12. TINA

2K 180 22
                                    

Tina

Vêtue d’un débardeur aux couleurs des Shadows qui me serre un peu trop vu qu’il appartient à ma meilleure amie, d’un jean moulant, équipée de mes habituels chaps et bottes, je termine d’enfiler mon cuir pendant que je sors de ma chambre.
Kim est grognon. La question ne se pose pas, elle ne souhaite rien d’autre que je lui foute la paix pour pouvoir enfin se rendormir. Ou trouver le moyen de mettre la main sur une photo de sa future belle-mère, qu’elle affichera sur un de ses murs après s’être équipée en fléchettes, pour l’en cribler la face.
Autant dire que mon laïus, sur le potentiel bonheur de retrouver enfin une présence féminine dans sa famille, a fait un flop.
Je la laisse donc après avoir toqué à la chambre que je sais être occupée par le vieux.
J’entre à nouveau dans la cuisine en attendant que Keith daigne enfin s’y pointer.
Ranger et ses frères s’y trouvent toujours. Il me jette un œil et ne peut se retenir de s’esclaffer alors que les autres sourient en coin, certains secouant la tête, se disant sans doute que je rêve.
Bon sang, quand vont-ils enfin saisir que l’on ne doit surtout pas me sous-estimer ?
Une porte claque au-dessus de nos têtes et mon visage se fend aussitôt d’un large sourire. Quelques secondes plus tard, le vieux, la tête dans le cul, mais un sourire aussi grand que l’État du Montana accroché sur son minois de septuagénaire, apparaît enfin parmi nous en se dirigeant directement sur le porte-manteau pour farfouiller dans la poche intérieure de son cut.
Lorsqu’il se retourne, il m’envoie un petit trousseau de clés que j’attrape au vol, fière de moi. Il m’offre un clin d’œil tandis qu’une des brebis d’une quarantaine d’années qui a traîné ici la veille passe devant nous pour rejoindre la sortie.
Totalement décoiffée, un maquillage ayant largement bavé et suivie d’une mine affreuse, elle s’empresse de quitter la pièce en me fusillant du regard au passage et grognant à Keith lorsque ce dernier lui administre une fessée qui la fait sursauter.
Je lance :
— Merci Pam’ !
— C’est Regina ! l’entendons-nous rouspéter avant que la porte de la grande salle se referme avec fracas dans son dos.
Le vieux et moi nous marrons juste avant qu’il quitte à son tour la cuisine où le silence règne. Je pose mon regard sur l’assemblée apparemment déroutée qui fixe toujours l’endroit où vient de disparaître Keith.
Ranger se réanime.
— Attends, tu veux me faire croire que le vieux à baiser ?!
— Et pas qu’un peu, renchéris-je dans un jeu de sourcils.
Soudain, un grognement poussé à ses côtés focalise notre attention sur Loner. Ce dernier porte ses mains à son front avant de déclarer :
— Putain, c’est lui qui baisait comme un affamé toute la nuit ? J’ai envie de vomir.
Ses frangins s’esclaffent alors que Ranger me scrute toujours avec cet air épaté.
— Comment as-tu fait ? me demande-t-il réellement surpris.
J’hausse les épaules tout en m’adossant contre le chambranle de la porte et croise les bras sous ma poitrine en lui offrant un sourire en coin.
— J’ai offert un joli billet à la sosie de Pamela Anderson version défraîchie. Elle a un peu grimacé en voyant que je lui proposais le vieux, mais agiter un deuxième beau billet sous ses yeux a fini de la convaincre. Aaah, sacrée Pam’ la défraîch’, fais-je en secouant la tête. Et vu que j’avais prévu le coup en toute connaissance de causes sur les problèmes d’érection du vieux…
— Seigneur ! entendons-nous dire de la part de Loner qui cogne désormais son front contre la table.
— Je m’étais fournie en petites gélules bleues, plus tôt, terminé-je.
— Tu veux dire que tu as vraiment eu le culot de lui faire avaler du viagra sans son consentement ?! me rétorque Ranger, halluciné.
