Elle marche au milieu de l'allée pavée d'un long hall glacé. Sa longue robe noire traîne sur le sol humide. Elle doit s'éloigner des enfants avant qu'il ne soit trop tard et sans éveiller leurs soupçons. Il ne faut pas que ça se passe ici. Personne ne devrait assister à ce spectacle.
Elle n'est pas sûre qu'il est l'heure, mais elle est proche, quoiqu'il arrive. Elle a senti les premières brûlures ce matin et son anniversaire est proche.
Elle tourne la tête et croise son reflet dans la vitre devant laquelle elle passe. Son visage est encadré d'un voile noir et ses yeux, agrandis par l'angoisse, semblent dévorer son visage.
- Sœur Eugénie ? Où allez-vous ?
Elle sursaute. Elle n'a pas le temps de discuter, pas le temps d'expliquer. Et quand bien même, qui la croirait ?
- Je reviens, Mère, s'entend-elle répondre. Sœur Joséphine m'a fait mander pour l'aider avec le linge.
- Très bien. Dépêchez-vous alors.
S'éloigner, vite, avant qu'il n'y ait d'autres victimes. Dès qu'elle est certaine que Mère Constance ne la regarde plus, elle soulève ses jupes et presse le pas, jusqu'à presque courir. Elle sort du prieuré. Deux choix s'offrent à elle : la forêt ou les champs.
Les champs seront une meilleure solution. Il y a moins de risques que les dégâts s'étendent, même si la forêt est humide.
Elle commence à courir. Son cœur bat fort dans sa poitrine. Elle sera seule. Il ne sera pas là. Un sanglot s'échappe de sa bouche et ralentit sa course. Son visage est trempé de larmes et elle trébuche dans les hautes herbes. Sa robe la gêne dans ses mouvements. Elle commence à retirer les couches de sa tenue. Elle défait sa toque et sa coiffette et les jette au loin. Elle s'arrête un instant pour retirer ses cottes qu'elle jette au loin aussi en reprenant son avancée. Les herbes sont suffisamment hautes pour qu'on ne la voit pas de loin. Ils ne la retrouveront qu'après, quand ce sera fini.
Elle se retourne vers ce lieu si paisible qui a pris soin de son chagrin durant toutes ces années et un hoquet de peine la transperce. Elle s'allonge dans les herbes, disant adieu dans son cœur à leur odeur fraîche.
Elle regarde le ciel. Il est blanc, les nuages prennent toute la place et se reflètent dans ses yeux verts. Dieu n'y est pas. Il n'y a personne là-haut. Les démons sont ici. Le mal est ici. Il l'a condamnée pour son péché contre la nature.
Les larmes roulent sur les côtés de son visage pendant qu'elle évoque une dernière fois le visage tant aimé, raison de son châtiment. Tout cet amour, pour rien.
Elle ferme les yeux, sentant la douleur naître au fond de son ventre.
La panique la submerge malgré elle... Adieu Eugénie... Elle lève la main vers le ciel et la voit s'embrasser, les flammes se découpant sur le blanc malade des nuages.
Nina se relève dans un sursaut d'angoisse ! Putain, ces rêves de merde n'en finiront jamais. Celui du prieuré est un des plus bizarres. Elle l'appelle « le rêve de la nonne ».
Elle décide qu'elle ne le laissera pas assombrir sa merveilleuse semaine et se recouche avec vigueur, tapant dans son oreiller sans ménagement. Demain sera un autre jour.
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Les cendres de Nînlìn
Fantasy« Fou celui qui veut garder toujours la fleur qui s'étiole en un jour »... Depuis toujours, Nina fait des cauchemars. Elle brûle sous les yeux d'un homme. Ça ne l'empêche pas de vivre sa vie de doctorante et de mener à bien sa seconde thèse en hist...