Je suis clairement déguisée. Lisa m'a obligée à enfiler sa tenue de travail et on va être honnête : je suis ridicule. Sa jupe noire est trop longue pour moi et me tombe aux genoux tout en étant à la fois clairement trop serrée au niveau des cuisses et le chemisier blanc contient péniblement ma poitrine. Et est-ce que je vous ai parlé des chaussures ? Non mais QUI a condamné des femmes à marcher sur des trucs pareils ? Lisa appelle ça des « stilettos ». Je suppose que c'est parce que c'est comme marcher sur des stylos. En tout cas ça fait aussi mal. Mes cheveux refusent obstinément de tenir dans le chignon qu'elle m'a fait et, en permanence, une boucle rousse en sort comme un ressort. Je me sens tellement cruche qu'au moment de rentrer dans l'ascenseur chez Abramovicz, je pouffe quand je me vois dans le miroir. Avant de me reprendre sous le regard courroucé de la dame qui m'accompagne.
Je ne sais pas pourquoi j'ai accepté. Cependant, je me dis que si Lisa arrive à faire ce job, je peux forcément le faire moi aussi. Je veux dire... Lisa est mon amie, mais ce n'est quand même pas le couteau le plus affûté du tiroir, je peux sans doute même faire mieux. Je ne suis pas loin d'avoir mon second doctorat quand même.
L'ascenseur s'ouvre sur une sorte de grand plateau plein de bureaux. Les gens s'agitent dans tous les sens et moi, j'essaie de suivre tant bien que mal mon accompagnatrice qui semble n'éprouver aucune difficulté à marcher sur ses propres talons, elle.
Nous traversons des tas de bureaux, prenons des tas de couloirs et de portes puis arrivons dans un dernier bureau où une autre dame plus âgée est installée.
- Voici Nina, mademoiselle Sprat. Elle remplace Lisa pour la journée, dit-elle en s'éclipsant.
- Bonjour Nina, je suis mademoiselle Sprat, je suis la secrétaire de direction du 24ème étage. Vous allez donc m'aider pour la journée à gérer tout ce petit monde.
- Aucun souci, dis-je. Que dois-je faire au juste ?
- Oh c'est très simple : vous voyez ce tableau ?
Elle désigne un tableau lumineux immense avec une bonne soixantaine de petites loupiotes.
- Quand une lumière s'allume, vous cliquez dessus et identifiez la demande puis vous y répondez aussi vite que possible. Chaque lumière correspond à un bureau. C'est tout, sourit-elle ! La photocopieuse est ici, les boissons également, fait-elle en désignant un immense frigidaire. Si vous devez escorter un invité vers la sortie, vous refaites le chemin que vous venez de faire, dans l'autre sens.
J'ai oublié de vous confier un petit détail à mon égard : je n'ai absolument aucun sens de l'orientation, ça va de pair avec cet esprit qui s'évade plus souvent que nécessaire. Je me suis déjà perdue dans mon propre quartier. Lisa va perdre son boulot et ce sera ma faute. Voilà. Je vois une première lumière s'allumer, une unique trônant tout en haut. Je me prépare à m'y rendre quand madame Sprat me coupe.
- Non, ma petite, cette lumière-là, c'est celle de monsieur Abramovicz, vous n'y répondez jamais : c'est mon travail à moi ! Vous ne devez déranger monsieur Abramovicz sous aucun prétexte, c'est compris ?
Diantre, j'ai touché un point sensible semble-t-il !
Une seconde lumière s'allume, je touche le bouton et je vois que je dois apporter 3 cafés au bureau 152. J'avise le frigidaire et la machine à café. Elle m'a tout l'air d'un engin du diable avec plein de boutons et de touches. Je me retourne vers mademoiselle Sprat mais elle a disparu. Je me débrouille du mieux que je peux pour préparer trois cafés potables et retrouver le bureau 152. Heureusement, les couloirs sont orientés comme les hôpitaux, avec des routes numérotées. C'est horrible, comme univers. Un peu trop carcéral pour moi. Mais me voici donc hôtesse. Ou serveuse, je ne sais pas trop.
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Les cendres de Nînlìn
Fantasía« Fou celui qui veut garder toujours la fleur qui s'étiole en un jour »... Depuis toujours, Nina fait des cauchemars. Elle brûle sous les yeux d'un homme. Ça ne l'empêche pas de vivre sa vie de doctorante et de mener à bien sa seconde thèse en hist...