— Bah oui ! réponds-je. Et s’il a nourri un petit doute, il ne s’en est pas plaint. 
— Et ses problèmes de cœur !
— Tu me prends pour qui ? Le doc’ m’a garantie que les effets des médicaments « sexo-actifs » peuvent causer une défaillance cardiaque uniquement s’ils sont pris régulièrement. Ce qui n’est assurément pas le cas de Keith. Et puis, s’il avait clamser en pleine extase, crois bien qu’il m’en serait gré de l’autre monde.
Je tire sur ma queue haute retenant ma longue tignasse tressée pour la resserrer, puis lâche dans un soupir :
— Enfin, j’ai gagné et tu me dois cinq jolis billets.
Avant de foutre le camp, je lance :
— Ah, et laissez ce pauvre Keith ronquer, il est vidé !
Je ris à gorge déployée et fais sauter les clés dans ma main avant de m’adresser à Mav’ et Ice.
— Prêts les gars ?!
— Prêts, Princesse Shadow !
Sur ce, j’offre un dernier sourire à Ranger et me tire du MC.
Sur le parking, je passe mon index sur le prix de mon pari, même si la récompense en jeu n’a qu’une durée d’une demi-journée au vu de l’heure avancée, je vais prendre un pied d’enfer à rider dans les alentours. Je fais enfin ronronner le moteur de la Road King avant de mettre les gaz en ricanant accompagnée des frères à mon père.
Vu que je ne l’ai encore jamais parcourue, je prends la tête du convoi pour rejoindre la célèbre route « Going-to-the-Sun Road ». Lorsque j’en avais fait part à Ranger durant notre retour à son chapitre, il m’avait assuré que c’était une erreur de ne pas l’avoir encore empruntée.
Aujourd’hui, j’ai décidé de remédier à ça et au guidon d’une superbe Harley, je m’élance découvrir la nature accidentée du Montana.
Une fois parvenue au commencement de cette voie de quatre-vingt kilomètres, je découvre une route exaltante avec des chutes abruptes et des vues impressionnantes à deux mille trente-six mètres d’altitude en atteignant le col Logan.
Le parcours traverse le parc national de Glacier, avec des montagnes escarpées, ses lacs et ses forêts. De nombreux points de vue et aires de repos permettent d’apprécier la beauté de la nature.
Même Maverick et Ice restent cois face à l’évasion sensationnelle qu’offre la spectaculaire « Going-to-the-Sun-Road » située au nord-ouest du Montana. Ils ne me tiennent aucunement rigueur de les avoir traînés jusqu’ici. Quémandeurs sans fin de liberté à bord de leurs engins, j’ai une conscience aigüe de leur remerciement silencieux. Nous traversons la nature majestueuse et immaculée du parc national en admirant les cascades et tout cet ensemble incroyable qu’offre ce parcours panoramique.
À présent, je comprends Ranger et tous les frères que j’ai entendu dire que rouler sur cette route était une expérience à nulle autre pareille. Certaines parties sont creusées à même la roche, ce qui permet de bénéficier de vues plongeantes sur les escarpements abrupts. C’est impressionnant. 
Plusieurs dégagements émaillent la route et nous en profitons pour nous y arrêter et faire un tas de selfies débiles avec en fond un panorama de dingue ! Pendant que les frères envoient ces photos à je ne sais qui, sûrement mon père et Ranger, je ne peux éviter à mon esprit de s’égarer vers un brun aux yeux à la couleur particulière de l’orage, et sur le fait que j’aurais apprécié qu’il soit là.
J’aurais voulu découvrir ce coin avec lui. J’aurais voulu que ce soit lui qui me le fasse découvrir et non moi en y traînant Mav’ et Ice. Je repense à lui, ce matin. Enfin, à midi, seul dans cette pièce, appréciant le calme qu’offrait le club à cette heure-ci tout en buvant son café.
