Une main secourable /1

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Glaëlle ne sait plus ce qui lui a pris. Depuis qu'ils ont quitté leur maison, elle ne s'est lancée qu'une seule fois à la rescousse d'un inconnu sans réfléchir, et il était dans une meilleure position que cette étrangère. Il n'y avait alors qu'un ennemi désarmé à abattre et ils en étaient rapidement venus à bout, à deux. Cela n'avait donc rien à voir avec la situation actuelle, c'est pour ça qu'elle n'aurait jamais dû s'en mêler. Debout dans le vent, postée dos aux rayons du soleil levant, elle s'offre désormais en cible facile à toute une bande de brigands contre laquelle elle ne peut rien. Même avec son pistolet, elle ne peut empêcher tous ses membres de trembler.

Peut-être était-ce dû au regard implorant de Vrane, quand ils ont vu cette fille aux prises avec ces énergumènes ? Ou peut-être que ses propres principes ont finalement pris le dessus. Quelque qu'en soit la cause, la jeune fille s'est jetée dans l'action. La voilà donc à menacer une bande de tueurs juste pour sauver une victime qu'elle ne connaît ni d'Eve ni d'Adam, telle une super héroïne. Une super idiote, plutôt, se maudit-elle. Qu'est-ce que c'est que ce plan foireux !

— Relâchez-là ! réitère-t-elle cependant, pistolet serré bien fort entre ses mains.

Devant, le gros bonhomme éclate de rire.

— T'es amusante, gamine ! se gausse-t-il. Vous voyez, reprend-t-il à l'adresse de ses quatre acolytes, on a bien fait de se lever tôt ce matin, en voilà deux pour le prix d'une !

Il se détourne de Glaëlle pour s'occuper sa première victime, ne s'attardant pas plus longtemps sur cette rouquine insignifiante.

— Amenez-la moi, lance-t-il à sa bande.

Mais l'intéressée ne compte pas se laisser faire si facilement. Elle a un frère à sauver, elle ne peut se permettre de se faire enlever par des voleurs juste parce qu'elle a joué à l'héroïne. Sans plus réfléchir, elle tire sur ce gros bonhomme désagréable qui semble être leur chef pour détourner son attention. Son tir est parfaitement maîtrisé, s'abattant dans la main qui empoigne la malheureuse sans la blesser. Il a de quoi surprendre la brute qui lâche un hurlement de douleur en se débarrassant de sa première victime.

— Saloperie ! hurle-t-il en direction de Glaëlle, la voix tremblante d'une rage à vif. J'ai changé d'avis, buttez la !

Aussitôt, ses hommes se mettent à pointer leurs armes sur elle. La jeune fille sent sa respiration se couper nette. C'était une mauvaise idée ! s'horrifie-t-elle. Elle pointe son arme au hasard, se rendant compte qu'elle n'est même pas prête à tuer l'un d'entre eux avant d'être attrapée. Désolé, Vrane, songe-t-elle à regrets. Ta sœur est vraiment aussi stupide que toi !

— Laissez tomber vos armes.

À bout de souffle, Glaëlle doit tourner la tête pour trouver d'où provient la voix. Ce sont deux hommes qui sont apparus dans le dos des brigands, armes aux poings. Le soulagement s'empare d'elle un bref instant avant qu'elle ne remarque leurs tenues. La jeune fille ne s'y trompe pas : ils abordent l'uniforme de l'armée du dictateur. Ce sont des ennemis, enregistre-t-elle. Mais pour l'instant, ils semblent être de son côté, ce qui n'est pas un mal.

— En effet, renchérit une troisième voix. Vous feriez mieux de bien vous comporter...

La rouquine ravale sa salive, apercevant la scène entre ses boucles rousses qui lui fouettent le visage. Celle qui était captive il y a quelques instants a profité du coup de feu et de l'arrivée des deux hommes pour retourner la situation. Même de loin, Glaëlle peut admirer la maîtrise de sa posture. Un bras passé autour du cou de son agresseur, l'autre agrippant le pistolet qu'elle vient de lui voler pour le plaquer contre sa tempe, elle ne semble pas prête à discuter.

