20. TINA

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Tina

Mon père me tire à ses côtés en me plaçant entre Ranger et lui.
De son air toujours aussi bourru, il m’ordonne :
— Regarde ces hommes se battre pour toi.
Interdite, je le fixe de mes yeux agrandis.
— Papa…
Il me coupe sévèrement.
— Je me fous de savoir si tu l’as cherché ou non. Ces deux hommes sont prêts à se tuer pour ma fille. Je le sais de source sûre, ajoute-t-il sombrement.
C’est à ce moment-là que je percute. Je réalise les stigmates qu’affiche Loner sur son corps avant même d’avoir entamé son combat contre Ghost. Mon sang se glace quand je m’aperçois de sa lèvre fendue en deux.
— Je n’ai jamais rien demandé de cela, déclaré-je catastrophée.
— Et vois là où nous en sommes, me rétorque-t-il sans pitié.
Je suis sidérée qu’il me foute ça sur le dos. Honnêtement, je le prends mal parce que le club c’est ma vie. J’en connais toutes les règles et codes. Je ne connais que ça, à vrai dire. J’ai toujours tout fait, tout donné, pour être certaine qu’il file droit. En aucun cas, je l’aurais mis sens dessus dessous. Je suis bien trop précautionneuse concernant les lois du club.
Énervée en me sentant accusée, je riposte dorénavant en colère :
— T’es injuste ! Tu crois que c’est de ma faute si j’ai un foutu con accompagné d’une paire de miches et d’un cul ?! 
Une lueur fugace adoucit son regard.
— Je ne suis pas en train de te dire qu’il s’agit de toi, de ta faute. Je suis seulement en colère parce que je réalise que ma fille est une femme et que je n’arrive toujours pas à me l’admettre. Voir ces couillons prêts à se dégommer pour toi, me pousse à vouloir les tuer tous, me confie-t-il en tendant son poing crispé entre nous.
Un poing meurtri que j’imagine sans mal s’être abattu sur Loner quelques instants plus tôt.
— Mais je veux également te voir vivre toutes les étapes qu’une bonne fille doit devoir passer. Je veux te voir te faire passer la bague au doigt, porter des enfants et être heureuse. Je ne demande rien de plus. Je veux te voir aimée, chérie et tellement comblée de bonheur que ton seul sourire illuminera tout sur son passage jusqu’aux cieux.
Je suis attendrie. Voilà qui est mon père. Le rustre m’ayant élevée comme dans un régiment agissant avec moi comme si j’étais un mec et un homme au grand cœur ne le dévoilant qu’à moi et en de rares instants. Mais ces derniers sont si forts qu’ils équivalent facilement les petits câlins de tous les jours auxquels s’adonnent les autres parents. Ces précieuses occasions qu’il m’offre sont si puissantes qu’elles battent tout sur leur passage. Elles sont exceptionnelles. Et je suis la digne fille de cet homme exceptionnel.  
— Papa…
— C’est bon, tu le sais, grommelle-t-il.
Il reprend son masque froid habituel.
— Je ne le répéterai pas.
Je souris toujours aussi émue en ayant beaucoup de mal à le cacher.
— Quoi que tu choisisses, je te soutiendrai, poursuit-il. Tu as mon accord concernant ces deux guignols. Si tu n’en veux aucun, je n’en ai que faire. Mais les prétendants suivants auront droit au même traitement de faveur. Sois-en certaine.
Son expression on ne peut plus sérieuse me fait hocher la tête.
— J’en suis consciente, dis-je dans un sourire, touchée. Et je ne te la ferai pas à l’envers. Le jour où je saurai ce que je veux, tu en seras le premier informé.
Il acquiesce d’un signe de tête et se concentre pleinement sur le combat. Quant à moi, je m’accroche comme je peux pour assister à ce déballage de testostérone. Je n’apprécie pas, mais je me conduis comme on me le dicte depuis l’enfance sans faire baisser la tête de mon père. Il a une réputation à tenir. Je ne serai très certainement pas celle qui l’entachera.
