2. TINA

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Tina

Le Montana n’a pas changé. Il est ce qu’il est. Beau, fort et sauvage. Mais surtout, il me rappelle toutes les vacances et moments heureux que j’y ai vécu. Des instants mémorables et ineffaçables. Qu’il vente, qu’il neige et qu’il caille sévère, la météo dont il est capable de vous envoyer à la gueule n’a pas une seule fois entaché ces jours merveilleux passés là-bas.
Je roule aux côtés de Ranger, mon visage à l’air libre, sans casque désormais, car je suis en sécurité maintenant que je ne roule pas seule. D’habitude, le casque me sert uniquement lorsque je parcours les routes en solo pour me camoufler du reste du monde. Nous avons des ennemis. Donc il m’arrive également de troquer mon cut pour une simple veste de cuir vierge d’affiliation que je garde au cas où dans l’une de mes sacoches. Comme celle que je portais lors de mon arrêt dans le trou perdu que j’ai quitté il y a plusieurs heures. 
Faire une blague à Ranger pour le titiller quant à son rencard mystère m’a amusée. J’avais remis mon cut de club en quittant le bled paumé et m’étais arrêtée sur le bas-côté afin de déscratcher mes patchs avant juste avant mon point de rendez-vous avec lui et ses frères. Je voulais le titiller un peu et voir la surprise transformer son visage en découvrant mon identité. J’ai été gâtée. Il a été aussi heureux que moi de le revoir. Si seulement je n’avais pas eu à lui rapporter ce genre de nouvelles…
Enfin, c’est là les aléas de la vie que nous sommes censés rencontrer quand nous faisons partie d’un MC.
Nous suivons le nouveau road captain qui sort de la route principale pour s’engager sur un chemin de terre menant à un petit espace plat entre plusieurs bosquets constitués intégralement de sapins.
Ainsi, nous passons de courtes minutes à établir le camp, ce qui équivaut à sortir la minuscule tente, dont chacun est muni lors de long trajet, sous laquelle nous allons pouvoir nous reposer quelques heures avant de repartir.
La pause se résume à un feu de camp sur lequel on se grille quelques encas, à un échange de banales paroles, puis surtout à récupérer un peu de sommeil qui nous manque cruellement en ayant roulé autant, alors que ce n’est pas terminé. 
Plusieurs heures plus tard, lorsque Ranger ouvre les yeux, il nous réveille, puis nous levons le camp aussi vite que nous l’avons établi, à peine requinquer pour ma part, avec le besoin urgent de prendre une douche car j’ai la vague impression de sentir le poney.
Après des tas de miles parcourus, nous traversons enfin Bozeman, siège du comté de Gallatin dans l’État du Montana, et les souvenirs affluent à la surface. Un sourire fend mon visage à la vue de toutes les chaînes montagneuses qui l’entoure.
— Je n’ai toujours pas emprunté la célèbre route « Going-to-the-Sun Road », lancé-je à Ranger.
Ce dernier sourit en me jetant un coup d’œil furtif.
— C’est une erreur. Va falloir remédier à ça, dit-il le visage illuminé.
C’est un enfant du pays, il adore plus que tout rouler, mais plus encore l’État dans lequel il est né. Et comme je le comprends. La Californie est splendide et en met plein la vue aussi, mais je l’ai faite et refaite. Alors qu’ici, c’est comme prendre une respiration d’air pur. Loin de mon père le fou furieux et le chapitre mère.
Ici, c’est généralement synonyme de merveilleuses vacances pour moi, alors me voilà radieuse. 
Finalement, Albuquerque ça sera pour l’été prochain. Ma cousine Sandy va tirer la tronche, mais ça lui passera vite lorsque je lui rappellerais qu’elle ne rencontrera pas de concurrence niveau nouveau mec cet été.
Hé, on connaît son potentiel !
Enfin, j’aime vivre l’instant présent et j’aime ce qu’il m’offre en ce moment en m’ayant fait dévier de trajectoire et regagner ce petit coin du monde. Y remettre un pied c’est un peu comme rentrer dans un vieux grenier rempli de mémoires. Cela émeut autant que cela ranime cette petite étincelle en nous.
Je ne pensais pas alors que la mienne avait tarie avant de revenir dans ces lieux. Raison de plus de vouloir m’y poser durant les semaines à venir. Je pourrais méditer sur la survenue soudaine de cette drôle de sensation d’un peu plus près.
— Une erreur que je vais prendre plaisir à réparer, déclaré-je.
