Mal de l'air

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Mon réveil sonne à 5h du matin : j'étais trop fatiguée hier soir pour préparer mes affaires.

Je sors de la douche quand Lisa rentre d'une soirée manifestement endiablée.

- Alors c'est vrai que tu pars ? elle me regarde les mains à la taille, presque fâchée.

- Oui et professionnellement, c'est probablement la chance de ma vie.

- Et on peut savoir où t'étais hier soir ?

- Dis donc, je t'ai pas posé la question moi !

- Oui mais moi quand je sors c'est normal. Quand je suis partie, il était quasi minuit et tu n'étais pas encore là.

- J'étais avec Ellie.

- « Ellie » hein ? On en est déjà là ? Ça fait quoi ? Deux heures que tu le connais ?

- Oh je t'en prie Lisa... j'ai accepté que tu vives ici avant même de te connaître et que je sache, tu n'es pas du genre à attendre avant de te lancer dans un truc avec un mec.

- Ah parce que tu te « lances dans un truc » ?

- Ça ne te regarde pas Lisa.

- Eh ben ma Colombe, on dirait que ce cher Ellie est devenu sujet sensible... Il sait que je bosse chez lui ?

- Euh... non, on ne t'a pas évoquée je t'avoue...

- Sympa. Donc tu fricotes avec lui et tu ne lui parles pas de ta formidable coloc et meilleure amie ?

- Je ne fricote avec personne ! Je n'ai pas le temps de discuter, je dois être prête dans une heure. Je te laisse l'appart, je compte sur toi pour en prendre soin...

- Mmm, ouais. Je vais me coucher moi.

Lisa me regarde un moment, peut-être attend-elle que je réponde, mais je n'en ai pas l'intention. Je trouve ses réactions étonnantes. Je soupçonne d'ailleurs un brin de jalousie : elle a l'habitude de faire tourner les têtes et il est en effet étonnant qu'Ellie s'intéresse à moi alors qu'elle travaille pour lui.

En y réfléchissant, elle se sent sans doute seule : je n'ai jamais revu un seul des hommes qu'elle a ramenés ici. Je réalise qu'une fois que je serai partie, elle risque de se retrouver souvent seule, en dehors de toutes ces vagues relations qui peuplent sa vie sans jamais vraiment y entrer.

Je frappe à sa porte et entre. Elle est déjà allongée, les yeux au plafond. Elle reste très belle alors que son maquillage a bien vécu et sa peau, malgré un manque total de soin, reste éclatante.

- Lisa ?

- Mmmm ?

- Je voulais te dire... si t'as envie de parler, même si je suis loin, tu peux m'appeler, ok ? Je n'aurai sans doute pas tout le temps du réseau, mais je te rappellerai.

Elle se tourne vers moi et me sourit.

- Tu t'inquiètes pour moi ?

- C'est pas de l'inquiétude... Mais je peux comprendre que mon départ un peu soudain t'affecte alors qu'on est ensemble tous les jours depuis plusieurs années. Tu vas me manquer...

- T'es un petit chou en sucre, dit-elle, file et ne te fais pas de mouron pour moi. Je suis une grande fille, tu vas être en retard pour ta grande aventure !

Et elle me tourne le dos manifestement prête pour une dizaine d'heures de sommeil. Je me demande un instant si je ne devrais pas vérifier qu'elle n'a pas oublié d'aller travailler mais je me dis qu'en effet, c'est une grande fille et que je dois lui faire confiance.

Les cendres de NînlìnOù les histoires vivent. Découvrez maintenant