| Pdv Emely. |
Le dernier coup de chiffon était passé sur l'encadrement doré de la dernière toile de la collection. Je soupirai de contentement en faisant un tour sur moi-même. La galerie n'avait jamais été aussi belle depuis que j'étais arrivée, trois mois auparavant. J'avais réussi à respecter les espaces de chacun des exposants sans les entasser les uns sur les autres, le chemin illuminé que j'avais disposé sur le sol et sur les murs indiquait le sens de la visite guidée que s'apprêtait à faire Leona une fois les premiers clients arrivés, et j'avais décoré l'endroit avec une soixantaine de plantes plus grandes les unes que les autres qui permettaient de cacher les œuvres. Ma première exposition était enfin prête à accueillir le public, et je stressais comme une folle. J'avais peur que ça ne plaise pas, que les gens n'approuvent pas mon choix d'artistes ou qu'ils me trouvent inintéressante... et ma santé s'était dégradée ces derniers jours. Je faisais sans cesse des malaises parce que je ne trouvais pas l'appétit et que mes efforts physiques étaient trop importants pour un corps mal nourri.
« -Em', le téléphone sonne pour toi ! »
Trottinant jusqu'à l'accueil je remerciai Melvin qui me le tendait d'un air morne. Si j'avais bien compris, ce mec n'aimait pas être confronté au monde et à la foule. Il avait prévu de partir dans une heure pour éviter les rassemblements trop importants.
« -Emely Edwards ? Jean-Paul Agosti à l'appareil.
-Oui, M. Agosti, tout va bien ?
-Oui, très bien merci. Juste pour vous prévenir que je ne serai pas là avant une demi-heure, nous sommes coincés au milieu de la route et nous ne pouvons pas avancer. Des manifestants bloquent la route. »
Je me frappai le front. Merde. La manifestation antiracisme était maintenue depuis une dizaine de jours et je n'avais pas fait attention à la date, je devais pourtant m'y rendre avec mes amis mais ai dû décommander à cause de mon exposition. Les réseaux sociaux auraient dû me le rappeler puisque Cara, Trace et Alyssa avaient déjà mis des story sur instagram. Pour faire partie du mouvement, j'avais accroché des œuvres contemporaines dénonçant le racisme du XXIème siècle, avec l'accord de Cameron et d'un artiste anonyme.
« -Veuillez m'excuser M. Agosti, j'ai oublié de vous prévenir.
-Il n'y a pas de mal ! Je soutiens les manifestants, ils ont raison de faire entendre leur voix et leurs revendications. J'ai déjà quelques idées pour une nouvelle gamme d'œuvres, ça ne pouvait pas mieux tomber. »
Ouf. Dieu soit loué.
« -Je voulais seulement vous prévenir de mon retard.
-Je vous remercie, à tout de suite ! »
J'attendis qu'il raccroche avant de le faire moi-même et soupirai de soulagement. Leona passa devant moi mais comme à son habitude depuis la reprise, elle m'ignora complètement. J'ignorais ce qui lui passait dans la tête, et j'ignorais ce que j'avais fait pour la mettre dans un état pareil mais je m'en voulais. J'avais invité Leona à une soirée avec mes amis, je pensais que la soirée lui avait plu et qu'elle s'était bien passée, et au final elle m'avait ignoré le lendemain. Avec ma gueule de bois, je me suis dit que j'avais sûrement fait quelque chose de déplacé avec l'alcool dans le sang, mais mes amis m'avaient assuré du contraire. J'ignorais pourquoi elle agissait de la sorte et ça me mettait mal à l'aise. Mais je ne pouvais pas me prendre la tête pour ça pour le moment, il fallait que j'assure à cette soirée. Ma carrière et ma notoriété étaient en jeu.
Les premiers clients arrivés, je me laissai aller à mon instinct et me familiarisai avec les acheteurs. Cameron commença à me présenter, expliquer comment il m'avait trouvée et quel talent il avait vu en moi, puis je commençai à parler de moi-même de ma relation avec l'art depuis plus jeune, de mes découvertes des artistes présents et de mes choix. Je décidai ensuite de les laisser avec Leona pour la visite guidée, et je leur proposai de revenir vers moi une fois la visite finie s'ils voulaient de plus amples informations, et de les laisser s'entretenir avec les artistes présents. Une fois qu'ils furent tous partis derrière ma collègue, je soufflai et m'appuyai contre le comptoir derrière moi. Cameron passa son bras dans mon dos, réconfortant.
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(dés)Ordonnée
Teen FictionVouloir mettre de l'ordre dans la vie, c'est une chose beaucoup plus difficile à dire qu'à faire. Certains parlent d'un renouveau, d'une page qui se tourne ou d'un déclic. D'autres, moins chanceux, n'ont pas le choix. Après des années d'errance am...