Il me lance un simple clin d’œil avant de reporter son attention sur la route. J’en fais de même et tombe sur le dos du biker que je ne connais pas. Loner. Évidemment, il y a également de nouvelles recrues dans le chapitre de Ranger, de nouveaux full patch. Mais celui-ci est road captain, ce qui veut dire qu’il a grimpé les échelons avant d’obtenir ce grade au sein du MC.
Pourtant je n’ai pas souvenir de l’avoir déjà aperçu. Un regard comme le sien, cela ne s’oublie pas. C’est un bel homme, c’est clair, et si je l’avais croisé, je peux affirmer que je m’en souviendrais, mais alors pourquoi n’est-ce pas le cas ? Je pose enfin la question qui me taraude depuis que je les ai retrouvés.
— Est-ce que le vieux a passé l’arme à gauche ? demandé-je à Ranger en désignant le nouveau road captain de la tête.
Ça le fait marrer.
— Non, ton vieux préféré reste le cul vissé sur un tabouret du bar au clubhouse ou dans un des fauteuils de la grande salle à roupiller. Les longs trajets l’épuisent.
— Ouais, c’est clair qu’il n’est plus tout jeune. J’ai seulement été étonnée de ne plus le voir à cette place, fais-je en pointant du menton le motard en tête de notre petit convoi.
— Le temps passe, rien de neuf à cette roue sans fin. Il a été ronchon pendant un certain temps, mais nous ne lui avons pas mis la pression. Jamais. Disons que nous avons patienté jusqu’à ce que cela vienne de lui. Un jour de réunion, il est simplement intervenu au milieu d’un blanc pour nous annoncer tout en grognant qu’il était trop vieux pour ces conneries. Depuis, il hante le MC en changeant d’assises à son cul toutes les deux heures. 
Je penche la tête sur le côté et lui lance :
— Bah faut voir le bon côté des choses.
— Lequel ?
— Il ne souffrira pas d’escarres.
Warrior, qui se trouve derrière-nous, éclate de rire tandis que son président ricane. Je poursuis. 
— C’est vrai ! Imagine un peu la vision du vieux en train de se faire changer ses compresses à force de ne pas bouger et rester le cul vissé au tabouret. Ça serait tellement récréatif de le voir couché sur le ventre, son cul rouge tout fripé offert et prêt à se faire soigner. Le meilleur moment de vos journées ?
— Bordel, non ! Autant s’épargner ça !
— Mais ça serait marrant ! appuyé-je. 
— Elle n’a pas tort ! s’esclaffe Warrior dans notre dos.
— Ça serait une sorte de vengeance pour vos mois passés en tant que prospects où il a pris plaisir à vous en faire voir de toutes les couleurs. Après tout, il est le seul dans votre chapitre d’assez vieux pour ne plus craindre un frère plus âgé et casse-pied au-dessus de lui. C’est désormais lui le casse-burne. Je suis sûre qu’il vous les brise sévère chaque jour juste parce qu’il s’emmerde à mourir et que ça lui fait passer son temps.
— Pas faux, admet Ranger. Mais au moins, on n’a plus à se le coltiner sur les routes. Son petit-fils s’en charge dorénavant.
Je hoche la tête, enregistrant l’information que ce gars devant nous se trouve être le petit-fils du vieux. Pour avoir traînée pas mal, durant mon adolescence, au chapitre du Montana, j’ai entretenu plus d’une conversation avec chaque membre. C’est pourquoi quelques échanges avec le vieux me reviennent.
Il m’avait appris qu’il avait perdu son fils unique durant la guerre en Irak lorsque ce dernier y avait été déployé avec son régiment. Il m’avait expliqué qu’il avait laissé un fils âgé de seulement dix ans et que ce dernier avait été tenu éloigné du MC durant cinq ans par sa mère et qu’il avait ressurgi dans sa vie un peu après ses quinze ans afin d’y rester et poursuivre son chemin aux côtés de lui, son grand-père.
Il m’avait également informé qu’il s’était mis plus d’une fois en colère contre son petit-fils, car celui-ci désirait s’engager à son tour dans le Corps des Marines. Il n’avait pas pu le faire dévier de ce choix. Cela explique ses absences les fois où je m’y trouvais ou celles où c’était quelques membres du chapitre du Montana qui se rendaient dans le nôtre.
Nous nous engageons sur Est Babcock Street et passons devant le bowling qui a accueilli bon nombre de roulages de pelles et séances de pelotages avec de beaux garçons du coin lorsque Kim et moi réussissions l’exploit de nous enfuir du MC.
Je ne peux éviter de sourire en passant devant la bâtisse et Ranger secoue la tête en pinçant les lèvres lorsque je lui jette un œil amusé. Lui aussi se remet cette époque où nous lui avons donné des cheveux blancs. Il est certain que nous ne partageons pas les mêmes réminiscences, ce qui explique sa mine contrariée.
