Doute et plaisir

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Je rassure Berto sur mon état de santé et le voilà qui entre dans ma chambre les mains dans le dos, avançant comme ce qu'il est, un vieux professeur.

- Nina, j'ai étudié hier soir d'autres documents du dossier Ninlin et il y a quelque chose que je ne comprends pas.

- Oui, je comprends bien mais peut-être qu'on peut en parler en bas, en prenant notre petit-déjeuner, non ?

- Je préfère que mes doutes restent entre nous, dit-il en s'asseyant sur mon lit.

Je ne peux naturellement pas lui dire qu'Ellie nous entend et je crains que les confidences de mon professeur ne lui soient vraiment pas destinées.

- Oui, oui, je comprends bien mais je pense qu'on devrait en parler plus tard, Professeur.

- Quelque chose ne colle vraiment pas Nina, continue-t-il sans m'écouter. J'ai beau retourner les choses dans tous les sens et faire confiance à Vidal-Bosch, ça ne s'explique absolument pas. Aucun objet historique n'a autant voyagé. Alors certes, on sait par exemple que des œuvres ont disparu et voyagé sous le Troisième Reich, mais là on part du postulat que cette tablette aurait voyagé pendant cinq millénaires, Nina, vous rendez-vous compte ? Cinq millénaires ! Et plus fou encore, certains des documents que j'ai lus évoquent d'autres pièces qui voyageraient avec elle, toutes émanant de périodes et de lieux historiques totalement différents. Mais dans quelles circonstances une tablette sumérienne pourrait-elle se retrouver avec des traces romaines ou grecques ?

Il me regarde et je vois que tout ça le perturbe vraiment.

- Eh bien, c'est évidemment étrange mais il doit y avoir une explication logique. Nous finirons bien par la trouver. Ne vous inquiétez pas. Et puis c'est passionnant, non ?

- Nina, je suis en fin de carrière.

- Oui, justement, c'est une formidable aventure !

- Non, vous ne comprenez pas. Je ne peux pas me permettre de terminer ma carrière sur un flop ou une théorie fumeuse. Ça effacerait toutes mes réussites passées.

Je comprends mieux ce qui le tracasse... Aucun scientifique n'aime s'aventurer sur une piste fumeuse, surtout avant la retraite. Il retire ses lunettes qu'il commence à nettoyer avec un coin de sa chemise.

- Non, vraiment je ne sais pas, soupire-t-il. Je suis perdu. Et je regrette de vous avoir embarquée dans cette histoire parce que débuter votre carrière là-dessus... eh bien... c'est vraiment très risqué. Vraiment très risqué...

- Ou c'est la chance de vos vies, intervient Ellie, en sortant de ma salle de bain.

Berto reste sans voix, ses yeux passant du torse nu d'Ellie à moi, avant de regarder le lit.

- Allons Berto, continue Ellie, ne paniquez pas. Ni pour ma présence auprès de Nina, à laquelle vous devrez vous habituez et qui, au fond, ne vous concerne nullement, ni, surtout, concernant la tablette. Tout d'abord, personne ne sait pourquoi vous êtes ici, même pas votre université, ensuite, gardez en tête que si nous trouvons cette tablette, et peut-être la raison de ses voyages, vous terminerez votre arrière avec une des plus grandes découvertes de toute l'Histoire.

- Je ne sais pas, monsieur Abramovicz.

- Ellie... je vous en prie, appelez-moi Ellie. Berto, je ne vous retiens pas mais je vous demande de me faire confiance. Venez avec nous sur le campement et voyez par vous-même. Le chantier est déjà bien avancé et vous verrez des preuves par vous-même, répète-t-il.

- Des preuves, vraiment ?

- Oui, nous sommes arrivés à une antichambre pour le moins intéressante. Je suis certain qu'une fois que vous l'aurez vue, vous n'émettrez plus de doute. Certes, nous n'en saurons pas plus sur les raisons qui ont amené ces objets là où ils reposent, mais l'évidence de leur existence en ces lieux est incontestable. Faites-moi confiance encore aujourd'hui. Vous ne serez pas déçu.

Les cendres de NînlìnOù les histoires vivent. Découvrez maintenant