L'heure des explications

196 41 9
                                    

Berto me fait de grands gestes de loin pour savoir comment je vais et je lève les deux pouces pour le rassurer. Je grimpe à bord de la voiture où Ellie me rejoint mais je refuse de le regarder, trop perturbée par ce que je viens de vivre. Je m'éloigne de lui avec ostentation.

Les questions fusent dans ma tête et j'ai besoin de temps pour trier les informations et les hypothèses qui me viennent à l'esprit. Ellie garde un secret et il est clair qu'il est de taille.

Il faut bien l'avouer, j'ai fait une confiance aveugle à un total inconnu et ce n'est pas mon genre. Je me sermonne intérieurement sur mon inconscience, ma naïveté et mon incapacité manifeste à me méfier des gens puis reviens sur ce que j'ai vu, l'impossibilité de ce que j'ai vu et le fait que je l'ai pourtant bien vu.

Tim monte à l'avant de la voiture qui se met en route en cahotant de nouveau sur le semblant de route qui traverse le désert.

Je finis par commencer à douter. Et si j'avais rêvé ? Ou si c'était une blague ? Non, ce n'est pas son genre. Ou ce serait une blague de mauvais goût.

Je promène mes yeux de nouveau vers le pantalon d'Ellie et je suis obligée d'admettre que non, je n'ai pas halluciné. La déchirure est bien là et le sang est déjà en train de sécher. J'en ai d'ailleurs sur les mains et sur mon haut.

Je sens d'ailleurs qu'Ellie m'observe du coin de l'œil et me détourne avec froideur, posant la tête contre le montant de la portière en regardant au loin.

Le trajet me semble durer des heures pendant lesquelles je cogite sérieusement, envisageant même de repartir sans attendre ses explications. Mais ça signifie aussi planter mon directeur de thèse, peut-être aux mains d'un extraterrestre (oui, j'en suis là) qui lui veut dieu-sait-quoi.

Cette idée d'extraterrestre me fait un instant pouffer et mon voisin me regarde encore, surpris.

Je me reprends vite en affichant de nouveau ma mine la plus contrariée : je ne voudrais pas qu'il pense que tout va bien. Je le sens sourire à mes côtés. Il ose sourire ! Ça me rend complètement furieuse.

Nous arrivons enfin à l'hôtel et je descends comme un balle pour traverser le hall et me précipiter vers ma chambre. Je sens qu'Ellie me suit et une partie de moi doit admettre que je n'en attends pas moins. Il me semble en effet qu'il me doit des explications et qu'il a intérêt à être limpide. S'il partage son secret avec Tim, il peut bien le partager avec moi.

Je rentre dans mon petit logement, il est sur mes talons et retient la porte avant qu'elle ne se ferme, entrant à ma suite.

- Bon, on parle ? demande-t-il.

Je me retourne, le visage fermé. Je fulmine. Je ne suis pas certaine de vouloir savoir. Je sens que je préfère ma vie telle qu'elle est : simple. Et rien, absolument rien de ce qu'il peut me dire ne sera simple. Mais je suis coincée. Si je veux que la situation se débloque, je dois savoir. Comprendre.

- Vas-y, balance, je lui crache.

- Assieds-toi.

- Je reste debout.

Il secoue la tête et se passe la main dans les cheveux, poussant un soupir las.

- C'est fou ce que tu peux parfois être butée.

Il prend la chaise du petit bureau et me la montre. Je secoue la tête. Il la retourne et s'assied à califourchon dessus.

- Ok, reste debout, moi je m'assieds.

- Tu peux en venir au fait ?

- Oh ben oui, parce que forcément ce que je vais t'expliquer prendra deux secondes.

Les cendres de NînlìnOù les histoires vivent. Découvrez maintenant