Couvert d’un T-shirt noir moulant ses muscles, son torse à la perfection. Des tatouages tribaux dépassaient du tissu en coton au niveau du haut de ses biceps gonflés. Ses cheveux noirs étaient en bataille avec quelques mèches lui tombant merveilleusement sur le front. Ses longs cils tout aussi sombres sont tellement fournis qu’il est clairement impossible de ne pas être attiré par son regard de braise. Un regard intense qui nous désarme. Surtout quand il nous observe longuement. Un appel inévitable à nous perdre dans ces perles grisées et à leur laisser entrevoir tous nos secrets.
Il offrait un tableau beaucoup trop alléchant et j’ai dû me rafraîchir de toute urgence. Chose que j’ai faite en descendant une brique de jus d’orange, assoiffée comme si je venais de courir un quatre cent mètres à toute vitesse.
Le voir me chamboule. C’est incontrôlable. Et pourtant, je ne souhaite aucunement être troublée par ce type. C’est pourquoi je ne me suis pas attardée sur lui en pénétrant à mon tour dans cette pièce qui m’avait subitement semblée électrisante.  
Aussi plaisant qu’a pu être notre début de soirée la veille, aussi agréable qu’a été la découverte de cet homme, son côté taiseux, justement, qui semble agir sur moi d’une drôle de façon, sa discrétion, sa patience, son physique… Autant d’ingrédients pouvant faire de lui un cocktail explosif pour mes pauvres synapses apparemment tombées en pamoison face à lui, il n’empêche qu’il est devenu subitement un gars odieux.
Je n’ai pas apprécié son revirement. Cela m’a donné l’air que je n’étais qu’une gamine à ses yeux. Une gamine dont il se languissait de se débarrasser. Cela n’a pas été au goût de mes glandes surrénales. Pourtant je ne rêve pas. Je suis sûre de moi. Je sens bel et bien un changement dans l’atmosphère qui nous entoure lorsqu’il entre dans les parages. Comme lorsque je faisais mes sessions de sprint sur le terrain des Bobcats.
J’ai senti comme un nouveau champ électrique et lorsque j’ai levé les yeux, il était là. Un sac de sport sur l’épaule, moulé dans un T-shirt gris avec un bas de survêtement assorti, il était à croquer.
Face à moi se tenait plus d’un mètre quatre-vingt de muscles avec un visage d’ange démoniaque. Un visage qui reste gravé dans les mémoires. Peu importe le mal que l’on peut se donner pour penser à autre chose. Non, le sien reste imprégné. C’est ce qu’il se passe dans mon cas. Il semble gravé sur mes rétines et où que j’aille et quoi que je fasse, il est l’image qui ne cesse d’apparaître devant mes yeux.
Pourquoi lui alors qu’il agit de façon aussi repoussante ?
Je ne comprends pas que je puisse faire une fixette sur lui alors que tout dans son comportement me dérange au point de me débecter. Et plus je passe du temps à penser à lui, plus cela me rend nerveuse et en colère. En colère contre moi-même pour me conduire aussi idiotement. Je devrais sans doute me rendre à nouveau à l’université et mettre la main sur cet Eduardo ou Roberto, je ne sais plus, mais c’est peut-être un moyen d’effacer ce mec imbuvable de mes pensées. 
Je me fous que Loner me prenne pour une merdeuse. Je me fous de ce qu’il peut penser de moi, de ce que je peux représenter dans ses pensées inaccessibles. Je suis à l’aise avec qui je suis et ne vais clairement pas me laisser vriller par le ressenti que peut avoir sur moi un mec comme lui, même doté d’un physique aussi éblouissant que le sien. Des mecs bien monté et beaux comme des dieux, il n’en manque pas.
Semblant m’être assez raisonnée, Mav’, Ice et moi rentrons à Bozeman l’esprit libéré et ressourcés.
Lorsque nous revenons au chapitre, plusieurs frères ont bougé. Ranger nous apprend que certains sont en missions quand d’autres ont été chargé de se rendre à Sturgis pour louer les emplacements où se tiendront les stands des Shadow Riders.
Je les laisse dans la grande salle et rejoins Kim dans sa chambre.
