Tina
Quelque part dans un bar sur la U.S. Route 66 proche de Gallup dans le comté de McKinley – Nouveau-Mexique.
Mon échappée belle pour l’été devrait se dérouler autrement. Ce qui aurait dû être une simple pause sur mon trajet habituel des vacances se transforme en une nouvelle mission. Je me dois de modifier l’itinéraire de ce que je considère comme le road trip de l’année quand les paroles des nouveaux arrivants, survenus dans cette gargote faisant également office de motel pour les plus aventureux, retiennent mon attention.
— Ces enfoirés de Shadow Riders du Montana ne vont pas continuer bien longtemps à détenir le monopole des états nord-américains, déclare un homme entouré de deux autres. Leur mainmise de pacotille va prochainement voler en éclat. C’est à notre tour. Il est temps de devancer ces putains de traîtres à leur race. Nous n’avons que trop tardé.
— Notre marché est sur le point d’être sceller, renchérit un de ses acolytes. Nous allons enfin pouvoir déguerpir de ce bled de paumés.
— C’est peut-être un trou à rat, mais aucun Shadow ne rode ici. Cela nous a permis de donner vie à notre plan, reprend le premier.
— Il est en route ! lance le troisième en levant sa bière. À bas Ranger !
Dans un grognement typiquement masculin, les trois hommes entrechoquent leur bouteille et la vident cul sec avant de la faire claquer brutalement sur le comptoir en zinc.
Je tente de me faire aussi discrète que me le permet l’espace restreint qu’offre le minuscule établissement privé accolé à la seule station-service présente sur des dizaines de miles à la ronde.
Après un arrêt chez une amie, j’ai décollé de Gallup, un peu plus tôt, dans l’espoir de retrouver ma cousine Sandy et ce que me procure une semaine dans son appartement au centre d’Albuquerque. C’était mon objectif : une coupure bienvenue dans ma vie de fille de président national, puis poursuivre ma route des vacances.
Seulement, mon rêve d’évasion parmi les citoyens lambda vient d’être mis à la porte. Une image qui se profilait devant mes yeux depuis la veille s’efface ; celle d’un horizon sans un seul cut, patch et bécane – sauf la mienne : mon bijou.
La discussion qui se déroule dans mon dos a enclenché tous mes capteurs d’alarme. Et malgré le point d’honneur que je m’étais fixée de me retrouver loin de tout bikers et MC durant ce maigre laps de temps, mon instinct de protection envers les miens prend le pas sur le reste.
Je suis une Shadow Riders !
Bien qu’il ne s’agisse pas de la maison mère des Shadow établie à San Diego, dont je suis issue, je me dois d’agir. Il en va de nos frères.
Mon père, Hothead, n’a jamais aussi bien porté son patronyme que l’époque où il était en mission en Afghanistan chez les Marines.
Président national d’un Motorcycle Club 1% a de quoi vous tenir occupé. À la clé : de fortes chances de vous retrouver six pieds sous terre avant l’envisagement de passer la main, ou dans un hôpital psychiatrique vu les séquelles mentales que procure ce genre de place avec les espèces qui vous entourent.
Excusez-moi du peu, mais autant se montrer honnête.
Des poules hantant le club-house H24 se sautant à la gorge à la moindre remarque ou queue disputée, des frères semant la zizanie parmi elles, et si ce n’est pas le cas en ramenant tout un tas de problèmes de l’extérieur – et nous dénombrons pas moins de 101 Shadow Riders dans notre chapitre. Ajouter à cela des tas d’emmerdes avec les menaces incessantes du cartel mexicain, d’autres MC ennemis et vous vous ferez une assez bonne image de mon paternel non loin d’imploser.
Si j’additionne à tout ce foutoir mon escapade estivale qui lui provoque de sévères crises de nerfs chaque année, cela vous offre une idée sur ce qu’éprouve le personnage. Mais mon père est un roc !
Hothead ne montre rien, c’est connu. Personne ne peut deviner ce qu’il pense et ressent. Il est impitoyable en affaire et tout aussi implacable dans son rôle de président. Mais il s’agit de mon père donc je sais les tempêtes émotionnelles faisant rage en lui. Sous la surface une bien belle quantité d’effervescence ne cesse de l’animer. Et oui, il est timbré ! Aucun individu de ce milieu n’est sain !
Je pars toujours au moment où il s’y attend le moins, car le MC est en ébullition pour telle ou telle cause. Cela me permet d’avoir son attention au rabais et une ouverture grandiose vers une fugue propice, même si ça fait un bail qu’il me laisse mener ma vie comme je l’entends.
