Crois moi

18.

Azalée

Dans l'après-midi.

-T'es certain que ça va ?

Lisandro me regarde. Son visage est complètement massacré et j'ai du mal à le regarder dans les yeux sans me crisper. Ezio a complétement perdu les pédales et même s'il a ses raisons je trouve ça ignoble d'avoir fait ça.

-J'en ai vu d'autres, me répond-il.

Son chef est posté dans l'encadrement de la baie vitrée, le regard sur nous. Je fais abstraction de sa présence. Tout ça me dépasse, je n'aurais jamais pensé qu'il pouvait être violent envers ses proches. Mais il vient de me prouver le contraire.

-Je suis désolé pour tout ça, me dit Lisandro en posant sa main sur la mienne, je ne pensais pas qu'il hurlerait comme ça.

Je souris tendrement.

-Il pouvait pas savoir, je réponds.

Alors qu'en réalité il sait. La fois où Andreas est venu chez Lily et qu'il a tiré des coups de feu pour réveiller ses hommes il a couvert mes oreilles pour me protéger du bruit.

Au moment où je me redresse Livio passe la porte les bras chargés d'alcool et de nourriture. Je le regarde intriguée.

-Soirée ou pas soirée ?

Ses cheveux blonds lui tombent sur le front, il souffle dessus avant de tout poser par terre. Coquillette part le renifler.

-Livio c'est pas une bo-

-Purée Lisandro c'est elle qui t'a fait ça ?! s'exclame-t-il quand il voit l'état de son visage.

Il sourit à son ami avant de lui répondre qu'il s'est battu avec un mec à la sortie de la fac. Mon cœur se serre quand il ne lance même pas un regard à Ezio qui cherche son regard avec désespoir.

-Ezio tu viendras ?

Le principal concerné quitte Lisandro des yeux pour trouver ceux de Livio.

-Sans moi. Démolissez pas tout c'est pas votre baraque.

Il termine son verre de scotch avant de sortir de la pièce. Sa réaction n'est pas disproportionnée du tout, sa petite sœur est décédée et c'est « l'anniversaire » de sa mort. Je ne peux qu'imaginer la douleur qu'il ressent sans pour autant l'avoir vécue. Perdre un être cher à son cœur est la chose la plus difficile à surmonter.

Il y a perdre la personne au sens physique, lors d'un décès par exemple et pour faire son deuil c'est différent en fonction des personnes qui le vivent. Certains ne peuvent pas prononcer ces mots à voix haute de peur que ça devienne réel même si en réalité ça l'est déjà. Un deuil ça se fait en plusieurs étapes et parfois même ça ne se fait pas. Juliette a perdu sa maman quand elle était petite, nous ne nous connaissions pas encore quand elle est décédée mais Ju nous a affirmé que ce jour là elle était morte elle aussi. Il n'y avait pas de sang mais elle s'est sentie mourir et depuis elle vit avec beaucoup de mal la vie. Comment s'en sortir sans une figure aussi importante qu'une mère ? le déni, l'acceptation, la colère et la vengeance sont les étapes qu'elle a franchi avant de pouvoir se rendre au cimetière sur la tombe de sa maman.

Quand la sœur de mon père est mort rien ne s'est passé. Je suis allée à l'enterrement de mon plein gré sans pleurer une seule larme sauf quand les photos de nous ont défilées mon cœur n'a pas supporté. J'acceptais seulement sa mort, car au fond je savais qu'elle allait partir bientôt. J'ai réussi à aller au cimetière quelques jours après pour lui parler. Je lui ai raconté ma vie et je me suis sentie mieux.

Le deuil est important.

La mort est violente.

Et les blessures éternelles.