— Merde, ça sent le poney ! m’exclamé-je en claquant la porte dans mon dos et fonçant jusqu’à la fenêtre.
Je tire le rideau rageusement en la faisant d’autant plus grogner et ouvre pour aérer avant de faire volte-face en portant mes poings sur mes hanches.
— Des enfants atteints de cancer, des mères perdant un enfant, tout un tas de personnes exploitées de différentes façons, nos sœurs régulières disparues et dieu sait où ! explosé-je. Là se sont des cas sur lesquels nous morfondre ! Alors cesse un peu ta dépression ridicule pour une chose aussi minime qu’une femme que souhaite te présenter ton père ! Tu es risible Kim !
Cette dernière, la tête toujours dans le cul et allongée dans son lit, se hisse sur les coudes en soufflant sur une mèche lui barrant le visage, puis fronce les sourcils face à la luminosité de cette fin d’après-midi.
— Tina, du calme, marmonne-t-elle. J’ai seulement la gueule de bois.
Je renifle.
— Tu parles !
Elle s’énerve et écarte les bras.
— Oui, je ne suis pas enchantée de devoir faire face à cette…
— Bonne femme, complété-je à sa place, car elle hésite trop longtemps sur le terme à lui attribuer.
— C’est une danseuse du club de strip’, putain, grogne-t-elle. C’est une croqueuse de diamants ! Et elle doit à coup sûr avoir mon âge.
Elle finit de se plaindre en se laissant retomber sur le matelas en secouant la tête de dépit.
— Peu importe son âge et ce qu’elle peut bien faire de sa vie. Kim, ce qui devrait réellement t’importer, c’est si elle rend ton père enfin heureux. Si elle comble cette part de lui qui était si vide que cela ne cessait de le meurtrir et de le faire se sentir seul et triste. Vois le bon côté des choses. Et sur le point où tu crains qu’elle se transforme en véritable peste avec toi, ne nourris aucune inquiétude. Tu te crois où ? Dans une version de Cendrillon avec une belle-mère démone ? Ton père, aussi fou d’elle, ne laissera personne, pas même une femme à laquelle il tient, s’en prendre à toi et encore moins s’immiscer entre vous. Tu le sais au fond, alors cesse donc tes enfantillages qui n’ont pas lieu d’être et remonte tes putains de miches pour faire face en te réjouissant pour lui ! Tu lui dois au moins ça pour tout ce qu’il a fait pour toi.
Sur cette dernière parole, je prends la poudre d’escampette.
— Où tu vas ? me demande-t-elle en écarquillant les yeux.
— Me faire tringler !
Dorénavant bien éveillée, elle m’interpelle ultra intéressée avant que je claque la porte derrière moi.
— Par qui ?
— Eduardo.
— Roberto, me corrige-t-elle en pouffant.
— Peu importe du moment qu’il me ramone comme l’autre soir.
Je ferme en la laissant se marrer tandis que je tombe nez à nez avec Loner dans le couloir. Quand je m’aperçois qu’il a la faculté de me couper le souffle et me ciller les jambes, je grogne de frustration en levant les yeux au ciel et m’éloigne de lui.
— Elle mérite le remontage de bretelle que tu lui as fait. Tes paroles étaient intelligentes, criantes de vérité. Elles ont eu la capacité d’agir en elle tel un cri d’alarme. C’est ce dont elle avait cruellement besoin pour faire face à la réalité.
— Te revoilà bavard, marmonné-je tout en continuant à marcher en voie d’atteindre les escaliers.
Il vient sérieusement de prononcer plus d’une phrase ? Est-ce que je nage dans la quatrième dimension tout d’un coup ?
— D’autant plus que tu écoutes aux portes. Charmant ! lancé-je.
— Je n’écoute pas aux portes. Je logeais simplement dans la chambre d’à côté. J’étais trop crevé après votre nuit agitée pour pouvoir faire autre chose que retourner me pieuter aujourd’hui.