Lorsque j’ai quitté San Diego, plusieurs frères partaient en mission pour le club, mon père devait régler un énième problème de dernières minutes, dont un avec la seconde femme de mon frère menaçant de garder les enfants – le b.a.-ba d’un président de MC. Alors je suis la mieux placée pour me charger du problème en marge de détrôner les miens.
J’extirpe le portable prépayé de la poche de mon jeans et le place sous mon aisselle gauche tout en surveillant le miroir en face de moi. Ce dernier m’offre une vue d’ensemble sur ce qui se déroule à l’arrière. Je canarde comme je peux les inconnus sans pouvoir relever de noms. Ils sont prudents. Même dans le trou du cul du monde. Pas de cuir, juste des tatouages en référence au milieu des bikers m’indiquent qu’ils font obligatoirement parti d’un MC. Mais quant à savoir lequel… Ça va être compliqué de l’apprendre.
Mon visage est trop connu des Motorcycles clubs. Être la fille de Hothead, me positionne parmi les enfants renommés du pays pour tous les conducteurs de deux-roues. C’est pourquoi je fais profil bas depuis l’arrivée de ces inconnus un peu trop confiants à mon goût en baissant ma tête, couverte d’une casquette, entre mes épaules.
Je ne quitte pas ma chaise pour me hâter d’alerter le club du Montana. Non, cela attirerait indéniablement l’attention sur moi. Donc, je patiente en mettant une plombe à finir ma canette Red bull. Le liquide n’est plus frais, mais qu’importe, le siroter me permet de rester à ma place, dissimulée du groupe d’hommes accoudés au bar.
Lorsque l’un d’entre eux s’intéresse de trop près à une pouffe du coin en fourrant sa langue dans son gosier, qu’un autre s’éclipse aux toilettes et que le dernier s’endort sur le comptoir, je trouve le moment opportun pour m’échapper vers la sortie.
Je retrouve mon bijou garée dans l’obscurité du parking où seul le néon de l’enseigne clignote de façon intermittente. Je prends appui sur ma moto et jette un coup d’œil aux clichés que j’ai pu prendre. Ils ne sont pas de très bonne qualité, mais les personnes dessus peuvent être identifiées.
Enfin, je l’espère…
J’envoie un message codé à Ranger, président des Shadow Riders du chapitre du Montana, lui donnant rendez-vous à mi-chemin entre ma position et la sienne. Si j’avais en ma possession un numéro susceptible de ne pas être retracé, je l’aurais appelé directement, mais ce n’est pas le cas, alors je me déplace.
Nous opérons ainsi car c’est connu, nos MC font dans le trafic d’armes et de drogues. Principalement. Car nous détenons bon nombre d’armureries, mais aussi de bars à nichons. Entre autres… Donc nous avons fréquemment les fédéraux ainsi que la DEA collés au cul. Prendre nos précautions, même pour des trucs aussi futiles que ce soit, est monnaie courante.
La réponse fuse, même s’il ignore qui le contacte. Un message vide m’est renvoyé, signe que c’est bien reçu et lu. L’unique fait que le message soit codé lui apprend qu’il s’agit d’un membre de club. Mais nous ne sommes pas à l’abri d’un usurpateur tentant de nous coincer par tous les moyens, alors Ranger se montrera prudent.
Je démarre, extirpe mon blouson en cuir aux couleurs des miens d’une des sacoches, mes chaps en cuir noir montantes jusqu’aux hauts de cuisses que j’enfile par-dessus mon jean moulant et couvrant le haut de mes bottes de moto Ardmore imperméables, puis enfourche mon bijou et quitte les lieux le cœur battant.
Non pas parce que quelque chose de mauvais se profile pour les Shadow, cela fait partie intégrante de nos vies, nous y sommes habitués. Il ne passe pas un mois ou deux sans qu’une merde nous tombe dessus. Mais parce que je vais revoir Kim, ma meilleure amie de tous les temps.
Également fille d’un président, nos chemins se sont pas mal croisés et durant ces courtes périodes une amitié fidèle nous liant telles des sœurs a vu le jour. Et comme j’ai pu le stipuler : notre milieu n’est pas sain. Je vous laisse le loisir d’imaginer les petites démones qui ont tout renversé sur leur passage en semant un sacré bordel derrière elles. Nos pauvres pères, Ranger et Hothead, en cauchemardent encore.
Alors je ne dirais qu’une chose : Le Montana, prépare-toi !
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Shadow Riders #Bewitching biker's girl & #In Turmoil
Roman d'amourTina, fille du président national des Shadow riders aux U.S.A, fonce jusqu'au chapitre du Montana avertir le père de sa meilleure amie qu'un danger rode concernant le MC qu'il préside. Sur place, elle va finalement opter pour passer sa coutumière pa...