— ... sinon, votre cher Keran crève ! s'exclame-t-elle. Croyez-moi, je vous jure que je ne suis pas du genre à faire des menaces en l'air.

Au ton de sa voix, personne ne pourrait dire le contraire, d'autant plus que tout le monde présent connaît l'intransigeance d'un désir de vengeance. Mais la rouquine n'est pas rassurée pour autant. Les alliés du brigand restent libres de tirer où bon leur semble et, si les étrangers sauront rapidement reprendre le contrôle vu leur statut, ce n'est pas ce qui sauvera la vie de Glaëlle. Non, se répète-t-elle. Elle doit se tirer de là toute seule.

N'écoutant que son instinct, la jeune fille fait tourner son pistolet en direction de l'homme le plus proche d'elle et lui tire dans l'épaule. Blessé, son adversaire laisse tomber son arme dans un gémissement de douleur pour comprimer sa blessure. Glaëlle n'attend pas que les autres réagissent pour foncer droit vers la jeune fille au milieu, estimant ses chances de survie plus grandes si elle la rejoint.

Elle zigzag entre les tirs de riposte, se moquant intérieurement de la faible précision de leurs agresseurs, puis elle se plaque dans le dos de l'inconnue, se servant d'elle comme bouclier pour protéger ses arrières. Les deux soldats alliés finissent de sécuriser leur position, comme deux gardes du corps.

— Si vous répliquez, ça va dégénérer, avertit l'étrangère.

Sa voix tremble, remarque Glaëlle. De près, elle le perçoit mieux. Son attitude reflète un mélange de peur et de colère, elle ne semble pas apprécier la tournure que prennent les évènements. Peut-être que c'est de ma faute. Ai-je bien fait d'attaquer ? songe la rouquine, sans pour autant éprouver la moindre touche de remords. Sa vie est sauve, elle n'a que faire du reste.

Les brigands ne répliquent pas, trop effrayés par la menace.

— J'épargnerai ceux qui fuient, poursuit l'étrangère.

Sa voix est ferme et inflexible, elle a l'aura d'une dirigeante. Glaëlle ne peut s'empêcher de l'admirer tout en s'effrayant de ses derniers mots. J'épargnerai ceux qui fuient... qu'est-ce que cela veut dire, au juste ? s'inquiète-t-elle.

Sur les quatre adversaires restants autour d'eux, deux s'enfuient : le blessé à l'épaule ainsi qu'un autre, tenant trop à la vie pour risquer de sauver son chef. Mais deux restent tout même en position, dont une fille râlant contre les déserteurs à grand coup d'insultes.

— Elle bluff, crétins ! vocifère-t-elle. On a l'avantage ! Je me débarrasse de ces quatre merdes et je viens vous buter, dégonflés !

Elle semble sur le point de rajouter une ou deux menaces bien senties quand un coup de feu l'interrompt, l'inconnue de Glaëlle vient d'abattre leur chef. La voleuse s'immobilise, trop choquée pour bouger.

— Qu'est-ce que vous attendez, les gars ! crie-t-elle soudain en direction des maisons alentour.

— Ils ont été neutralisés, annonce un troisième soldat venant les rejoindre.

Il est encore de l'armée, celui-là, songe la rouquine en le voyant approcher. Sont-ils encore nombreux ? s'inquiète-t-elle. Vrane n'aurait pas dû rester seul.

La brigante recule de deux pas, comme touchée en pleine poitrine. Rapide comme la foudre, l'alliée de Glaëlle fait retomber le corps de sa victime pour l'abattre avant même que son visage ne finisse de se teindre d'horreur. Leur dernier adversaire, lâchant son arme et détalant vers la maison la plus proche, connaît exactement le même traitement. Glaëlle n'a pas le temps de suffoquer d'effroi que les trois sont déjà à terre, emportés loin du monde des vivants.

La respiration haletante, l'étrangère lâche enfin son arme qui s'écrase au sol et se penche en avant pour reprendre son souffle. La rouquine tremble de tous ses membres, tant abasourdie qu'elle en oublie de respirer. La gâchette facile, des gardes appartenant à l'armée... sur quelle fille vient-elle de tomber ? se demande-t-elle avec effroi.

Coeur de pierreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant