Tous les plus valeureux guerriers de l'Empire sont réunis dans la cour du palais. L'Empereur a fait mander l'ensemble des maîtres samouraïs du pays pour une mission de la plus haute importance selon ses dires. Personne ne sait à quoi s'attendre, c'est bien la première fois qu'un tel rassemblement est organisé depuis des dizaines voire des centaines d'années, alors les hypothèses vont bon train. Un monstre légendaire à abattre ? Une guerre à mener contre un pays voisin ? Un tournoi pour divertir le peuple peut-être ? L'annonce impériale est l'unique sujet de conversation en ce jour.
Enfin presque. Ça le serait si seulement il n'y avait pas une femme parmi la multitude présente. Une femme samouraï ? Mais quelle est donc cette infamie ? La tradition veut que seul les hommes peuvent prétendre à ce titre. Que fait-elle donc ici ? Je vous le donne en mille, cette femme c'est moi, et en effet je ne suis pas une vraie samouraï, c'est interdit par nos lois. Mais j'ai quand même suivi les enseignements de maître Tantō, c'est lui le samouraï qui a été convié par l'Empereur, pas moi. Alors pourquoi suis-je ici et pas lui ? Je ne sais pas trop moi-même en fait. Après avoir reçu la missive de l'émissaire impérial, il s'est tourné vers moi et a déclaré « Tu iras. », c'est tout, aucune autre explication. Les mots de mon maître étant indis-cutables, j'ai accepté sans me poser de questions. Il a simplement ajouté lors de mon départ « Je sais que tu y arriveras, prends le temps qu'il te faut, je saurai être patient en attendant ton retour. » La patience, voilà là la plus grande vertu de mon maître, à tel point que c'en est parfois énervant. Quand il repousse l'heure du repas de deux heures parce que « la soupe n'est pas encore parfaite » alors que mon estomac crie déjà famine par exemple, ou encore quand il reste des jours durant à observer un petit bourgeon dans le jardin jusqu'à ce qu'il éclose, même lorsqu'il pleut à verse ou que le soleil est brûlant.
Un bruit de tambour me sort de ma réflexion, tous les regards se reportent sur le trône où l'Empereur est en train de s'installer. Les instruments s'arrêtent et il entame un long, très long discours. Voici donc le sempiternel refrain sur la bravoure et l'abnégation des samouraïs, leur dévotion sans faille aux dieux et à l'Empire, la force de leur volonté et blablabla. J'ai l'impression que ça dure une éternité avant qu'il en vienne enfin au fait, la raison de notre venue. Il marque un temps de pause pour affirmer l'attention qui est sur lui. Puis la nouvelle tombe. La mission qu'il nous confie est simple : tuer Tachi. Des murmures s'élèvent dans la cour. Per-sonne ne semble savoir qui est ce Tachi et surtout, tout le monde trouve ça bien étrange de mander l'ensemble des maîtres samouraïs pour éliminer un seul homme, aussi fort soit-il. L'Empereur réclame le silence et explique alors qu'un oracle lui a montré une vision de Tachi détruisant seul le palais et qu'aucun des guerriers qu'il a envoyés pour l'assassiner n'est revenu vivant.
Il n'en faut pas plus à l'orgueil des samouraïs pour s'éveiller et voilà que déjà la plupart quitte les lieux pour aller affronter le fléau. Dans ce brouhaha, j'entends à peine l'Empereur qui évoque une récompense à quiconque lui rapportera la tête de Tachi. Quelques minutes plus tard, je me retrouve seule dans la cour du palais, me demandant bien comment je vais réussir cette mission alors que des guerriers plus forts et plus expérimentés sont déjà en route pour la réaliser avant moi. Les enseignements de mon maître me reviennent alors : « Ce qui doit être sera. » Soit, si un autre doit réussir avant moi alors ainsi soit-il. Et si c'est mon maître qui était convié pour cette quête, alors je vais faire ce qu'il aurait fait à ma place et simplement attendre.
Ma patience n'est pas mise à rude épreuve. A peine une semaine plus tard, déjà deux tiers des guerriers ont complètement disparu sans laisser de traces, et ceux qui restent commencent à douter de la possibilité de tuer ce fameux Tachi. Je me réjouis intérieurement. Si la force et la technique ne suffisent pas pour l'abattre alors j'ai toutes mes chances face aux autres. « Ce qui doit être sera. » Cette phrase résonne en boucle dans ma tête depuis l'annonce impériale et une idée me vient alors, tellement absurde qu'elle ne peut qu'être couronnée de succès. Cher maître, vous disiez être prêt à m'attendre, j'espère que vous avez pesé ces mots.
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Historia CortaNouvelles sans lien ni ordre écrites pour divers ateliers et concours d'écriture