Vive le Roi !

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Le Soleil se lève à peine à l'est. Ses rayons déjà chauds viennent se poser sur Notre visage encore endormi. Que c'est désagréable ! Qui est donc le faquin qui a oublié de fermer Nos rideaux hier soir ? Par sa faute Nous voilà réveillé aux aurores. Si jamais Nous découvrons qui est l'auteur de cette vile forfaiture, il apprendra ce qu'il en coûte que de troubler Notre paisible sommeil.

Peu importe. Maintenant, il est trop tard. Puisque Nous sommes à présent complètement réveillé, il ne sert à rien de se complaire en lamentations. Nous faisons sonner la petite clochette nonchalamment posée à côté de Notre couche. Personne ne répond à Notre appel. Nous secouons la clochette à nouveau. Toujours rien ? Voilà donc qui est bien étrange. Depuis quand Nos serviteurs n'accourent-ils pas lorsque Nous manifestons le moindre besoin ? Il faudra que Nous reprenions avec plus de poigne leur formation.

Soit. Bon gré mal gré, Nous Nous levons de Notre lit. Nous apercevons alors notre reflet dans le grand miroir suspendu au mur. Quelle élégance ! Quelle grâce ! Comme tous les jours Notre beauté n'a point d'égale sur cette Terre. Tel le bon vin, Nous Nous améliorons même avec l'âge. Et cette nuisette de soie ne vient en rien entacher Notre superbe. Vraiment, quelle bénédiction Nous sommes pour les Hommes. Mais Nous laissons Notre esprit s'égarer.

Nous Nous dirigeons ensuite vers la porte de Notre chambre et tentons de l'ouvrir. Mais elle ne bouge pas d'une once. Quel est donc ce maléfice ? Depuis quand Nous enferme-t-on dans Nos propres appartements ? Décidément, il se passe des choses de plus en plus saugrenues dans ce château aujourd'hui. Nous prenons donc le parti de tambouriner avec force sur le bois de Notre porte pour attirer l'attention de quelque âme présente.


Après de longues minutes à attendre, Nous entendons des pas qui approchent, puis le bruit d'une clef dans la serrure, et enfin le cliquetis caractéristique de cette dernière. Enfin libre. L'ouverture lente de la porte révèle deux de Nos servantes qui Nous saluent d'une bien basse révérence. L'une d'entre elles se meut sans plus de minauderies vers Notre couche pour remettre Nos draps en place. La seconde s'adresse directement à Nous.

- Votre Majesté a-t-elle bien dormi ?
- Fort bien, jusqu'à ce que Nous soyons dérangé par les aveuglants rayons de l'astre solaire.
- Vous m'en voyez bien désolée. Mais trêve de mondanités. Votre royale présence est requise, je Vous demanderai donc de bien vouloir me suivre Sire.

Elle avait prononcé ce dernier mot avec une pointe d'espièglerie dans le regard et dans la voix. Nous sentons qu'il y a quelque chose d'anormal dans son attitude. Nous répondons cependant sans faire transparaître Nos suspicions.

- Soit. Mais il serait préférable que vous Nous habilliez avant. Nous ne pouvons décemment point Nous présenter ainsi à la cour.
- Point s'en faut Votre Majesté. Vous êtes déjà resplendissant dans ce simple apparat et il n'est nul besoin de flamboyante parure là où nous nous rendons.
- Et où Nous conduisez-vous au juste ?
- Je ne puis Vous le dire pour l'instant, mais Vous le découvrirez bien assez tôt. Je m'en voudrais de vous gâcher la surprise.


De plus en plus méfiant mais d'un naturel curieux, Nous décidons d'emboîter le pas de Notre suivante. Les couloirs de Notre immense demeure sont complètement déserts. Cette fois Nous en sommes certain, il est quelque manigance que l'on Nous a dissimulée. Quelle est-elle ? Nous aurait-on trahi ? Nous qui sommes si bon et si magnanime ? Qui pourrait donc en vouloir à Notre sublime personne ?

Nous réfléchissons sur ce fait. Serait-ce Foucault, Notre fidèle intendant, qui serait à l'origine de ce complot ? Ou bien Berthold, le général de Nos armées, qui a toujours combattu pour Notre gloire ? Ou bien encore Ophélie, la grande prêtresse de Notre église, Notre confidente et Notre guide dans la foi ? Impossible ! Nous avons une confiance absolue en chacun d'eux. A moins, tout simplement, que ce ne soit l'œuvre de cette mystérieuse servante que Nous suivons. Nous l'avons déjà croisée auparavant mais impossible de Nous rappeler de son nom.


Alors que nous approchons du hall de réception, Nous entendons des voix qui s'élèvent. L'heure de vérité approche. Qui sont donc ces individus qui souhaitent Notre déchéance ? Nous entrons enfin dans la grande salle et Nous sommes abasourdi. Toute la cour est là. Il y a Foucault et Berthold et Ophélie. Et tous les autres membres de Notre château aussi. Tous Nous regardent un large sourire aux lèvres. La trahison est donc plus importante que Nous n'osions l'imaginer. Tous ! Ils sont tous contre Nous. Nous le savions. Nous l'avions toujours su. Nous ne pouvons Nous fier à personne en ce bas monde. Nous, béni par le Seigneur, Nous retrouvons seul face à ces mécréants sans honneur et sans humanité.

Que devons-Nous faire ? Nous devons agir promptement si Nous voulons espérer Nous sortir de ce guet-apens. Nous regardons hâtivement tout autour de Nous et remarquons une table sur laquelle repose un impressionnant buffet composé de victuailles, de pièces montées et de boissons en tout genre. Et là, Nous apercevons un couteau bien aiguisé.

Soit. Si Nous devons tomber alors ils tomberont avec Nous. D'un geste rapide et efficace, Nous empoignons la lame et embrochons la servante qui Nous tourne encore le dos. Elle s'écroule dans une flaque vermillon sous le regard éberlué des fomenteurs du complot. Des cris retentissent de toute part. Sans attendre Notre reste, Nous Nous tournons vers un autre traître pour le terrasser à son tour.

Mais une force puissante Nous ramène en arrière et Nous maintient immobile. Deux bras puissants Nous étreignent pour annihiler toute possibilité de mouvement, et un autre maroufle Nous désarme. C'est la fin pour Nous, mais au moins Nous partons comme Nous avons vécu, la tête haute et en se battant.

Le coup final ne vient pas. À la place, on contraint Nos membres dans une cotte serrée qui Nous prive de toute gesticulation. Nous sommes alors trainé jusqu'à Nos appartements où Nous sommes de nouveau enfermé. Pourquoi diable ces marauds veulent-ils Nous garder vivant ? Quel sombre dessein cachent-ils encore ?

Une chose est sure, Nous n'allons pas Nous laisser faire. S'ils croient Nous avoir défait juste en Nous enfermant ils se trompent durement. Ils vont regretter de s'en être pris à Notre sublime personne. Seul contre tous Nous vaincrons. Nous crions à Nous en époumoner.

- Laissez-Nous sortir ! Nous sommes Léopold Ier, Roi de ce château et Seigneur de ces terres, vous n'avez pas le droit de Nous retenir. Relâchez-Nous, faquins !


* * * * *


Au même moment, dans les cuisines de l'asile, la jeune Alba se demande si Monsieur Léopold a apprécié son gâteau d'anniversaire...

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