Je lève à nouveau les yeux en l’air en me demandant pourquoi, soudainement, il tient à nouveau à faire causette avec moi. Qu’est-ce qui peut bien le rendre loquace ?
— C’est qui ce Roberto ou Eduardo ?
Alors que je m’apprêtais à descendre les marches, je virevolte et lui fais face tandis qu’il doit s’interrompre brutalement pour ne pas me foncer dessus.
— Qu’est-ce que ça peut bien te foutre de qui il est ? lui retourné-je en croisant les bras sous ma poitrine et fronçant les sourcils.
Il a l’air en colère, fulminant en silence et me servant aucune réponse.
Je le fusille du regard avant de me calmer.
— D’accord le taiseux, soit, je n’en ai que faire ! déclaré-je en m’élançant dans les escaliers.
Je me penche sur un fauteuil et glisse les clés de la Harley dans la poche du cut du Vieux installé là. Il ricane en tapotant sa poche tandis que je lui dépose un baiser sur la joue.
— T’en fais pas, elle est comme neuve, lui soufflé-je en référence à sa bécane, son bébé.
Je me relève et tombe sur son petit-fils qui semble avoir une dent contre moi pour une raison qui m’échappe.
Quelle mouche l’a piqué, sérieux ? 
Je soupire et sors du chapitre. La porte se referme dans mon dos, mais quelqu’un la rouvre. Je n’ignore pas qui.
— Qui se charge de t’escorter ?
— Toi ? lancé-je ironiquement.
— OK, dit-il en me stupéfiant.
Je me retourne illico.
— Tu déconnes !?
— J’en ai l’air ? réplique-t-il en enfourchant sa bécane.
Abasourdie, je suis statufiée et le fixe en me demandant qu’est-ce qu’il lui prend.
— Tu vas sérieusement m’escorter jusqu’à mon plan cul ?
Ses maxillaires se crispent méchamment et il me fusille du regard à son tour. Néanmoins, il se passe de commentaires et préfère se contenter de placer ses lunettes de soleil qui me cachent aussitôt ses yeux colériques avant de mettre les gaz. D’accord.
Je mets mon moteur en marche et passe devant lui pour rejoindre l’université.
Tandis que je roule, je sens constamment son regard me brûler le dos. Ma peau fourmille étrangement et j’ai l’impression de suffoquer seulement parce qu’il s’agit de lui derrière moi. De son regard sur moi.
Pourquoi l’atmosphère devient-elle si chargée quand il s’agit de lui dans les parages ? Dans mes parages ?
Cela me sidère !
Et puis c’est quoi son putain de problème ?
Un coup je t’observe, un coup j’te parle, puis j’te fuis pour mieux revenir te causer… Et le voilà en plus fulminant de colère. À quoi s’attendait-il ? Moi, un mec qui échange avec ma petite personne en me regardant comme si j’étais subitement devenue une des choses les plus importantes dans son quotidien et qui me zappe totalement l’instant d’après, d’autant plus en portant un intérêt particulier à une autre femme par la suite, je n’en ai que faire. Et cela, aussi beau qu’il peut être.
Parce que beau, il l’est ! Bien plus que cela, mais n’allons pas l’en complimenter davantage.
Son moteur hurle tout à coup et le voilà qui me double en me poussant à m’engager dans une autre rue de type résidentiel. Je le suis en me creusant la tête, mais surtout en paniquant qu’il puisse nous arriver quelque chose. Je passe immédiatement en mode alerte.
Je me hâte de couper mon moteur et l’interroge.
— As-tu eu quelque chose en visu ? Des rivaux ?
Soucieuse, je jette un œil dans la rue derrière nous et que nous venons de quitter précipitamment, tout en posant ma main sur l’arme que je dissimule toujours dans la poche intérieure de mon cut. Seulement il ne bouge pas, préférant me scruter avant d’enfin laisser sa moto qu’il place sur béquille.
Je décide d’en faire autant tout en observant les alentours nerveusement. Toutefois, je suis vite prise de court quand il vient se placer devant moi en envahissant mon espace qui devient instantanément plus étouffant.
