Grande Ourse

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- Le ciel ! Regarde le ciel !
- Quoi le ciel ?
- On voit les étoiles !
- Il fait nuit débilous !
- Oui mais on les voit bien. Regarde, là, la Grande Ourse.
- Oh t'as raison ! Et là, ces étoiles, on dirait...
- Quoi ?
- Un énorme cheeseburger !
- Pfff, t'es vraiment trop nul.
- Allez viens on rentre, j'ai faim et j'ai froid, mais j'ai surtout faim en fait.
- Si je mange je gerbe.

Ce dialogue quelque peu incongru prendra certainement plus de sens si je vous dis que nos deux protagonistes sortent en fait d'une soirée bien arrosée. Ou alors vous vous dites justement que cet échange n'est que délire de soulards et qu'il n'a aucune importance. Laissez-moi donc vous démontrer le contraire.

Oh mais suis-je bête, je ne vous ai même pas présenté nos deux personnages. Tout d'abord nous avons... Vous savez quoi, on s'en fout ! Appelons simplement... Télescope la personne qui ne pense qu'aux étoiles, et... Bolognaise celle qui ne pense qu'à son estomac. Pis ça ne rendra le récit que plus sympathique et plus mystérieux à la fois. Je sais que vous aimez quand c'est mystérieux bande de petits fifrelins.

Je disais donc, Télescope et Bolognaise repartent à pied mais surtout en zigzag vers leur appartement. Comme le faisait remarquer Bolognaise plus tôt, les nuits de février sont fraiches et l'alcool ne réchauffe pas, c'est un mythe. Alors ils se dépêchent tout en faisant des détours et le trajet leur paraît infini. Quand soudain...

- Ça sent chelou, non ?
- Quoi t'as pété ?
- Mais nan wesh !
- Je sens rien moi.
- T'as le nez flingué c'est pas possible.
- Eh oh, je te permets pas !
- Bah quoi ? C'est vrai.
- Oui mais bon, hein, voilà ! Tu sens quoi comme odeur ?
- Ça sent... le cheeseburger.
- Là tu m'intéresses ! Je te suis Rintintin.
- Tu me suis ?
- Bah vers les cheeseburgers. Allez bouge tes fesses !
- Bon ok...

Ainsi Télescope et son odorat digne d'un chien policier guident Bolognaise vers la source de ses désirs culinaires. Au détour d'une ruelle... sombre (c'est encore plus mystérieux comme ça), une bien étrange échoppe éclaire faiblement le trottoir grâce à ses néons. Le nom interpelle Télescope.

- « La Grande Ourse » ? Alors ça c'est drôle.
- Arrête de rêvasser, j'ai faim moi.
- Mais t'as tout le temps faim aussi.
- Raison de plus pour entrer.

Bolognaise pénètre donc dans la petite boutique. Là, la propriétaire, une ourse sur deux pattes, l'attend stoïque. Sans dire un mot, elle désigne une table sur laquelle sont posées deux assiettes contenant d'énormes cheeseburgers aussi dégoulinants de sauce qu'appétissants. Il n'en faut pas plus à Bolognaise pour s'asseoir et commencer à engloutir l'objet de ses convoitises les plus folles... du moins à cet instant précis.

Télescope entre à son tour mais regarde la propriétaire d'un air suspicieux. En effet, c'est déjà fort étrange de trouver un restaurant ouvert à cette heure-ci, ça l'est d'autant plus qu'il soit géré par une ourse muette. Ourse qui semblait les attendre et avoir préparé une table en avance d'ailleurs.

Mais Télescope est une personne intelligente malgré son cerveau encore embué par les vapeurs d'alcool. L'abus d'alcool est dangereux pour la santé on rappelle. Eh bien malgré ça, et peut-être grâce à la longue marche avant, ou encore à la fraicheur des nuits de février, Télescope arrive à avoir un raisonnement cohérent bien que totalement absurde.

- Les étoiles !
- Quoi les étoiles ?
- J'ai vu la Grande Ourse et vlà une grande ourse. T'as vu un cheeseburger et vlà ton burger. C'est forcément ça !
- Tu débloques complètement ! C'est juste une coïncidence. Allez, assieds-toi et mange au lieu de dire n'imp'.
- T'as peut-être raison.

Télescope prend donc place en face de Bolognaise et croque dans son propre cheeseburger. Cependant, Télescope a oublié sa propre prophétie, je cite « Si je mange je gerbe. » Eh bien ça n'a pas manqué. Après une unique bouchée, Télescope se lève précipitamment et se dirige vers les toilettes pour rendre son maigre repas et beaucoup trop de liquide.

Loin de se soucier des sons gutturaux provenant de l'arrière-boutique, Bolognaise s'empare du cheeseburger à peine entamé et l'avale aussitôt. Faut dire que Télescope vomit facilement en fin de soirée donc tout est normal... sauf la proprio qui n'a toujours pas bougé... mais bon la bouffe d'abord !

Télescope qui n'a plus rien dans le ventre et Bolognaise qui au contraire est plein comme une barrique repartent après avoir remercié l'ourse qui ne réagit toujours pas. Les colocataires arrivent finalement dans leur appartement et s'endorment immédiatement.




Quoi ? Comment ça la suite ? Quelle suite ? C'est fini là, il se passe plus rien après. Télescope et Bolognaise font un gros dodo, vivent heureux et ont beaucoup d'enfants... Enfin peut-être, ce sera leur choix, mais là n'est pas le sujet. D'ailleurs y a plus de sujet puisque c'est la fin.

Une explication ? Bah c'était clair pourtant, non ? Les étoiles, la Grande Ourse, les cheeseburgers, tout y est ! Ah mais attendez, je vois ce qui vous chafouine. Vous vous demandez comment Télescope peut avoir un odorat si développé alors que Bolognaise pourrait avoir le nez bouché que ce serait pareil. C'est un peu gênant... Bon j'avoue, c'est une facilité scénaristique. Il me fallait une excuse pour les faire aller vers le restaurant. Personne n'est parfait que voulez-vous.

Comment ça « bizarre » ? Pourquoi une ourse ne pourrait pas tenir un restaurant ? Ah mais je comprends mieux, vous êtes étriqués. Votre cerveau est trop logique, trop rationnel. Si vous laissiez un peu plus d'espace à votre imaginaire, vous aussi vous verriez des choses absurdes et pourtant si normales. Soyez un peu ouverts bon dieu !

Sur ce, je vous laisse dans votre incompréhension et je file. Biz biz !

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