Hold me

Chapitre 59

Le révérant termine son office via une dernière bénédiction. Tête baissée, nous l'écoutons tous plus ou moins attentivement avant d'être invité à venir chacun notre tour bénir le cercueil et adresser un dernier adieu à ma mère. Autant dire qu'avec juste mon oncle, ma tante, Amy, Jessica, Michael et moi même; ce fut très rapide. Aucun de ses soit disantes nombreuses amies faites en prison ne sont venues, pas même celles sorties depuis plus longtemps qu'elle. Quand aux mots d'adieux, que dire si ce n'est qu'on s'est juste contenté de lui dire au revoir. Pas de mots d'amour, pas de regrets, rien. Quelle fin aussi misérable qu'ironique au final... J'ai presque un pincement au cœur en songeant à cette vie de misère que fut celle de ma mère : une femme d'origines modeste et qui aurait pu se forger une belle vie, mais qui suite à des mauvais choix, sûrement en pensant innocemment s'amuser, à plonger dans la drogue jusqu'à tout perdre et finir seule, abandonnée de tous... Quand j'y repense mon oncle avait raison : ma mère était déjà morte au moment même où elle a touché pour la première fois à l'héroïne, cela l'a transformé en une toute autre personne qu'il ne reconnaissait plus. D'après lui, jusqu'à la fin de son adolescence ma mère était une jeune fille gentille et plutôt intelligente, bien qu'un peu rebelle et pas toute à fait prête à affronter la vie d'adulte qui l'attendait une fois à l'université. J'aurai bien voulu connaître cette personne là...

La cérémonie terminée, les pompes funèbres, aidés d'ouvriers, vinrent récupérer le cercueil afin de le mettre en terre et refermer le trou où aller maintenant reposer ma mère. Aucune fleur n'est jetée dedans, nous nous contentons de regarder sans rien dire. L'ambiance est très lourde et froide... D'un point de vue extérieur notre attitude presque insensible devrait perturber, bien que quelques larmes ont coulé ! Mais nous n'allions pas non plus faire les hypocrites à pleurer ma mère, à clamer haut et fort qu'elle allait nous manquer, qu'on la regrettait terriblement... Si nous étions là c'était pour lui dire au revoir respectueusement et enterrer avec elle nos conflits, pas pour célébrer sa vie ô combien misérable. Ensuite nous reprendrons nos vies comme avant, parfois on repensera à elle sûrement, mais vu le peu qu'elle a été dans nos vie et ce qu'elle a apporté...

-Ça va ?

C'était Michael qui me posait cette question une fois les dernières pelletés de terre jetées, signant la fin de la cérémonie. Comme toujours il est là à mes côtés. Il a été d'une aide précieuse durant les jours qui ont suivi ma dernière visite à ma mère, ce fameux jour où j'ai annulé l'opération pouvant potentiellement la sauver. J'étais dans un état pitoyable, partagée entre culpabilité de laisser ma mère sûrement mourir et la haine que j'avais envers elle. Ma famille a été aussi d'une grande aide, tous étaient aussi secoués que moi par cette ultime trahison de ma mère. Elle n'a plus jamais vu aucun de nous depuis ce jour là, plus reçu la moindre nouvelle... Ce n'est qu'un peu plus de trois mois plus tard que nous avons eu un appel de l'hôpital afin de nous avertir de sa mort. Elle a quitté ce monde seule dans sa chambre d'hôpital... Là encore Michael a été formidable en me consolant car oui, cette nouvelle m'avait secoué. D'un côté j'étais officiellement orpheline et je ne pouvais m'empêcher de me sentir responsable de son décès en refusant cette opération, mais de l'autre j'éprouvais un important soulagement à la savoir définitivement partie de ma vie. Plus jamais elle ne pourra me faire de mal, ni à moi ni à ma famille, plus jamais elle ne pourra faire de conneries...

-Ça peut aller... Au moins il fait beau. Ironisais-je.

-Tu as fait ce qu'il fallait, tu as même été gentille d'insister pour lui offrir une cérémonie et une sépulture...

-Nos conflits s'arrêtent ici. Et puis si au moins ici elle peut avoir le seul moment de dignité qu'elle aura eu dans toute sa vie...

-Mais toi, comment tu te sens par rapport à tout ça ?