— Loner ? l’interrogé-je en fronçant davantage les sourcils.
Il ne me répond toujours pas, et à défaut de le faire, se colle contre moi en ne laissant qu’un minuscule centimètre entre nos deux corps. Il me tient captive de son regard intense fait de volutes de fumée, ancré dans le mien tandis que je me demande encore ce qu’il lui prend.
Il porte ensuite une de ses mains à mon visage en emprisonnant, du bout de ses doigts cailleux, mon menton en s’assurant de maintenir mon entière attention sur lui.
Loner penche sa tête vers moi tout en détaillant mon visage d’un air sévère et à la fois désarmé. Comme enfiévré alors que c’est clairement moi qui suis à deux doigts de fondre tant il me trouble à cet instant et que je me pose littéralement mille et une questions.
Alors que je m’attends à ce qu’il m’embrasse, pratique à laquelle je rêve qu’il s’adonne à cette seconde, car je ne suis dorénavant qu’une petite chose en train de se liquéfier sur place devant ce bellâtre, il ne le fait toujours pas.
À la place, il souffle à travers un léger grognement rageur :
— Ce soir, tu vas l’embrasser, le laisser te faire du bien et tu pourras enfin comparer.
D’autant plus perplexe, je ne peux que l’observer d’une curieuse façon.
— Comparer ? relevé-je totalement confuse. Mais avec qui ?
De quoi et de qui parle-t-il, bon sang ?! Les mecs sont des putains d’énigmes, parfois !
— Avec moi, déclare-t-il gravement en lâchant mon visage pour agripper mon fessier.
À une vitesse étourdissante, si bien que je ne sais pas ce qu’il m’arrive, complètement déroutée par ce qu’il se passe, il me hisse contre le mur dans mon dos. Il me maintient fermement plaquée contre son corps athlétique et le béton avant de fondre furieusement sur mes lèvres.
Stupéfaite par ce revirement que je n’avais vraiment pas envisagé, je me retrouve vite enflammée, totalement transportée et me laisse consumer dans cette étreinte ardente. Réalisant pleinement ce qui est en train de se produire, je me réanime et en tire avantage en m’empressant de placer mes mains dans sa chevelure ébène dans laquelle je perds mes doigts, y fourrageant vivement, plongée dans un état second, avide.
Je lui rends son baiser de manière enfiévrée en lui tirant un grognement auquel je réponds automatiquement par un gémissement. Il s’empare de ma bouche d’une façon tout aussi désespérée en me baisant littéralement de ses lèvres, sa langue et ses dents. Sans compter ses suçotements et mordillements à me rendre complètement folle et capable de faire tourner mes yeux dans leur orbite. Son corps ondule durement contre le mien et frotte furieusement, de façon démentielle, mon petit bouton de chair devenu fusion derrière la matière de mon jeans.
Qui a déjà été embrassé de la sorte ?
Une décision folle de désirer vouloir appartenir à un tel homme prend corps dans mon esprit immédiatement. J’ai tellement envie de lui que c’en est physiquement douloureux. Un frisson me parcourt. Sa bouche, fraîche, est délicieuse et fait de sacrés ravages au gré de ses mouvements entêtants. Les émotions chaotiques qui tourbillonnent en moi deviennent soudain impossibles à contenir.
Ma main toujours plongée dans ses cheveux, je raffermis ma prise pour l’immobiliser afin de sucer sa langue à ma guise. Le gémissement qui franchit ses lèvres est le son le plus érotique que j’aie jamais entendu. Il déclenche une série de spasmes traîtres entre mes cuisses qui ne parvient pas à me choquer par la violence de ce désir qu’il excite.
Pourtant, je peux sentir une certaine crainte me saisir à travers ce brouillard envoutant. Le désir qui me transperce est si aigu que je sais que Loner est sur le point de devenir une drogue, ma source principale de sensations intenses. C’est dangereux. 
Étourdie par la saveur de sa bouche sur ma langue, j’inonde mon sous-vêtement en étant incapable de penser à ma propre survie avec lui aussi près. Je suis en déflagration avancée. Il émane de lui une telle volonté, une puissance presque palpables, que le monde cesse d’exister à l’extérieur de cette bulle intemporelle qu’il vient de créer autour de nous.
Mon corps, mon esprit, tout mon être n’aspire plus qu’à le garder ainsi toute une vie et plus encore. Qu’il puisse susciter une telle sensation, aussi profonde, me donne le vertige. Sa manière autoritaire, totalement dominante, bien à lui, accroît mon excitation. Je me laisse voguer dans les affres qu’il fait naître dans chaque part en moi.
Pour ne rien arranger, il sent terriblement bon. Une odeur qui me suit depuis notre instant à ce maudit braséro suspect. Une odeur qui trouve écho en moi et n’a de cesse de me poursuivre et m’ensorceler les sens.
Le désir qui émane de lui les enflamme tous. J’ai envie de lui. À un point inimaginable. La rigidité de son sexe me confirme qu’il est tout aussi excité que moi. Sa bouche ne cesse de se refermer sur la mienne tantôt avec sauvagerie, une voracité stimulante, tantôt langoureusement me donnant littéralement envie de miauler.
Lorsque sa langue me savoure sensuellement, je soupire de bonheur. Loner embrasse avec assurance et habileté et une pointe d’agressivité qui m’affole comme jamais auparavant. Les battements désordonnés de son cœur contre ma poitrine me prouve que c’est bien réel. Alors j’enregistre chacun de ses sons jusqu’aux mouvements de ses lèvres, de son corps contre le mien.
Je suis douloureusement consciente de chaque centimètre carré de son corps terrible. Mes seins sont douloureusement durs et lourds, mon souffle complètement irrégulier, affolé, mon clitoris palpitant à un rythme frénétique donné par mon cœur. Ses doigts durement enfoncés dans ma chair, j’apprécie déjà les marques qui y seront ancrées. Je deviens un peu plus moite à cette pensée.     
Tout à coup, sans crier gare, il me relâche aussi soudainement qu’il m’a coincée et emportée dans cette étreinte brûlante, me laissant d’autant plus perdue et frissonnante en sentant le vide réapparaître entre nous.
Jamais vécu un truc aussi sauvage et grandiose en seulement quelques secondes et la barrière de fringues. 
Mais qu’est-ce qu’il fout ?! C’est comme être aspiré dans le plus profond et magique des rêves avant d’en être brutalement rejeté.
Quand je rouvre les yeux, il se tient devant moi avec ce regard toujours aussi colérique posé sur ma personne. Seul le fait qu’il soit aussi essoufflé que moi, me prouve que ce qui vient de se produire s’est bel et bien passé et ne tient en rien d’un songe. 
Il pointe un doigt vers moi et déclare avec fureur :
— Maintenant tu peux comparer. Et ce soir, quand tu rentreras, tu sauras que rien ni personne ne peut être meilleur que moi pour toi.
Sur ces dernières paroles, il fait volteface et enfourche sa bécane qu’il démarre à la hâte avant de foutre le camp dans un tourbillon tempétueux d’obscurité en me laissant totalement troublée. Complètement hallucinée.
Je le regarde quitter la rue et adresser un signe sur sa gauche, puis s’enfuir à droite en accélérant au point de refaire hurler son moteur. Un prospect apparaît là où il vient de disparaître, m’informant qu’il avait pris la précaution de me placer sous sécurité en ayant prémédité ce qu’il allait faire, me montrer ou tenter de me prouver.
La seule chose que je suis capable de saisir à cet instant, c’est que je suis mouillée comme la dernière des traînées avec une bouche gonflée et meurtrie sous ses assauts qui m’ont irrémédiablement retournée. Mais aussi que je suis dans l’incapacité de penser à autre chose qu’à lui contre moi, littéralement envoûtée par son odeur.
Quel rustre ! Cet homme va me rendre folle…

Shadow Riders #Bewitching biker's girl & #In Turmoil Où les histoires vivent. Découvrez maintenant