Je vous aime, adieu

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- Tim ramènera le reste de tes affaires cet après-midi...

La voix d'Ellie me sort de ma lecture passionnante. Tim est rentré de Mossoul hier. Je dois avouer que rien de ma vie d'avant ne me manque, hormis Lisa, à qui je téléphone tous les jours et qui s'inquiète de plus en plus de mes secrets. Nous avons décidé de ne pas lui dire où je suis, pour ne pas la mettre en danger.

Cela fait déjà une semaine que je vis ici et que j'ai plus ou moins pris possession de la bibliothèque. J'y passe la majeure partie de mes journées : je n'ai plus aucune motivation à poursuivre ma thèse qui n'a désormais plus aucun sens. Alors je lis, plongeant mon esprit dans des histoires qui ne sont pas les miennes, le temps d'une déconnexion momentanée.

- J'avais presque oublié leur existence, je soupire.

C'est drôle, vivre ici avec Ellie a été vite... normal. On se réveille en douceur, on profite l'un de l'autre, on se cajole, Ellie part bosser un peu pendant que je bouquine, puis il revient et on reprend cette sorte de vie toute douce.

Je suis consciente que ça ne peut pas durer comme ça pour toujours mais je profite un instant de cette parenthèse tellement harmonieuse.

- Est-ce que Tim a vu Lisa ? Elle va bien ?

- Elle ne risque rien, mon cœur. Je te l'ai déjà dit.

Je ne peux pas m'empêcher de m'en vouloir et d'avoir la sensation de lui faire courir un risque. Ellie m'a fait fuir cet endroit si vite que j'ai du mal à croire qu'elle ne risque rien, elle. 

J'ai essayé d'appeler plusieurs fois Lisa, sans réponse. Je lui ai laissé plusieurs messages mais je n'ai reçu qu'un seul SMS plutôt bref disant que tout va bien. Mais je trouve ça vraiment très étrange, je pensais qu'on avait noué des liens, avec le temps... il faut croire que non.

Je lui ai dit qu'elle pouvait rester à l'appartement autant qu'elle le voulait : Ellie est convaincu qu'elle n'intéresse pas Ishtar.

Est-ce que je vais rentrer chez moi quand tout ceci sera réglé ? J'ai du mal à y croire mais rien n'est moins sûr. Dans une relation normale, on est supposés marcher sur des œufs au début, douter, se chercher, hésiter. Or ici, rien. Comme dans la salle de bain à Mossoul, les choses ont pris leur place avec une simplicité étonnante et j'ai déjà du mal à imaginer une autre vie.

Oh attention, je n'ai pas renoncé à mes études ou à avoir des projets personnels, mais quoiqu'il en soit, Ellie en fera partie désormais, c'est une certitude qui n'a pas mis longtemps à s'installer.

La particularité de cet homme incroyable qui vient de me rejoindre dans le canapé n'a aucune espèce d'importance. J'ai choisi de ne pas me poser de question parce que de toute façon, je ne peux rien faire d'autre : sa peau est devenue la mienne.

Ellie ouvre son livre, pose mes jambes sur ses genoux et nous nous replongeons, chacun dans une histoire différente, dans un moment de silence parfait.

J'observe Ellie par-dessus mon livre. Ses longues mains tenant son livre, sa bouche pleine, ses cheveux glissant vers son visage... Il fait plus frais aujourd'hui et il porte un pull en laine avec un col torsadé qui laisse entrevoir son cou large et fort où palpite une veine que j'ai déjà embrassée tant de fois. J'imagine l'odeur de sa peau et mes yeux se ferment un instant pendant que des papillons s'envolent dans mon ventre. Ce type est un fantasme ambulant.

- Je croyais que tu voulais finir ton roman, se moque-t-il.

- C'est pas ma faute si tu passes ton temps à être super sexy...

- Je suis « super sexy », rit-il en mimant les guillemets avec ses doigts.

- Ouais. T'es une sorte de Superman ambulant, tu vois le genre ?

Les cendres de NînlìnOù les histoires vivent. Découvrez maintenant