Quelques nuages /2

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Elle a décidé de passer la soirée avec Navinn. Il l'a invitée à dormir et, voulant en apprendre plus sur lui, elle n'a pas pu refuser. Les voilà donc dans la même chambre, lui dans son lit et elle sur un matelas au sol, lumière éteinte et fenêtres ouvertes sur la froideur de la nuit. Comme avant, ne peut elle s'empêcher de remarquer.

— Tu vas te marier avec Solal ?

La jeune fille s'étouffe avec sa salive. Elle se tourne en direction de son ami et avise son visage curieux, à la lumière de la lune. Qu'est-ce que c'est que cette question ? s'étonne-t-elle.

— Je ne sais pas. Nous... nous n'en avons pas vraiment discuté.

Le garçon rit doucement, portant un coup en plein cœur de la jeune fille. Ce rire est si pur qu'elle ne pensait plus jamais pouvoir l'entendre. Oui, se rappelle-t-elle. Il fut un temps où Navinn riait sincèrement. Elle se souvient, son rire était alors le plus beau son du monde.

— Mais tu l'aimes vraiment vraiment, pas vrai ?

Kia serre son oreiller, les larmes lui montant soudain aux yeux. L'aimer vraiment vraiment ? se répète-t-elle en se mordant la lèvre.

— Moi, je vais me marier avec Kia !

Le rire bruyant d'Elena avait empli toute la pièce. Le garçon avait mis les mains sur ses oreilles, comme si cela pouvait l'empêcher d'être trop bruyante. Il ne voulait pas être surpris à discuter aussi tard.

— Mais non ! pesta-t-elle en envoyant un coussin à la figure de son frère. Pour se marier avec quelqu'un, il faut l'aimer vraiment vraiment !

Les souvenirs affluent dans la tête de Kia. Elle sent un poids lui comprimer la poitrine : où est passé Elena ?

— Mais tu m'aimes vraiment vraiment, non ? s'était inquiété le garçon.

Kia avait souri.

— Oh que non ! avait-elle répondu.

— Oui, je crois que c'est ça, chuchote Kia d'une voix enrouée.

Je crois que c'est ce que voulait dire Elena, précise-t-elle par pensée, luttant pour ne pas pleurer.

— Tant mieux, soupire Navinn.

Il se tourne dans son lit, le bruissement de ses draps parvient aux oreilles de Kia.

— Moi, je me marierai peut-être avec Fermont ?

Il éclate soudain de rire, et Kia ne peut s'empêcher de le rejoindre. Son cœur bat plus fort, elle sent que ce moment est sincère. Elle le chérit, c'est presque comme avant.

— Sinon, il faudrait que je force quelqu'un, poursuit Navinn. Parce que personne ne m'aimera vraiment vraiment.

Kia cesse de rire. Il dit vrai, regrette-t-elle. À qui la faute ?

— Mais ce n'est pas grave, c'est une histoire de grands, soupire le garçon. Du moment qu'il y a quelqu'un qui m'aime ça suffit, non ?

La jeune fille sent son coeur se serrer.

— Parce que tu crois qu'il y a quelqu'un qui t'aime, Navinn ? ne peut-elle s'empêcher de rétorquer.

Aussitôt cela dit, elle se plaque les mains sur la bouche. Elle voudrait se frapper, elle aurait dû se taire. Mais il est trop tard, le mal est fait. Elle est prise au piège.

Navinn la regarde avec des yeux à demi-fermé, une expression innocente sur le visage. Kia est impuissante, elle a encore perdu.

— Oui, répond-t-il. Il y a Fermont. Et puis il y a toi.

Devant son expression chagrinée, elle s'approcha et le prit dans ses bras.

— Mais t'inquiètes pas, le taquina-t-elle. Je t'aime quand même, Navinn.

Le garçon avait grommelé. Elena s'était rajoutée et les avait enlacés tous les deux.

— Oui, je vous aime aussi ! s'était-elle esclaffée. Je vous aime pour toujours !

Kia ne répond rien, ce qui vaut bien tous les aveux. Navinn et Elena, songe-t-elle. Jamais elle ne cessera de les aimer.

— J'aurais bien aimé être le parrain de ton enfant, soupire alors le garçon.

Kia est encore une fois stupéfaite par le tour que prend la conversation. Sa confidence lui serre le cœur. Que mijote-t-il ? s'inquiète-t-elle. Elle se prépare à la chute, sachant que venant de lui, rien n'est fait sans calcul depuis l'Attentat. Pourtant, il n'y a aucun artifice dans ses paroles, cette fois.

La jeune fille serre les poings, émue malgré tout par son aveu. Elle comprend que c'est un souhait du petit garçon qu'il était avant, un vestige du gentil Navinn. Elle aussi, elle aurait bien aimé qu'il soit parrain de son enfant, regrette-t-elle. Mais c'est une idée vaine, même lui sait que ce n'est plus possible.

— C'est pour ça que je me bats, finit-il par avouer.

Le garçon brandit le poing dans sa direction. Une larme dévale la joue de la jeune fille.

— Ton enfant ne finira pas comme Elena, promet-il. Il sera en sécurité, je le protègerai.

Coeur de pierreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant