait.

Je me raidis, un peu plus sur mes gardes, échangeant un regard avec mon compagnon.

La créature attaque soudain. D'un bon, elle se retrouva entre nous et je me baissais pour éviter un coup. Sa queue comme ses ailes représentaient une menace tout aussi importante que ses griffes ou ses crocs.

Elle était d'une agilité stupéfiante, esquivant le tranchant de mon sabre qui fusait tout près d'elle. Mais nous étions deux et nous n'avions pas besoin de la moindre parole pour communiquer ou nous comprendre. Je savais d'avance ce que mon amant attendait de moi.

Alors qu'elle plongeait sur lui, le démon lui asséna un coup à la puissance démesurée dans son visage. Elle tituba en arrière et j'en profitai pour renchérir, la frappant du pommeau de mon arme de toute mes forces. Pour toute réponse, elle recula de quelques pas, ses traits monstrueux étirés par la fureur, et poussa un cri strident qui m'arracha une grimace de souffrance.

Elle chargea de nouveau, animée par une rage folle, ses muscles saillants tendus comme la corde d'un arc. Mon cœur battait à tout rompre dans ma poitrine, l'adrénaline se déversant dans mes veines. Je parai une attaque sans avoir vraiment le temps de réfléchir à ce que je faisais. Puis je répliquai.

De concert, le poète surgissait derrière elle et tentait de la mettre au sol. Me faufilant sous la masse de leurs corps emmêlés, j'agis à mon tour, ma lame s'enfonçant dans son flanc.

L'ire de la bête explosa.

Ses ailes s'étendirent brutalement, repoussant mon compagnon à l'autre bout de la clairière, soulevant la poussière dans un tourbillon aveuglant, agitant les ténèbres. Puis elle se tourna vers moi, féroce. Je reculai in-extremis d'un pas, la pointe de ses appendices mortels déchirant un bout de ma tunique.

— Dague ! m'apostropha Dante qui déjà reprenait de l'élan pour se propulser vers elle.

Réagissant à l'instinct, je fis apparaître le coutelas dans ma paume avant de la lui lancer. S'en saisissant en plein vol, il attaqua de nouveau. Ce qui me permit de reprendre de la hauteur.

Mon amant parvint à blesser la créature, essuyant à son tour plusieurs coups. Il arriva à se soustraire à de multiples reprises aux griffes qui menaçaient parfois un peu trop de l'éventrer.

Mais il ne réussit pas à éviter la dernière frappe de son adversaire qui lui fit perdre l'équilibre.

Ce fut à mon tour d'agir. Sautant de mon perchoir, j'atterris sur son dos.

Nous chutâmes au sol. Profitant de la force de gravité procurée par la pente, je parvins à prendre le dessus, la pointe de mon arme sous sa gorge, à deux doigts de la transpercer, ses bras coincés sous mes bottes tandis que je pesais de tout mon poids.

— Maintenant !

Je levai mon arme, prête à enfin l'abattre.

Mais ses grands yeux se levèrent soudain sur moi. Derrière le lac de sang qui les composait brillait soudain un éclat que je ne parvins pas à ignorer. Celui de la souffrance, une éternelle et inéluctable souffrance, qui alimentait sans cesse la soif de sang. Tuer pour ne pas souffrir...

Je connaissais trop bien cela.

Sa douleur était la mienne.

Je ne parvenais pas à oublier que ce qu'elle était, je l'avais été aussi. Et qu'elle était le fruit de mes peurs. J'hésitai une seconde avant de l'achever, avant d'abaisser mon bras et de la frapper mortellement.