Mais ce n’est pas pour autant que je vais choisir l’un de ces zigotos. Ils ne m’ont même pas approchée dans le seul but de me prévenir. Je me sens trahie par Ghost. Mais Loner a été on ne peut plus clair, je l’ai seulement snobé parce que je n’ai pas apprécié son coup à la Néandertalien.
Pourtant, mon cœur bat sur une autre mesure quand il s’agit de lui, mais il faudrait d’abord que je le connaisse davantage pour savoir si cela est dû uniquement à de l’attirance physique ou à lui tout entier.
Ghost, je le connais comme personne. Et je reste confuse quant à lui. Je ne sais pas quoi en penser. Je suis perdue.
Les coups pleuvent et je grimace à chacun d’entre eux. Ils s’y connaissent autant l’un que l’autre en matière de combat, même si Loner semble être un combattant né. Ces deux-là sont battis du même bois. L’un a connu l’atrocité dans des familles d’accueil horribles et la rue, quand l’autre est parti faire la guerre.
Leurs regards sont haineux, animés par la soif de victoire. Moi, en l’occurrence. Et je m’en sens d’autant plus mal. Loin de moi vouloir faire ma chochotte. Je ne l’ai d’ailleurs jamais été. Mais assister à des tas de combats et vivre celui de deux hommes qui me veulent si fort, a de fortes répercussions en moi parce que c’est autre chose et ne tient pas d’un combat quelconque cette fois.
Je ne parviens pas à m’en énorgueillir comme le ferait sans doute plus d’une nana. Non, moi cela me met dans une position que je déteste autant que cela me gêne profondément. Comme une sorte d’écœurement.
Je me force à regarder ces hommes, des frères de club, aux yeux similaires. Pas littéralement, parce que ceux de Ghost diffèrent à cause de leur noirceur extrême et son œil abîmé, mais parce qu’ils les ont tous les deux hantés. Leurs yeux sont hantés par des cauchemars qu’ils ont réellement vécus.
Ils sont tellement semblables…
Leur torse et leur dos brillent de sueur. Les deux bruns se cognent durement. Comme si leur vie en dépendait. Ils n’arrêteront pas. Abandonner ne faisant pas partie de leurs principes.
La foule est en délire, totalement électrisée par le spectacle qu’ils offrent. 
Les hommes grognent et ne respectent plus les coups de siffler de l’arbitre ni ses interventions. Ils se foutent sur la gueule comme les deux gros enfoirés qu’ils sont en se blessant méchamment et personne n’intervient. Ça devient du grand n’importe quoi !
— Assez ! m’écrié-je soudainement.
Je ne peux pas en supporter davantage. Mais rien n’y fait.
Mon père pose son regard sur moi. Il semble étonné.
— Tu ne choisis pas ? m’interroge-t-il.
Il me prévient ensuite :
— Si l’un deux t’intéresse, c’est le moment ou jamais, Tina.
Je ferme les yeux et grimace en entendant les coups pleuvoir sans fin en provenance du ring.
— Impossible. Je tiens aux deux, soufflé-je dans un aveu qui me déroute autant qu’à lui.
Dégoûtée d’avoir lâché cette info qui me surprend autant que mon père, je détourne le regard tandis qu’il saisit l’état de confusion dans lequel je me trouve. Il comprend que mon cœur balance entre les deux, que j’ai besoin de temps, que je suis perdue simplement.
Il lève un bras en l’air et plusieurs de ses frères envahissent le ring pour séparer les deux hommes pas prêts d’en finir.
J’en ai assez, je ne regarde pas un seul d’eux. Je ne veux pas voir dans l’état qu’il se sont mis pour moi. J’ai beau connaître les règles de notre monde, je viens d’en comprendre toute leur ampleur maintenant que cela me touche de plein fouet. Si ces épreuves me semblaient normales, ce n’est plus le cas maintenant que cela concerne les deux hommes auxquels mon cœur tient.
Je me noie dans la foule en ignorant Kim qui ne cesse de m’appeler. J’entends vaguement Warrior lui dire de me laisser tranquille un moment. Brawler, fidèle aux instructions qu’on lui a ordonné, m’aide à me faire un passage à travers le monde surexcité par le combat.
J’ignore le discours du speakeur qui n’en revient toujours pas du combat clamant haut et fort combien les Shadow Riders sont les rois des combattants. J’ai envie de vomir.
Plus loin, l’air frais me fait un bien fou. Je traverse le parking et parviens devant un espace en terre battue où des jeunes s’amusent à reproduire des figures de stunt encore enthousiasmés du show présenté plus tôt en fin d’après-midi.
Je demande une clope au prospect qui me tend son paquet joint d’un briquet et trouve la place idéale sur le plateau arrière d’un pick-up garé à l’écart des festivités.
Brawler me laisse de l’espace. Il saisit parfaitement mon humeur comme mon besoin vital de me retrouver seule. Je prends plaisir à humer le relent particulier que dégage les pneus en train de chauffer sur le bitume.
J’observe ces jeunes fous du guidon et de la vitesse essayer encore et encore de réaliser la figure parfaite. Ils s’encouragent, rient et se chambre. Cela me fait penser à Ghost et moi, chez nous, dans notre MC. C’est lui qui m’a appris toutes les figures que je connais et emploie en matière de stunt.
Je nous revois sur le parking arrière du club ou sur ceux à l’écart de notre ville San Diego, en train d’user des tas de pneus et cabosser de la carrosserie dans des apprentissages sans fin, mais où cela tenait de passe-temps récréatifs.
Je lui en veux de ne pas avoir été sincère avec moi. Je méconnaissais tout des sentiments qu’il avait été amené à ressentir pour moi au point d’en informer mon père dans mon dos en me laissant dans l’ignorance la plus totale.
Mon père, loyal envers tous ses frères, a bien gardé le secret. Toutefois, il a dû accepter Ghost à un moment donné parce qu’il n’a jamais bronché quand ce dernier s’est mis à me prendre par le bras ou me déposer un baiser sur le visage en guise de bonjour ou de bonne nuit.
S’imaginait-il qu’à force de traîner avec Ghost, j’avais ou allais également développer des sentiments pour lui ?
Sûrement. Ce qui explique son air stupéfait quelques minutes plus tôt quand je me suis trouvée dans l’incapacité de choisir son sergent d’armes.
Et Loner ?
Je grogne intérieurement. Ce bougre a pris une raclée avant même de monter dans l’arène de combat. S’est-il réellement affirmé aussi auprès de mon père ? Bien sûr qu’il l’a fait.
Qu’est-ce qu’il lui a pris, bon sang ?!
C’est si rapide le concernant. On se connaît à peine !
Mais c’est le premier homme qui ne te laisse pas indifférente, me souffle ma conscience.
C’est vrai. Mais cela n’empêche pas que je ne cautionne pas ses agissements comme ceux de Ghost et de mon père, bien que ce dernier a seulement agi en tant que père président de MC. Ainsi en va l’une de nos lois concernant la progéniture d’un biker.
« Les membres de la famille tu affronteras,
Se la boucler et encaisser, tu feras,
Pour ta régulière, te soumettre tu devras. »
Et ces deux cons l’ont fait ! Pour moi. Ils ont retrouvé mon père et m’ont réclamée. Pour ma part, ce n’était pas censé se dérouler de la sorte. J’aurais dû me sentir assez à l’aise avec un homme que j’aurais choisi et l’aurais fréquenté un temps en toute discrétion avant d’être certaine de notre relation et surtout de ce que j’aurais voulu. Seulement à la suite de cela, j’en aurais touché un mot à mon père tandis que mon élu aurait porté ses couilles et serait allé retrouver mon père pour me réclamer en bonne et due forme et se prendre une raclée pour avoir osé me désirer. Ensuite tout aurait roulé.
Jamais je n’aurais imaginé le cas de figure venant de se produire. J’en suis toute retournée. Mais je ne peux ignorer l’attirance qui est née au plus profond de mon être.
Je recrache la fumée en un long et fin filet quand des pas approchent de ma position. Un « C’est bon ! » lancé à l’attention de Brawler m’apprend de qui il s’agit.
L’homme apparaît à mes côtés et s’installe lourdement sur le plateau du pick-up en frôlant ma cuisse de la sienne.
Je ne détourne pas mon regard des motos en action devant moi tandis que je sens le sien rivé sur moi après qu’il ait remis son t-shirt. Le silence entre nous s’étire au fil des minutes qui passent.
Putain de taiseux !
À bout de patience et les nerfs à fleur de peau, je jette mon mégot et lance dans un reproche :
— Qu’est-ce qu’il t’a pris ?
— Je ne t’ai rien caché, Tina, me répond-il simplement de sa voix suave qui me file des frissons.
C’est vrai, il m’a montré qu’il me voulait, mais j’ai pris cela pour une envie de baiser l’intouchable, peut-être. Enfin, tout mais pas de là à me vouloir à ce point.
— Tu ne me connais pas assez, comme je ne te connais pas assez, Loner. Alors c’est quoi ? Tu te rabats sur moi pour arriver à tes fins de monter davantage en grade grâce à ce que t’offrirait ta position au sein de ma famille si jamais je décide de me mettre en couple avec toi ?
Je tourne la tête vers lui en le mitraillant du regard quand je m’interromps tout aussi vite de le faire. J’ai du mal à le regarder tant son visage est meurtri. Les avoir vus se battre comme des acharnés dans l’arène de combat ressemblait beaucoup trop au combat entre Connor Mc Gregor et Nate Diaz.
Il y avait du sang à profusion noyant leur visage et j’ai craqué parce que si j’avais choisi l’un d’eux rapidement cela aurait mis fin au carnage en cours. Sauf que je ne pouvais pas me décider. Et voilà le résultat.
Loner me fait face avec des poings américains posés sur une de ses arcades sourcilières tandis que sa lèvre inférieure déjà blessée est davantage fendue en deux, le haut de ses pommettes est tuméfié et gonflé tandis que de fines coupures sont présentes sur son nez, son front et sa mâchoire. Ses poings sont contusionnés si bien qu’ils seront très vite recouverts d’une croûte de sang séché. Je n’ose imaginer l’état de son corps. Et celui dans lequel se trouve Ghost également.
Ces mecs sont cinglés ! Carrément !
Je pince la bouche, chagrinée de le voir comme ça, et détourne le regard.
— Quoi ? Je te fais peine ? Tu ne continues pas à m’accuser d’idioties ? me retourne-t-il toujours de cette voix, de ce ton qui se répercutent en moi si incroyablement en me remuant au plus profond de mon âme.
Je ne lui réponds pas. Pour la première fois, je me sens submergée. J’ai envie de pleurer et de hurler en même temps, alors je préfère me taire, sauf qu’il ne me laisse pas faire.
— Tu vas m’ignorer longtemps ?
Je renifle, agacée.
— Ton pote va bien, tente-t-il de me rassurer.
Je le fusille du regard à nouveau.
— Il a assez souffert et porte assez de stigmates pour lui en causer d’autres !
— Hé, c’était son idée, me souffle-t-il avec précaution, et je te rappelle que c’est notre mode de vie. Quand deux frères sont en …
— Désaccords, je sais ! Vous semblez tous oublier où j’ai grandi.
Il ne dit rien et continue de me fixer en tentant de décrypter mes pensées.
— Arrête ça, dit-je irritée.
— Arrêter quoi ? me retourne-t-il intrigué.
— De me scruter comme tu le fais toujours.
— Impossible dans ce cas, déclare-t-il sans se débiner.
Cela a le mérite de capter mon attention. Il secoue la tête et pose son cuir qu’il tenait entre ses mains sur le plateau.
— Ne fais pas l’innocente, tu sais formellement ce qu’il en est. Je ne te l’ai pas caché.
Je soupire en entrouvrant la bouche tout en passant la langue sur mes dents dans une moue dubitative.
— Quoi ? m’interroge-t-il.
— On ne partage pas les mêmes souvenirs toi et moi, lui livré-je.
— Explique-moi dans ce cas, me demande-t-il.
— Tu… Tu es totalement contradictoire ! m’exclamé-je en écartant les bras.
— Comment ça ?
— Tu te fous de moi ! l’accusé-je.
— Je t’assure que non, me répond-il le plus sérieusement du monde.
