Hold me

Chapitre 49

-Et si on se posait ici ? Ça a l'air pas mal !

-Bonne idée, je meurs de soif en plus !

Nous entrons dans le café et cherchons une table de libre où nous installer. Cela fait du bien un peu de silence après le brouhaha habituel des boutiques du centre commercial entre la foule faisant ses achats, leurs discussions et les musiques de fond des boutiques. Une table était disponible devant la vitrine, donnant une jolie vue sur la fontaine au cœur du bâtiment où fourmillait toujours autant de monde. Ma mère posa ses sacs avec les miens, avant de consulter la carte, à la recherche de quelque chose à boire ou à manger. Cela faisait au moins deux bonnes heures que nous arpentions les différentes boutiques pour une petit session shopping. J'avais prévu depuis un moment de faire quelques achats en vue de l'été qui approchait, il fallait que je mette à jour ma garde-robe en vue des vagues de chaleur qui s'annonçaient. J'en avais profité pour proposer à ma mère si elle voulait m'accompagner, ce qu'elle a accepté avec joie.
Oui, les choses avaient bien changé depuis la première fois que je suis allée lui rendre visite. Nous nous sommes encore vu deux ou trois fois dans les semaines qui ont suivi, et je dois avouer que je ne m'attendais pas à ce que les choses se passent aussi bien. En moins d'un mois j'ai vécu plus avec elle que durant toute mon enfance avant de ne plus la voir les deux décennies suivantes. Timides au départ, nous nous sommes très vite retrouvées à parler énormément, nous racontant nos vies respectives. J'en ai appris beaucoup sur elle, sur l'horreur qu'était la dépendance à l'héroïne de son point de vue d'ancienne addict, puis l'horreur des prisons, la redécouverte du monde après une vingtaine d'années enfermée... C'était étonnement fascinant a écouter et assez édifiant. La destruction de sa santé, le manque, les violents bad trips, la vie dans la rue puis en prison entourée de criminelles parfois violentes, les abus, le sevrage... Autant de récits difficiles à entendre qui devraient réussir à décourager toute personne tentée à l'idée d'essayer une quelconque drogue, mais qui m'ont aussi permis de comprendre mieux cette femme que j'ai tant haït jusqu'à très récemment. Je me suis retrouvée à éprouver beaucoup d'empathie à son encontre, à comprendre beaucoup de choses. Je garde toujours une part de colère en moi et certains de ses actes reste inexcusables, mais tout ce que j'ai pu découvrir de par ses récits m'aide à diluer cette colère. Oui, ce qu'elle m'a fait subir est horrible et elle méritait ses condamnations, mais comment s'attendre à ce qu'elle s'occupe de moi dignement quand on voit comment son cerveau était complètement ravagé par l'héroïne ? Impossible pour elle de ne serait-ce que réfléchir correctement, elle n'arrivait même pas à gérer ses propres besoins primaires ! Au final, c'est une vie bien pitoyable et triste qu'elle a vécu, et quel terrible prix elle se retrouve à payer aujourd'hui, je ne le souhaiterai même pas à mon pire ennemi...

-Mesdames, avez-vous fait votre choix ?

-Oui, pour moi ce sera un cappuccino et une part de cheesecake s'il-vous-plait. Et toi Heather ?

-Un thé à la menthe et un cookie chocolat et noix de pécan s'il-vous-plait.

Nos commandes prises, elles nous furent apportées quelques minutes après. Nos boissons étant brûlantes, nous engagions la conversation en attendant qu'elles refroidissent un peu. Nous revoyons ce qu'ils manquaient encore à nos achats, plaisantaient un peu... Puis ma mère me demanda de parler un peu plus de moi. C'est vrai que jusqu'à maintenant j'étais celle qui posait des questions et écoutait attentivement ma mère raconter sa vie.

-Comment ça se passe ton boulot ? Me souriait-elle. Monsieur Jackson va bien ?

-Oui, c'est agréable de travailler pour lui. Il est toujours dans sa lancée plutôt optimiste, ça fait plaisir à voir.