— Tout est prêt ?
— Oui, monsieur.
Quittant du regard les larges écrans accrochés aux murs, l'homme pose les yeux sur la petite silhouette de son protégé. Souriant de toutes ses dents, Navinn admire la lumière qui rayonne des installations comme un enfant devant une vitrine de jouets. Toute son innocence s'anime sur ses traits. Pourtant, le garçon ne regarde pas des figurines avec lesquelles il pourra inventer de nouvelles histoires : il regarde une arme capable d'en annihiler des millions d'anciennes.
— Tu doutes encore, Fremont ? s'interroge le jeune dictateur en faisant rouler ses yeux dans la direction de son conseiller.
L'homme se raidit.
— C'est que je m'interroge sur la réaction des Briseurs, monsieur, plaide-t-il. Rien ne nous dit qu'ils vont répondre à l'appel.
Le garçon se tourne vers l'homme, le dévisage un instant avec un regard glaçant, puis éclate de rire.
— Oh, ne t'inquiète pas ! rigole-t-il de bon cœur. Ils traînent toujours dans nos pattes !
Le regard vaguant sur les écrans devant lui, le conseiller serre les dents.
— Tout de même...
— Tu ne me fais pas confiance, Fermont ? insiste le garçon.
Sa voix a beau être amicale, l'orage gronde. La colère qui plane suffit à figer de terreur les quelques techniciens qui traînent dans la pièce, mais Fermont ne se départit pas de son calme. Lui, il est trop précieux, trop présent. Il est un des seuls qui ne risquent rien des coups de colères de Navinn. Il est là depuis ses premiers pas, a sa garde et a sans doute réussi à gagner un peu de son affection au fil des années. Il ne peut pas être tué par son petit chef, c'est sa seule certitude.
Le garçon charge son pistolet. Son second se campe sur sa position, prêt à le voir abattre un autre soldat devant ses yeux. Mais Navinn ne se décide pas encore à tirer. Il tapote plutôt le canon de son arme contre sa tempe en souriant, regardant son conseiller droit dans les yeux. Des flammes d'enthousiasme dansent dans le noir de ses grosses pupilles.
— Crois-moi, susurre-t-il avec assurance. Elle va venir, et on aura gagné !
☽☼☾
— Je suis contente que tu sois immunisée.
Glaëlle lève les yeux vers la silhouette mouvante de Kia, surprise de l'entendre prendre la parole.
— ... moi aussi.
— On peut dire que je suis bien tombée, plaisante la lieutenant en ralentissant le pas pour la laisser gagner sa hauteur. Une excellente tireuse en plus ! Tu m'as sauvé la mise, tu sais.
Glaëlle baisse la tête, gênée. C'est étrange de la voir si chaleureuse. Dans ce bureau, elle semblait éteinte, la rouquine doutait qu'elle puisse encore lui parler aussi librement que sur le chemin vers les Briseurs. Kia est une lieutenant, sa place est importante. Elle ne doit pas pouvoir parler librement aux petites mains comme Glaëlle et son frère, surtout pas en présence de son chef. Quoique Solal ne semble pas si sévère.
— Tant mieux, répond timidement Glaëlle. Mais je ne risque pas de faire grand cose de plus. Vous êtes tous très forts, ici.
— T'inquiètes pas, tu vas t'en sortir ! la rassure amicalement Kia. Et puis Isaac est génial ! Bon, il risque de te mettre mal à l'aise parfois. Il faudra que tu lui tiennes tête. Mais il est gentil et très fort dans son domaine, tu apprendras vite avec lui !
Glaëlle peine à suivre le fil. Elle qui s'attendait à un trajet froid et gênant, elle ne sait pas quoi faire de cette subite avalanche d'informations. Après les remontrances que Kia a dû subir pour l'avoir engagée sans consulter personne, elle pensait que la brune ne lui adresserait plus la parole. Elle ne pouvait visiblement pas plus se tromper.
— Tu vas nous être utile, tu vas voir, poursuit Kia. Tu participeras peut-être même à la prochaine bataille, qui sait ? Avec ton niveau, ce ne serait pas surprenant. Solal ne va pas se priver d'utiliser tes compétences !
La rouquine reste muette. Elle remarque cependant le léger tremblement de sa voix à l'évocation de son chef.
— Il t'a punie ? trouve-t-elle enfin le courage de demander.
Kia se raidit.
— Solal ? répond-t-elle. Non, ce n'est pas son genre. Il est très tolérant, tu sais. C'est un bon chef...
Sa voix se perd sur ses derniers mots. Elle reste songeuse, ça ne manque pas de réveiller la curiosité de Glaëlle.
— Ce matin, tu étais en mission, non ? s'enquit-elle. Ce n'était pas un peu dangereux de partir seule et sans armes ?
La jeune fille baisse la tête, son carré soyeux retombant devant les traits fins de son visage.
— Je ne suis pas partie sans armes, rectifie-t-elle d'une voix distante. C'est qu'il m'est arrivé quelques... complications. Et puis ma seconde était indisponible, c'est pour ça que je suis partie seule.
Glaëlle ne peut retenir quelques frissons. Kia est sinistre maintenant, ça lui donne froid dans le dos. Qu'est-ce que cache tous ces mystères ? est-elle intriguée. Peut-être que la rouquine n'a pas le droit de poser de questions... ou peut-être qu'elle ne veut même pas connaître les réponses. Pourtant, elle ne peut s'empêcher de demander :
— Et c'était quoi, comme mission ?
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Coeur de pierre
Science FictionC'est bête, un homme. Ça cause sa perte tout seul. Dans un nouveau monde miné par la mort, la violence et la dictature, la vie prend un tout autre goût. D'autant qu'il pèse à présent sur le quotidien de l'humanité un terrible orage. Un fléau aussi d...