Balade nocturne

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Les bras m'en tombent. J'ignore si c'est romantique à en mourir, totalement idiot ou ridicule. Je n'ai aucune idée de quoi lui répondre mais ce n'est pas nécessaire parce que la porte de ma chambre s'ouvre à la volée – il faut définitivement que j'apprenne à tourner cette foutue clé – et Géraldine entre en hurlant.

- Mon dieu, Ellie, tu vas bien ? On m'a dit qu'il y avait eu un problème. Oh bon sang, ton pantalon, tu es blessé ?

Elle promène ses mains partout sur Ellie avec une voix stridente et ultra énervante. C'est à peine supportable. Son interruption bruyante me ramène, d'une certaine façon, à la vie « normale ». Je regarde ses seins gigoter sous le nez de MON immortel pendant qu'elle promène son décolleté bien trop plongeant pour une mission historique.

- Il va bien, j'interviens. Ce n'est pas du sang. On a cassé une amphore pleine d'un liquide inconnu, c'est tout.

Je compte un peu sur son ignorance manifeste, espérant qu'elle puisse croire qu'un liquide vieux de plusieurs millénaires puisse subsister dans un récipient aussi solide soit-il. Ellie lève un sourcil interrogateur en me regardant puis embraye, repoussant poliment la main de Géraldine, posée sur son torse.

- Oui, Géraldine, nous allons bien tous les deux. Comme tu peux le constater, nous étions occupés, dit-il en regardant ostensiblement la porte.

- Ah nan nan nan nan nan, répond-elle en secouant l'index sous le nez d'Ellie, les autres sont en pleine panique, faut venir les rassurer.

Elle tire par le bras un Ellie embêté qui me fait un signe un peu désespéré. Le coup de l'amphore, ça ne marchera pas avec des spécialistes. Faut croire que moi, je ne suis pas mythomane professionnelle.

- Il faut d'abord que je me change. Tu m'accompagnes ? fait-il en adressant un clin d'œil coquin à... Géraldine.

Pardon ??? Il plaisante là ? Il va me planter avec mes questions pour emmener cette greluche au QI atrophié (oui, la jalousie me rend méchante, moi).

Il sort en l'entraînant hors de ma chambre et me lance un regard contrit en tentant de me faire un geste que je ne comprends pas. Je mime un grand « AH OUAIS ? » silencieux et je les regarde sortir en fulminant.

Non seulement il me plante là sans réponses concrètes mais en plus il part avec cette nana ?!

Je décide de me doucher avant de descendre. Il n'a qu'à se démerder pour expliquer aux autres ce qui s'est passé là-bas ou pas. De toute façon, qui me croirait si je racontais la vérité ?

L'eau chaude me permet de calmer un peu mon stress mais les images de la journée me reviennent par flashes. Définitivement, c'était réel. Éventuellement, le coup des veines dans la chambre aurait pu être une sorte de tour de magie ridicule, mais dans la caverne, ça n'avait rien de la prestidigitation. J'ai vu le métal perforer sa jambe, j'ai vu le sang gicler littéralement et je l'ai bien vu soulever ce truc qui doit peser une demi tonne comme si ça ne pesait rien. Je finis assise sous l'eau qui coule, totalement égarée.

Et qu'est-ce que cette satanée tablette vient faire dans cette histoire ? Pourquoi un mec qui aurait vécu tous ces moments de l'Histoire se mettrait à chercher précisément UNE tablette sumérienne ? À moins que ce soit un souvenir ? Je hausse les épaules en me disant que mon explication tient peut-être la route. Je sais bien que je me mens mais je ne trouve aucune réaction plus apaisante.

Je finis par m'enrouler dans une serviette toute douce et m'assieds devant le miroir. Je m'attache les cheveux mouillés en chignon serré : j'ai la flemme de les sécher et bien d'autres soucis que mon style capillaire. Et là, je me vois dans le miroir.

Les cendres de NînlìnOù les histoires vivent. Découvrez maintenant