C’est le jeu ! On ne peut pas toujours sortir gagnant ! Fallait bien que Kim et moi remportions quelques batailles. Et bon sang, elles sont mémorables.
Nous bifurquons juste après et pénétrons dans l’enceinte du chapitre en nous garant juste devant l’établissement peint aux couleurs des Shadow Riders. Je reste un instant assise sur ma bécane à simplement observer avec plaisir la devanture de ce qui a abrité les meilleures soirées de mon adolescence.
Un prospect se racle la gorge en attirant mon attention sur lui. En posant mon regard sur son visage encore poupin, je me dis qu’il doit avoir à peine dix-huit ans et qu’il n’est pas effrayant. Pas taillé pour ce genre de vie.
Ranger, qui a patienté durant ce temps garé à mes côtés, se fend d’un sourire en devinant aisément mes pensées.
— Les apparences sont trompeuses, Tina. Tu le sais mieux que quiconque.
— Je n’ai rien dit, éludé-je en descendant de mon bijou et mettant en garde le jeune garçon. T’as plutôt intérêt à prendre soin d’elle, le bleu. Je ne veux pas voir l’ombre d’une rayure. 
— Compris, répond-il dans un haussement d’épaules, l’air vraiment pas perturbé.
J’arque un sourcil dans une moue adressée à Ranger comme quoi il n’a pas tort. Le petit a l’air d’en avoir dans le calbute. Mais faut avouer que je n’ai rien d’un homme costaud à barbe avec des poings énormes prêts à s’abattre à la moindre réflexion. Je ne suis pas du genre perturbante. Enfin, je le suis, mais pour d’autres raisons qui n’ont rien d’effrayant. Bien au contraire. Néanmoins, le ton y était et il n’a pas bronché. Bon point.
Je lui adresse donc un clin d’œil et me décale pour le regarder placer correctement mon bolide.
Ranger pose sa main sur mon épaule tandis que les autres disparaissent dans le bâtiment.
— Si t’as fini de tester mes nouveaux prospects, nous pouvons enfin entrer ? Je suis mort avec autant d’heures de conduites dans les pattes.
— Pareil. Je suis lessivée. J’espère que ma chambre ne sera pas à côté de celle du vieux. Même si j’adore ce couillon âgé, tu n’ignores pas ses ronflements à réveiller les morts. Et hors de question d’entendre également tes pervers de frères se taper de la brebis à tout va.
Il penche la tête en arrière en soupirant et ferme les yeux avant de se concentrer à nouveau sur moi.
— Je savais bien que t’allais me casser les pieds.
Cependant, son ton affectueux dément ses paroles.
— Alors, où je crèche ?
— Comme à l’époque dans la chambre de Kim ? Est-ce que cela conviendrait mieux à Madame De Shadow Riders ? s’enquiert-il en s’inclinant. 
Je glousse en lui administrant une tape sur le bras face au ton bourgeois qu’il a pris et lance :
— C’est parfait !
Un large sourire plaqué sur le visage, je m’engouffre enfin dans le clubhouse tandis que Ranger ferme la marche. Dès que mon regard se pose sur le vieux, ce dernier arque les sourcils si haut qu’ils disparaissent sous ses épaisses boucles grises et blanches lui tombant sur le front.
— Ne me dis pas que t’as aussi raccroché ton bandana ! lui lancé-je.
Il abandonne son fauteuil pour foncer sur moi et m’accueille dans une puissante étreinte en aboyant de rire face à ma venue inattendue.
— Je me disais bien qu’il n’y avait que toi pour créer à nouveau pareil remue-ménage dans notre club, quand j’ai vu les frères s’affairer et quitter le chapitre sur les chapeaux de roues.
— On ne se refait pas, qu’est-ce que tu veux !
Il s’esclaffe en même temps qu’il entoure mes épaules d’un bras et me guide vers le fauteuil qu’il vient de quitter. Je m’installe sur celui à côté et lui refais face alors qu’il détaille mon visage.
— Toujours aussi jolie, la peste.
— Toujours aussi vieux, le vieux !
— Mais toujours là ! déclare-t-il dans une moue amusée.
— C’est le principal, approuvé-je en souriant.
— Et ton père ? Ça fait un sacré bout de temps que je ne l’ai pas vu.
— Bof tu sais, la routine ! Des merdes qui nous tombent dessus, des frères qui s’envoient trop en l’air, la seconde femme de mon frère qui en remet une couche et encore un tas d’autres merdes.
