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Petite Flamme

À l'approche de la nouvelle année, Petite Flamme était bien triste, elle se sentait désespérément seule. Elle n'avait personne avec qui parler, personne avec qui s'amuser. Elle prit alors la décision de partir en voyage afin de faire des rencontres. Elle s'en alla donc en cette froide matinée dans l'espoir d'enfin mettre fin à sa solitude.

Petite Flamme se rendit d'abord dans une maison richement décorée dans laquelle trônait un merveilleux sapin illuminé. Les éclats de rire et de lumière la confortèrent dans l'idée qu'elle trouverait certainement de bien gentilles personnes ici. Elle remarqua notamment une somptueuse cheminée sur laquelle pendait de nombreuses chaussettes colorées. « Quel meilleur endroit pour une flamme comme moi qu'une cheminée ? » se dit-elle. Elle s'approcha alors un peu timide et rencontra Grosse Bûche. Sans plus attendre, Petite Flamme entama la conversation :

- Bonjour, je souhaiterais ne plus être seule.
- Bonjour mon enfant, répondit Grosse Bûche, tu es au bon endroit. Dans mon grand feu tout le monde est accepté. Tu vas voir comme c'est exaltant d'être entourée d'autres flammes.

À peine eut-elle fini sa phrase, qu'une jeune femme dans une délicate robe rouge se pencha sur l'âtre. Elle plaça du papier journal tout autour de Grosse Bûche et craqua une allumette qu'elle jeta aussitôt sur le tas formé plus tôt. Petite Flamme observa attentivement la scène. Une flammèche naquit doucement tout contre Grosse Bûche, qui très vite se répandit pour faire apparaître d'autres de ses congénères. Bientôt, des dizaines et des dizaines de flammes dansaient ensemble dans la cheminée, formant un immense feu de joie. Petite Flamme, exaltée par cette découverte, se jeta à corps perdu dans la danse. Elle entra alors comme toutes les autres dans une transe frénétique, remplie d'une énergie nouvelle. Ainsi, des heures durant, Petite Flamme s'oublia complètement dans l'euphorie de l'instant.

Le soir venu, le feu commença à s'atténuer, et bientôt il ne resta plus que quelques langues de feu qui glissaient avec lassitude. Petite Flamme se rendit alors compte que, malgré l'intense moment d'excitation qu'elle venait de vivre, elle ne s'était rapprochée de personne en particulier, et elle se sentait toujours aussi seule. Elle se tourna alors de nouveau vers Grosse Bûche mais fut horrifiée du spectacle qu'elle découvrit : le sommet de cette dernière était entièrement noirci, et elle avait considérablement diminué de taille.

- Que t'est-il arrivé ? demanda Petite Flamme inquiète.
- J'ai brûlé, expliqua simplement Grosse Bûche. Tel est mon rôle, je brûle pour que les flammes comme toi puissent s'amuser ensemble.
- C'est horrible, s'exclama Petite Flamme. Je ne veux pas te brûler moi.

Sur ces mots, Petite Flamme repartit dans la nuit et arriva sur une place remplie d'étranges fusées. Là, elle fit la connaissance d'Artificier Stressé. Encore une fois, elle salua cette nouvelle personne :

- Bonjour, je souhaiterais ne plus être seule.
- Tu tombes bien, répondit Artificier Stressé. J'ai justement besoin d'aide pour allumer tous ces feux d'artifice.

Petite Flamme, toute contente de pouvoir être utile à quelqu'un, accepta de bon cœur et suivit attentivement toutes les directives d'Artificier Stressé. Lorsqu'elle alluma sa première fusée, elle la vit décoller dans le ciel étoilé et éclater en une énorme boule bleue. Jamais elle n'avait vu image aussi splendide. Elle voulut s'extasier devant cet étonnant spectacle, mais déjà elle devait en allumer une autre, et une autre, et encore une autre. Bientôt, elle ne sut plus où donner de la tête et n'avait même plus le temps d'admirer le résultat de son travail.

Une fois le bouquet final terminé, elle put enfin se reposer, mais il n'y avait plus aucune boule de couleur à regarder dans le ciel.

- C'était bien ? demanda Petite Flamme.
- Mouais pas mal, jugea Artificier Stressé, mais tu t'es trompée plusieurs fois. M'enfin, ça passe. Tu peux partir maintenant.

Choquée par l'absence de considération à son égard, Petite Flamme reprit de nouveau la route lorsqu'elle entendit des pleurs au loin. Curieuse, elle se rendit dans cette direction et tomba sur Éternel Amoureux. Le visage triste et les mains tremblantes, il lisait encore et encore la même lettre, assis dans cette froide ruelle. Intriguée, Petite Flamme se rapprocha et l'interpela :

- Bonjour, je souhaiterais ne plus être seule.

En entendant ces mots, Éternel Amoureux releva la tête de sa lettre et ses yeux s'illuminèrent.

- Ô douce flamme comme tu es belle ! Jamais je n'ai vu lumière plus éclatante de ma vie ! Moi aussi je suis seul alors marions-nous ! Mon ancienne compagne vient de me quitter comme le dit cette affreuse lettre, mais je sais qu'avec toi ce sera différent. Je ne suis pas affligé le moins du monde de cette rupture puisque tu es là désormais. Grâce à toi, mes peines se sont envolées et je me sens plus léger. Mon ancienne compagne ne veut plus de moi ? Eh bien soit ! C'est ensemble que nous marcherons main dans la main désormais. Tu lui es supérieure en tout point et c'est avec toi que je veux faire ma vie. Regarde, j'abandonne le passé.

Sans demander son accord à Petite Flamme, il l'utilisa pour brûler la lettre qu'il tenait jusqu'alors. Petite Flamme était à la fois très flattée de l'attention que lui portait Éternel Amoureux, mais également très mal à l'aise de la situation sans trop savoir pourquoi. Ainsi, elle déclara gênée :

- Je suis désolée mais je ne peux pas vivre avec toi, je dois partir.
- Non reviens ! hurla Éternel Amoureux. Je t'aime.

Petite Flamme s'éloigna alors toute penaude. Par trois fois elle avait tenté de créer un lien avec quelqu'un, et par trois fois elle avait échoué. Elle commençait à se demander si le problème ne venait pas tout simplement d'elle. Peut-être que c'était dans son essence même que de devoir être seule pour toujours. C'est alors qu'elle remarqua Belle Bougie qui se tenait éteinte sur le rebord d'une fenêtre, alors que toutes celles des maisons voisines étaient allumées.

- Bonjour, dit Petite Flamme. Pourquoi ne brilles-tu pas ce soir ?
- Parce que personne ne vient jamais me voir pour m'allumer, expliqua Belle Bougie, alors je reste éteinte. De toute façon, je n'ai personne à éclairer.
- C'est bien triste, répondit Petite Flamme. Moi aussi je suis seule depuis toujours, alors je te comprends. Si tu veux, je peux t'embraser et tu brilleras pour moi.
- Vraiment ? s'exclama Belle Bougie. Tu ferais ça pour moi ?

Sans prendre le temps de répondre, Petite Flamme vint se placer au sommet de Belle Bougie, et celle-ci se mit à rayonner tel un soleil. Ainsi, elles passèrent la nuit ensemble à discuter, rire et chanter. Jamais Petite Flamme n'avait été si heureuse, et Belle Bougie si radieuse. Naturellement, elles s'étaient accordées pour ne former qu'un : une seule et unique lumière intense dans la nuit.

Au petit matin, il n'y avait plus rien sur le rebord de la fenêtre. Belle Bougie s'était consumée, et Petite Flamme s'était éteinte.