La mort est une journée qui mérite d'être vécue

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Des heures qu'on est planté là. Bordel, j'en ai marre d'attendre. On était bien tranquille au QG et il a fallu qu'on nous appelle pour cette mission à la con. LA mission. Celle pour laquelle on s'est entraîné pendant toute notre vie. C'est mon destin, je sais, mais j'ai pas envie. Pourquoi on m'a choisi pour ça, j'avais rien demandé moi. Quelle plaie ! Et en plus là on ne peut rien faire qu'attendre, j'en peux plus.

Je regarde autour de moi, et tout le monde semble comme moi sur le point de craquer. On a tous été appelés, on n'a pas eu le choix, alors on est là. Mais personne n'est vraiment motivé. Certains font les cent pas, d'autres au contraire restent immobiles à prier le Créateur, d'autres encore tentent de détendre l'atmosphère pesante en chantant des chansons. C'est fou comme ça ne marche pas du tout sur moi, au contraire ça me met les nerfs en pelote. Si on ne démarre pas bientôt, je sens que je vais en attraper un pour taper sur les autres.

Ne tenant plus je me lève, mais c'est au même moment que le chef débarque. Il a un talent certain pour arriver juste avant que la situation ne dégénère pour calmer les tensions. Le voir me fait du bien, je me sens déjà plus calme et me rassois. Il va encore nous sortir son éternel discours pour nous motiver. On l'a déjà entendu mille fois son speech mais à chaque fois ça me fout les frissons. Il est fortiche le chef avec les mots. Avant même qu'il ne prononce la moindre phrase, toute l'attention se porte sur lui, et le silence est total. L'audience retient son souffle.

- Camarades ! Aujourd'hui est le grand jour. Celui pour lequel nous nous sommes entraînés sans relâche. Toutes les épreuves traversées, tous les efforts fournis, toute la sueur versée, dans ce seul et unique but. L'objectif de la mission du jour est simple : on pénètre le bâtiment, on trouve le cœur du complexe, et on le fait péter ! Simple, clair, efficace, un gamin pourrait le faire. Sauf que ce ne sera pas si facile. En effet, ne vous attendez pas à trouver des Bisounours à l'intérieur. Non, nos adversaires sont des brutes sanguinaires qui n'hésiteront pas à nous faire la peau. A la moindre erreur, couic !, s'en est fini de nous et de la mission.

Le chef s'arrête un court instant pour observer l'impact de ses propos.

- Mais ! Allons-nous pour autant abandonner ? Allons-nous nous laisser faire par les bachibouzouks d'en face ? Allons-nous succomber face à l'adversité ? Non, mes amis, non ! Cela ne nous ressemble pas de fuir quand le danger se présente. Nous sommes grands, nous sommes forts, nous sommes fiers. Nous n'avons pas peur de nous battre même quand la victoire semble inatteignable. Alors, êtes-vous prêts à foncer au travers des lignes ennemies ? Êtes-vous prêts à charger à l'unisson pour atteindre le centre du complexe ? Êtes-vous prêts à tout donner pour faire tomber ce putain de bâtiment ?
- OOOOOUUUUUAAAAAIIIIISSSSS !!!!!
- Camarades ! Ce soir, nous festoyons avec la Mort !

Les cris retentissent de toutes parts. La tension qui régnait plus tôt s'est complètement dissipée. Moi-même, je me sens gonflé à bloc. Oui, cette journée va être mémorable, c'est moi qui vous le dis.

L'euphorie n'est que de courte durée car tout se met à trembler autour de nous. C'est l'heure. Ses secousses ne peuvent vouloir dire qu'une chose : on entre dans le bâtiment grâce à notre cheval de Troie que nos adversaires ont la délicieuse idée de d'accepter. Ha, les idiots ! Hâte de voir leur tête quand on va débarquer pour tout casser.

Tout le monde se prépare pour le début de l'opération, chacun sait ce qu'il a à faire. Cette mission, on l'a faite et refaite des milliers de fois en simulation. Aujourd'hui, c'est le crash test : ça passe ou ça casse. Mais moi je suis sûr que ça va passer et que c'est leur cul qu'on va casser. Je sens l'adrénaline monter en moi, je suis excité. Ce sera peut-être le dernier jour de ma vie, mais certainement le plus fun aussi.

Les vibrations cessent. On est à l'intérieur. Les regards se tournent vers le chef, attendant son signal. Les secondes passent, puis les minutes, mais nous ne bougeons toujours pas. Le calme avant la tempête...

Soudain ça y est, c'est le moment ! Un geste de la main du chef et nous sortons tous de notre cachette. Sans réfléchir, nous fonçons vers les murs, tel est le plan. La salle dans laquelle nous nous trouvons est grande, très grande. On dirait une sorte de gigantesque entrepôt avec seulement deux sorties : celle par laquelle nous sommes arrivés et la porte de service. Une fois devant un des murs, j'exécute la tâche qui est la mienne et je commence à le frapper pour tenter de le traverser. C'est plus facile que ce à quoi je m'attendais, la paroi est très fine.