— En somme : tout va pour le meilleur des mondes !
— T’as tout compris ! m’esclaffé-je en me disant qu’il a bien raison.
C’est toujours la même rengaine dans un MC. Une chose qui ne changera jamais. C’est comme une cassette que l’on passerait et rembobinerait sans fin pour revoir le même film se dérouler. 
— T’as combien de neveux déjà ?
— On doit compter ceux qui ont des tares ? me renseigné-je.
On se marre, puis je réponds plus sérieusement :
— Trois et ils sont supers. Je les adore ces petits chenapans et ils le savent. C’est pourquoi ils profitent toujours de m’escroquer dès que je demande à les garder.
— Ce qui veut dire que pour la relève ça promet.
— Exact ! Les Shadow Riders n’ont pas dit leur dernier mot. Pas avec ces terreurs qui reprendront le flambeau. Impossible !
— C’est ce qu’il faut.
Pendant que je papote tranquillement avec Keith, dit « Le vieux », une brebis pose sur la petite table face à nous, deux bières décapsulées. Je la remercie d’un signe de tête, mais ne touche pas à la boisson.
— Maintenant que t’es en âge de te les siffler, tu ne vas pas me faire croire que tu n’en bois plus, me lance-t-il en désignant la bouteille pleine.
— Non, je suis juste éreintée par les trajets et boire juste avant de me pieuter quand je suis autant crevée équivaut pour moi à être malade durant mon sommeil.
— Libère-la un peu, le vieux ! le sermonne Warrior.
Il se laisse tomber sur l’accoudoir du fauteuil dans lequel je suis installée.
— Mêle-toi de tes affaires, lui rétorque Keith d’un air grincheux.
— Ranger m’a ordonné de la mener à bon port jusque dans sa chambre. C’est-à-dire celle de Kim, précise le sergent d’armes un sourire en coin.
— Oh bordel ! s’exclame le vieux en se bidonnant. On n’a pas fini d’entendre le président gueuler.
Je ne dis rien face à ces deux bêtas qui se marrent au détriment de Ranger, car même si je ne suis plus une ado turbulente prête pour faire les quatre cent coups, en présence de Kim je n’ai aucune idée de comment la jeune femme que je suis va tourner. 
Je pose donc un baiser sur le crâne du vieux et me retourne pour suivre Warrior, qui s’est relevé, à travers la grande salle en direction du couloir qui mène aux chambres. Toutefois, avant de disparaître dans le passage, au sol couvert d’une moquette d’où les tâches suspectes ne cesseront de me débecter, mon regard accroche celui de Loner.
Ce dernier, resté silencieux et seul dans un coin du bar dos au comptoir, m’observe d’un regard impénétrable. Je fronce les sourcils en me demandant ce qu’il lui prend à me scruter de la sorte tout en ne laissant rien paraître. Ce mec semble tellement… à l’écart.
Son patronyme prend tout son sens, mais quelque chose chez lui me dérange. Un je ne sais quoi qui me fout la trouille. Toutefois, c’est un beau mec. J’ai eu le loisir de l’étudier. Un spécimen qui m’a tout l’air bien monté. Il détient l’intégralité de la panoplie du gars super mystérieux, énigmatique à souhait, dont toutes les gonzesses raffolent. Ça ne doit pas être difficile pour lui de se mettre quelque chose sous la dent pour passer un moment de détente.
Enfin, ça ne me regarde pas, donc je ne vais pas m’attarder sur le petit-fils du vieux et encore moins sur comment il gère son intimité, même si ses yeux hypnotiques me sondent toujours ainsi.
Je m’engage dans le couloir, et alors que je suis Warrior, plusieurs portraits de disparitions, semble-t-il, retiennent mon attention. Je fais une pause et les observe tous un à un.
Je tapote une des affiches en interrogeant le sergent d’armes.
— C’est quoi ça ?
Il jette un œil par-dessus son épaule et revient vers moi en regardant au-dessus de ma tête les visages qui nous font face.
— Des disparitions. Et ce ne sont pas tes oignons.
— Merci, je sais lire, fais-je en éludant la seconde partie de sa réponse.
Je lui lance un regard équivalant à un : mais encore ? Mais il ne rentre pas dans mon jeu. Il reste silencieux tout en m’étudiant.
— Et il ne s’agit que de femmes, relevé-je avant qu’il me réponde encore par une réponse ne m’apprenant rien de plus de ce que j’ai sous les yeux.
Il soupire et fait un vaste geste de la main.
— Des régulières qui sont parties de leur chapitre et ne se sont plus jamais repointées.
