Comme un oiseau en cage

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- Applaudissons bien fort, Rossignol !

La foule était en liesse, tout le monde l'acclamait. Une nouvelle fois encore, elle avait triomphé. C'était son centième combat, sa centième victoire. Comme à son habitude, elle resta au centre de l'arène et ne salua pas son public. Elle n'en avait rien à faire. Tout ce qui comptait alors, c'était le petit sac en cuir qu'apportait la présentatrice. A l'intérieur, une centaine de petites billes. Quatre-vingt-dix-neuf étaient noires et synonymes d'un nouveau duel à mener. La dernière, blanche, représentait la liberté, le fait de ne plus avoir à se battre et d'enfin quitter cette arène infernale. Après chaque combat, la jeune femme aux cheveux rouges avait pioché une bille dans ce sac, et à chaque fois, la bille avait été noire.

L'assemblée retint son souffle alors qu'elle plongea pour la centième fois sa main dans ce maudit sac en cuir. Elle attrapa la première bille que ses doigts rencontrèrent et la sortit d'un coup sec. Sans même prendre le temps de la regarder, elle la leva vers le ciel.

- Mesdames, Messieurs, reprit la présentatrice, je vous annonce que nous aurons le plaisir de retrouver Rossignol pour un cent-unième combat dans l'arène. Quelle chance !

L'agitation repartit de plus belle, et des cris de joie résonnèrent de toute part. Rossignol abaissa son bras et constata avec effroi la triste vérité : la bille était noire, encore. Ses dents se serrèrent et elle jeta la bille sur le sol de terre battue. Sous les acclamations du public, heureux de pouvoir assister de nouveau à un de ses combats, elle retourna dans les coulisses. Là, on lui retira ses armes, et on la replaça dans sa cellule. Quand tous les gardes furent partis, une voix rauque s'éleva :

- Alors Rossignol, tu vas passer une semaine de plus parmi nous on dirait.
- Ta gueule !
- Hahaha, toujours aussi aimable notre petit Rossignol.
- J'ai dit « Ta gueule ! » Chacal, alors ferme-la !
- Oh ça va, ça va, détends-toi. T'es vivante, c'est déjà pas mal.
- Je veux pas être vivante, répliqua-t-elle. Je veux être libre.
- T'as pas abandonné encore ?
- Non.
- Même après cent fois ?
- Jamais.
- Je sais pas comment tu fais pour espérer encore.
- Et toi alors ?
- Moi ? s'étonna-t-il.
- T'es là depuis plus longtemps que moi, et tu continues de te battre aussi.
- C'est pas pareil.
- En quoi ?
- Moi je sais que je sortirai jamais d'ici, la chance est contre moi, mais j'ai peur de mourir, alors je me bats pour survivre. A chaque combat gagné, c'est une semaine de plus que j'ai le droit de vivre. Voilà à quoi je me raccroche.
- C'est triste.
- Ouais...

Une semaine s'écoula. Une fois encore, on vint sortir Rossignol de sa cellule et on la laissa choisir ses armes. Cette fois-là, elle prit deux épées courbes, ses favorites. Après s'être échauffée un peu, elle s'avança dans l'arène.

A son entrée, elle fut accueillie par le public qui scandait son nom dans les tribunes :

- Rossignol ! Rossignol ! Rossignol ! Rossignol !

Elle n'y prêta pas attention. Elle était déjà concentrée sur l'affrontement qu'elle allait devoir mener. Quand elle arriva au centre, la présentatrice annonça son opposant :

- Pour faire face à Rossignol, je vous demande d'accueillir un nouveau challenger, fraîchement capturé ce matin même : Grenouille.

Le brouhaha s'arrêta instantanément et des murmures s'élevèrent dans l'assemblée. Rossignol aussi fut interpelée. La tradition de l'arène voulait que chaque combattant prît un nom d'animal comme pseudonyme, et la plupart choisissait des animaux dangereux : Requin, Rhinocéros ou encore Condor par exemple. Elle se souvenait d'ailleurs que sa propre décision avait surpris le public lors de son premier combat presque deux ans plus tôt. Sa curiosité fut donc piquée.

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