Facilité

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— Solal...

Allongée sur le canapé de son bureau, Kia regarde son ami fermer la porte derrière lui. Songeuse, elle retourne la tête vers le plafond en levant sa main devant ses yeux.

— J'ai tué deux Hommes tout à l'heure, avoue-t-elle d'une voix éteinte. C'était la fin de la bataille pourtant, et ils n'étaient même pas menaçants. Mais je les ai abattus froidement, sans aucun état d'âme. Ce n'était pas justifié.

Son bras vacille au-dessus de sa tête, repenser à l'incident lui donne la nausée. Elle ne veut pas reconnaître cette main qui plane devant ses yeux, cette main qui a tué sans trembler.

Kia entend Solal avancer vers elle. Il s'assied à l'autre bout du canapé, silencieux. Comme à son habitude, il se contente d'écouter. Il ordonne soigneusement les paroles de la jeune fille dans sa tête pour comprendre la situation puis, seulement, il répondra. Alors Kia poursuit sans prendre la peine de s'arrêter :

— Ça m'est apparu comme la solution la plus simple, confie-t-elle. Mais mince, je les ai tués ! Et puis si tu avais vu l'expression de Glaëlle, elle était effrayée. Je ne veux pas inspirer cette peur aux gens. Pourtant, elle était bien légitime... je me fais même peur moi-même.

Kia baisse les yeux sur le profil du jeune homme, la voix tremblante d'incertitudes. Solal se tourne vers elle, ses yeux bruns chargés d'attention pour l'aider à continuer.

— Je crois... que je commence à lui ressembler.

Aussitôt cela dit, elle s'affole :

— Non, ce n'est pas vrai ! s'écrit-elle en se redressant brusquement, abattant le poing sur son cœur comme pour faire une promesse. Je refuse d'être comme lui ! Je ne tue pas pour rien, moi. C'était un accident ! Et puis j'ai épargné les autres. Je ne suis pas un monstre, pas vrai ? Je ne suis pas... je ne lui ressemble pas...

Solal attrape la main de son amante, la couvrant d'un regard doux. Il la sert dans les siennes afin de l'apaiser, Kia ressent des frissons jusqu'à l'intérieur de son corps. Elle ferme les paupières, la poitrine secouée des sanglots qu'elle s'est efforcée de retenir ces dernières heures. Des larmes se mettent bientôt à couler du coin de ses yeux.

— Non, tu n'es pas comme lui, chuchote le jeune homme. Tu es la mieux placée pour le savoir. Celle que j'aime n'a rien à voir avec Navinn.

Il baisse les yeux, resserrant son étreinte sur la main de la jeune fille.

— Ne te dis pas que tu n'aurais pas dû les tuer, reprend-il doucement. S'ils vous ont attaqués, ils auraient fait la même chose avec d'autres innocents. Ils auraient pu faire beaucoup de mal, encore. Pourquoi t'en veux-tu de les en avoir empêché ?

— Parce que j'ai tué... sanglote la jeune fille.

Solal acquiesce dans un large mouvement d'épaules.

— Oui mais nous sommes en guerre, Kia. Peut-être que ce serait vous deux qui auraient été tuées sans ton intervention ? Tu as tué pour sauver, c'est ce qui est le plus important.

La jeune fille baisse les yeux, emplie de doutes. Non, elles ne seraient pas mortes, les soldats dépêchés par Navinn ne les auraient pas laissées mourir. Seulement, mieux vaudrait pour elle d'oublier ce détail.

Kia soupire. Solal a tout de même raison sur un point : qui sait ce qu'auraient fait ces brigands si elle leur avait laissé la vie sauve ? Elle n'a pas tué pour rien, c'est tout ce qu'elle doit retenir.

Le jeune homme se rapproche de sa compagne, attrapant son visage dans sa main et se penchant vers elle.

— J'aurais fait pareil à ta place, confesse-t-il, son souffle caressant les joues de la jeune fille.

Kia ferme les yeux. Elle ne le croit pas, Solal ne tue pas. Quand il amène son visage contre sa poitrine pour la serrer dans ses bras, elle songe plutôt que c'est Navinn qui aurait fait comme elle.

Peu importe, la jeune fille décide d'oublier ses fautes. Elle cède aux caresses, elle fuit sa culpabilité. Elle lui préfère le pardon et la douceur de l'étreinte que lui offre Solal. La facilité, encore une fois. Mais doit-elle vraiment lutter contre ça ?

Coeur de pierreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant