Chapitre 36

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J'entends de nouveau le parquet grincer et me crispe de peur, fermant les yeux avec force pour ne rien voir. Ce silence de mort m'entourant n'a rien de plus rassurant, ni le froid me faisant frissonner désagréablement.

Heather...

Je me bouche les oreilles afin de ne pas l'écouter. Cette voix roque se faisant de plus en plus proche, les grincements du parquet s'accompagnant de bruits de pas lents, traînants... Je regrette vraiment d'avoir regardé ce film avec Michael, c'était la pire des idées ! J'ai beau me dire que je dois sûrement rêver, quelque chose cloche. C'est en osant enfin ouvrir un œil que je comprends ce qu'il ne va pas: je suis à nouveau dans ce placard, cachée derrière un tas de vêtements sales. De la fine fente de la porte j'arrive à distinguer le papier peint jaunit de ma chambre et la silhouette de quelques jouets traînant au sol. Oui pas de doute, je suis bien en train de rêver, de cauchemarder même. Me revoilà de nouveau cachée dans cette chambre où j'y ai passée les trois premières années de ma vie, fuyant une réalité digne d'un film d'horreur: celle de ma mère droguée et négligente.

D'ailleurs où se trouve-t-elle ? Qu'est-ce que je fuis donc encore au sein de ma propre maison ? Je crois entendre de vagues gémissements féminins venant du salon, des râles que je connaissais trop bien maintenant. Parfois ces râles se transforment en un gloussement bête, sans raison, avant de redevenir un gémissement étrange mêlant plaisir et douleur... Je pense que cela doit bien définir ce que fait ma mère avec ses maudîtes seringues et autres accessoires morbides, bien que pour ma pars je ne vois que de la douleur dans ce qu'elle fait. Mais ça, je pense qu'elle est bien trop défoncée pour se rendre compte de mes sentiments...

Heather ? Où te caches-tu petite souris ? Pourquoi tu ne viendrais pas jouer avec nous un peu ?

Je me colle un peu plus au mur de bois froid de mon placard, espérant sincèrement disparaître dedans. Cette voix se voulant bienveillante mais si défaillante, presque d'outre-tombe... La nausée me prends en réalisant qu'il s'agit de celle d'un homme, encore un. Et dire que ça pourrait peut-être être mon géniteur, maman ne sait pas avec qui elle m'a conçu et elle ne le saura jamais je pense. Ses pas lourds sur le parquet me font presque trembler. Je déteste quand maman ramène ses copains junkies, surtout les garçons. Avec les garçons elle fait des choses... Bizarres. Des fois je l'entends gémir bizarrement avec, je l'ai même retrouvée nue certains matin. Mais c'est surtout les garçons qui me font peur. Ils sont encore plus bizarres que ma mère. Je vois des fois leurs regards quand j'ose me montrer, ils sourient d'une drôle de manière, rient bêtement... Certains disent vouloir jouer avec moi mais ma mère refuse, elle leur dit qu'ils sont cons puis retourne jouer avec eux. Moi je ne veux pas les rejoindre de toute façon, c'est pour ça que j'ai pris l'habitude de me cacher dans mon placard. Je sais que des fois, quand maman a trop joué, certains d'entre eux me cherchent puis abandonnent quand ils ne m'ont pas trouvé. Encore une fois je pris pour que cette fois-ci je gagne encore et qu'on ne me trouve pas. Je n'ai vraiment pas envie de jouer avec lui, non vraiment...

Heather... J'arrive !

Et c'est quand sa main traverse finalement la planche de bois nous séparant, une main squelettique et en charpie, putréfiée, cette main qui me saisie mon petit bras frêle, que je me réveille enfin.

-Heather ?

Je n'écoute pas au début, bien trop occupée à essayer de reprendre mon souffle. J'ai l'impression d'étouffer, encore plus en voyant l'obscurité m'entourant... Très vite la lumière d'une lampe de chevet manque de m'aveugler, laissant apparaître le regard inquiet de Michael, prenant appuis sur ses bras, ses yeux sombres m'observant presque implorants. Je soupire et me laisse m'enfoncer dans mon oreiller en réalisant où je suis, soulagée.

Hold meOù les histoires vivent. Découvrez maintenant