De l'autre côté se trouve un immense couloir blindé de gens. Ils ne semblent pas nous prêter attention, trop occupés à je ne sais quelles affaires. J'en profite pour me glisser parmi la foule et mes acolytes en font de même. Ainsi, nous finirons bien par arriver au centre. Pour l'instant, tout se passe comme prévu et notre infiltration semble être passée inaperçue.

Karma instantané ! J'aurais dû fermer ma gueule, voilà que la cavalerie arrive. Je reconnais leur armure blanche étincelante et leurs armes basiques. Je souris. Ha, ce n'est que du menu fretin, le niveau zéro de la sécurité. Sans surprise, on les éclate. Seul leur nombre leur permet de ne pas être ridicules face à nous, mais ce n'est pas suffisant pour nous ralentir, et encore moins pour nous stopper. L'avancée suit donc son cours sans réelle embûche sur notre trajet. On marche tranquillement, on découpe les zigotos en blanc au passage, et on s'amuse comme des petits fous. Pour l'instant, personne n'est tombé parmi le groupe qui m'accompagne.

Mais c'est sans compter sur la prochaine menace : les forces d'élite. C'est eux le vrai problème dans cette opération. D'abord un, puis deux, puis dix, on se retrouve bientôt encerclés. C'est maintenant que le fun commence. Sans hésiter, je me jette sur l'un d'entre eux, lame à la main. Mon adversaire pare immédiatement. Voilà qui est intéressant. Je m'écarte de quelques pas et l'observe un court instant. Tout dans sa posture m'indique sa concentration. Comme l'a dit le chef, à la moindre erreur c'est la fin. Je redouble de vigilance et tente à nouveau de le pourfendre. Mais le bougre est rapide et aucune de mes attaques ne parvient à faire mouche. Qu'à cela ne tienne, puisqu'il n'arrive pas à me toucher non plus.

Autour de moi tout devient flou, seul mon opposant occupe mes pensées actuellement. Il n'y a que lui et moi, et rien d'autre. Et à la fin de ce duel, il ne restera que lui ou moi. Je respire lentement et pense chaque mouvement que je fais. Le combat dure ainsi un temps qui me paraît infini. J'ai beau l'attaquer je ne parviens à rien. C'est comme s'il avait été entraîné spécifiquement pour m'affronter moi. Mais ce qu'il ne sait pas c'est que moi aussi je me suis préparé toute ma vie dans l'unique but de cette confrontation. Et d'une pirouette inattendue, j'arrive enfin à trouver un angle mort et j'embroche mon adversaire. J'ai gagné. Bordel, je l'ai fait !

Je regarde autour de moi et je suis dépité. Visiblement mes camarades n'ont pas eu autant de réussite que moi. Il ne nous reste qu'une poignée d'hommes et ils sont encore des dizaines de leur côté. Ça sent le pâté. Je n'ai pas le temps de réfléchir qu'on m'interpelle.

- Gamin, on va les retenir ! Toi tu fonces au centre et tu fais tout péter, compris ?- Oui chef !

J'abandonne ainsi mes amis pour mener à bien la mission. Je devrais éprouver des remords ou de la tristesse ou quelque chose, n'importe quoi. Mais non, seul compte l'objectif et le dernier ordre du chef. Et on ne désobéit pas au chef. Je cours. Je cours comme je n'ai jamais couru de toute ma vie, et j'arrive enfin à destination : le cœur du complexe.

Le temps semble s'arrêter tandis que je m'en approche lentement. J'ai réussi, on a gagné. Tous ces sacrifices, tous ces entraînements, et toute cette peine n'auront pas été en vain. La mission est un succès. Mais alors que je ne suis plus qu'à quelques pas, une voix retentit derrière moi. C'est un des gardes d'élite qui m'a suivi.

- Arrête ! Je ne peux pas te laisser faire ça !
- Tu ne peux pas m'en empêcher non plus.
- Écoute-moi ! m'implore-t-il. Tu ne sais pas ce que tu es en train de faire. Si tu fais tout sauter, tu vas mourir aussi.
- Je sais, et j'y suis préparé.
- Non tu ne sais rien. Tout ceci nous dépasse toi et moi.
- J'en ai rien à foutre ! Les ordres sont les ordres.
- Tu ne comprends pas, si tu continues elle va mourir.
- Hell yeah!

Sans hésiter une seconde de plus, je déclenche la ceinture d'explosifs que je porte autour de la taille.



Au même moment, la petite Anastelle s'écroule. Le poison vient d'atteindre son cœur.

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