— C’est… louche. Surtout qu’il y en a quatre. Ce qui fait pas mal.
Il hausse les épaules et se passe une main sur sa mâchoire mal rasée.
— Bof, tu sais bien que les couples rencontrent tout un tas d’emmerdes dans notre milieu. Même si la plupart de ces frères affirment qu’ils traitaient bien leur régulière en ne la cocufiant pas à tout bout de champ. Je suis certain qu’elles en ont eu assez de ce style de vie qui leur convenait si bien au début de leur relation.
— C’est ce que tu penses vraiment ?
— Disons que je ne me suis pas épanché sur ces affaires. Mais tu es consciente que notre mode de vie peut facilement en faire craquer plus d’une avec les années.
— Pas faux, mais c’est tout de même curieux.
— C’est comme ça. Des choses qui arrivent, tranche-t-il dans un autre haussement d’épaules. C’est pas nouveau et ne sera pas les dernières à agir de la sorte.
Il fait volteface et reprend son chemin à travers le long couloir. Je repose les yeux sur les clichés et relève les villes d’où ces filles viennent. Rapid City dans le Dakota du sud, Dickinson dans le Dakota du nord, Jackson dans le Wyoming et la dernière était de Idaho Falls dans l’Idaho. Autant dire les États voisins au Montana.
Warrior a sûrement raison, mais les dates de disparitions et les lieux m’interrogent trop pour ne pas être ignorés et d’autant plus minimisés comme le fait le sergent d’armes. À moins qu’il minore la chose dans le but de me tenir loin de ce genre d’histoire. Il sait pertinemment que je suis du genre à fourrer mon nez dans des affaires qui ne me regardent pas.
La preuve : j’ai mis fin à mes vacances chez ma cousine Sandy pour foncer retrouver Ranger et rester dans son chapitre afin d’éclaircir le mystère de ces trois gars qui ont une dent contre lui en souhaitant le rayer du Montana.
Warrior stoppe devant les escaliers et me lance un regard du style « qu’est-ce que tu fous ? ». Je me rabroue et le rejoins. En passant devant lui, je ne peux me retenir de lui lancer :
— Il s’agit uniquement de femmes aux origines latinos ou africaines.
Il renifle avant de grogner.
— Reste en dehors de ça également, la peste.
— Mais bien sûr, glissé-je dans un sourire en coin.
— Putain, je savais bien que t’allais nous casser les rouleaux.
Arrivée sur le palier de l’étage, je virevolte en posant une main sur une hanche et penche la tête de côté. Dès qu’il parvient devant moi, il me met en garde. Ça ne sera qu’une fois de plus.
— Alors je te préviens de ne rien faire d’imprudent. D’après ce que tu nous as appris, les frères et moi allons être pas mal occupés ces temps-ci. Plus que la normale. Je ne veux en aucun cas que tu te mettes en quête de quoi que ce soit relatif aux affaires du club. Et sur ce qui concerne ces mecs que t’as croisés dans le trou du cul du monde : pas un mot. Compris ? Et ces filles, fait-il en pointant son pouce par-dessus son épaule, tu les oublies. Pigé ?
— Pigé !
— Je déconne pas, Tina. Pas de coups fourrés, ma jolie.
— Entendu, déclaré-je en écartant les bras en mettant en évidence mes formes dans une pose sexy. Au cas où tu n’aurais toujours pas capté, je ne suis plus une ado. J’ai évolué. En beaucoup, beaucoup mieux.
Il pose une main sur ses yeux en grognant deux fois plus, ce qui me fait ricaner. J’arrête de le torturer et m’avance d’un pas jusqu’à me trouver sous son nez et lui tapote l’épaule.
— Je peux également me charger de regagner la chambre de Kim toute seule. Je ne crains rien ici.
Je le dépasse, puis m’arrête en lui refaisant face et claque mes doigts en le conseillant.
— Tu as une petite mine, Warrior. Tu devrais sérieusement songer à lever le pied. Laisse donc tes inquiétudes, qui n’ont pas lieu d’être, à ces nouveaux full patch que je ne connais toujours pas. Après tout, je n’ai pas eu l’aubaine de les tester. Kim est là ?
— En chair et en os, chérie ! s’écrie l’intéressée d’une voix assourdissante et carillonnante dans mon dos.
Warrior secoue simplement la tête, dépité, avant de balayer l’air d’une main et de se tirer du couloir quand je me retourne pour faire face à ma sœur de cœur.
— Oh bon sang, ils sont tellement dans la merde ! déclaré-je en éclatant de rire avec elle tandis que nous nous sautons dans les bras pour des retrouvailles en mode hystérique.

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