Monde de merde !

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Monde de merde !

Telle était la première pensée d'Emma lorsqu'elle se réveillait tous les matins, et ce matin-là ne fit pas exception. Dans son lit, à côté d'elle, un énième plan-cul dormait encore paisiblement. Il n'était pas particulièrement beau ni spécialement doué pour les choses de l'amour, alors pourquoi diable l'avait-elle ramené chez elle celui-là ? Encore un coup de son meilleur ennemi : l'alcool. Car oui, Emma buvait beaucoup, énormément même, pour tenter d'oublier quelque peu sa triste existence. Spoiler : ça ne fonctionnait pas très bien. Tout semblait vouloir lui rappeler qu'elle était malheureuse : sa vie sentimentale désastreuse, son boulot qu'elle détestait, ou encore le fait que son dernier copain fût parti avec sa soi-disant « meilleure amie ».

La jeune femme soupira. Encore une belle journée bien pourrie qui commençait. Machinalement, elle alla se faire couler un café et prit une douche bien chaude le temps que celui-ci fût fait. Enfin propre mais se sentant toujours aussi sale, elle avala son café d'une traite sans prendre le temps de le déguster. De toute façon, il était dégueu comme d'habitude. Une fois prête, elle réveilla l'homme qui ronflait encore dans son lit pour lui demander sèchement de dégager sans possibilité de négociation. Il eut à peine le temps de rassembler ses affaires que déjà elle l'avait mis dehors sans ménagement. Peu de temps après, elle quitta à son tour son appartement pour se rendre à l'arrêt de bus au coin de la rue.

Là, les mêmes visages mornes et inexpressifs qu'à l'accoutumée. Visiblement, Emma était loin d'être la seule à avoir une vie complètement naze. Cette pensée la fit sourire, mais ce dernier fut vite effacé par l'arrivée du bus qui roula dans une flaque, ce qui eut pour effet de tremper le bas du pantalon de la jeune femme. Décidément, elle avait dû offenser quelque divinité pour avoir un karma si négatif.

L'heure de trajet passa dans la chaleur et l'odeur de transpiration des gens qui l'entouraient. Malgré le caractère routinier de ce déplacement, Emma n'arrivait pas à s'y habituer. Les autres étaient vraiment son enfer personnel. Et cette aversion se confirmait lorsqu'elle était au boulot. Entre les remarques misogynes de ses collègues et l'attitude graveleuse de son patron, elle avait du mal à comprendre pourquoi elle s'acharnait à rester dans cette boîte. L'argent ? Un métier qui lui plaisait ? Non, rien de tout cela ! Elle était juste trop lâche pour oser partir. Telle était la lamentable vérité.

La journée touchait à sa fin. Elle reprit le même bus en sens inverse, avec les mêmes têtes de con, et cette même odeur rance de sudation qui donnait envie de vomir.

De retour à l'arrêt de bus, la nuit était tombée depuis plusieurs minutes, et seule la lumière blafarde des réverbères permettait encore de se repérer dans la ville devenue silencieuse et froide. Emma resserra son écharpe autour de son cou pour essayer de se réchauffer un peu. Elle ne remarqua donc pas la brique qui dépassait légèrement du trottoir et qui la fit s'étaler de tout son long. En se relevant, elle remarque que son téléphone était tombé de sa poche lors de sa chute et que l'écran était désormais fissuré. C'en était trop pour la jeune femme.

- Putain de bordel de merde !
- Dure journée ?

Emma sursauta. Elle qui se croyait seule prit conscience qu'une vieille dame l'observait depuis un banc. Cette dernière lui offrit un sourire compatissant et lui proposa de s'asseoir avec elle d'un geste de la main. N'ayant plus rien à perdre, la jeune femme accepta, et elles restèrent là côte à côte quelques instants sans parler. Puis, spontanément, Emma éclata en sanglots et enfouit son visage dans ses mains. Un bras frêle mais rassurant vint se poser sur ses épaules.

- Pourquoi je suis une ratée comme ça ? sanglota Emma.
- Vous n'êtes pas une ratée, répliqua la voix douce et mélodieuse de la vieille dame. Vous êtes belle, vous êtes jeune, le monde vous appartient. C'est juste une mauvaise journée, voilà tout.
- Ouais juste une mauvaise journée. Comme toutes celles de la semaine dernière et toutes celles de celle-ci vu comment elle a démarré.
- Allons allons ne soyez pas défaitiste, bientôt ça ira mieux, vous verrez.
- C'est tout vu ! Ce soir je vais me mettre une giga race en espérant ne pas me réveiller demain. Si ça marche, là ça ira mieux.

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