— OK, soufflé-je en arquant les sourcils avant de me lancer. J’ai passé une merveilleuse soirée à discuter avec toi chez toi. Je pensais que c’était réciproque jusqu’à ce que tu me traites comme si je n’étais qu’une merde accrochée à tes pompes avant de te tirer et de te farcir une brebis. Ensuite tu me la joues à la Tarzan dans une ruelle pour ensuite fuir. Comment veux-tu être clair et surtout compris ? La seule chose que tu m’as fait miroiter c’est ton indécision ou plutôt la multitude d’éclat que contient ta girouette parce que c’est comme cela que tu as agi.
Il m’observe sans rien dire, mais où je devine son cerveau actif cogiter. Je détourne le regard que je repose devant nous. Les minutes s’égrènent et le silence persiste, pourtant je ne m’en sens nullement mal à l’aise. Je me trouve toujours bien en sa présence. Apaisée.
Soudain, il me surprend en posant sa main sur la mienne et entrecroise nos doigts en captant mon attention tandis que je réalise qu’il fixe désormais l’horizon devant lui sans réellement la voir.
— Je suis désolé, me souffle-t-il seulement avant d’ôter sa main et de descendre du pick-up en récupérant son cuir et me laissant seule et d’autant plus confuse.
Le dernier regard qu’il vient de me lancer semblait tourmenté. Je ne sais pas ce qu’il se passe dans sa tête. Quelles sont ses pensées et où elles le mènent ? Loner est égal à lui-même, taiseux au possible en en disant un minimum. Pas assez pour m’aiguiller.
Je soupire parce qu’avec un tel homme, il faut toujours tout deviner. Mais cela ne me dérange pas. Pas quand ça le concerne lui, en tout cas.
Je me laisse tomber à la renverse sur le plateau et pioche une nouvelle clope dans le paquet de Brawler. L’air saturé de la gomme des pneus cramée, de la fumée de plusieurs feux allumés dans des tonneaux de fer présents un peu partout et des grillades m’enveloppe pendant que je me perds dans la contemplation du ciel étoilé ainsi que dans mes pensées.
De nouveaux pas viennent dans ma direction et je suis rassurée en voyant Brawler jeter un œil par-dessus le hayon du plateau pour s’assurer de ma présence. Il pince la bouche en me retrouvant toujours aussi perturbée.
Il se passe bien de discuter avec moi et m’informe seulement de l’arrivée de ma meilleure amie.
Quelques secondes plus tard, elle fait son apparition les mains posées sur les hanches.
— Voyez-vous ça ! Tina Thompson nous fait du boudin.
Je grogne déjà fatiguée d’elle.
— Je ne boude pas, râlé-je.
Elle soupire, mécontente de ma réaction, et m’explique la suite des événements après mon départ.
— Les frères s’interrogeaient alors ton père et le mien leur ont seulement servi qu’il ne s’agissait là que d’un désaccord entre les deux hommes qu’ils ont eu raison de régler immédiatement. Ils n’ont pas moufté sur le fait qu’il s’agissait en réalité d’un combat de coqs vu qu’ils partagent leur attirance pour toi.
Elle me jette ensuite un regard entendu.
Je soupire en levant les yeux au ciel.
— Oui, tu avais raison, avoué-je. Ghost en pince bien pour moi.
— Et ? m’interroge-t-elle.
Je secoue la tête et souffle :
— Je sais pas, Kim. C’est si soudain. Pour moi ! ajouté-je rapidement quand elle entrouvre la bouche pour me contrer. Enfin c’est vrai, regarde-moi.
Elle fronce les sourcils l’air totalement dépassé.
— C’est ce que je fais, mais j’ignore où tu veux en venir précisément, réplique-t-elle.
— Je n’ai rien d’une femme… Féminine.
— Attends, tu veux dire que parce que tu es chaussée de rangers en cuir noir, de jeans hyper moulants et la plupart du temps déchirés, surmontés de débardeurs ou t-shirt tout aussi serrés fait de toi une pouilleuse ?! T’es sexy à mort, chérie !
— Je n’ai pas dit ça, je sais bien qu’ils aiment les femmes vêtues de cuir et de jean, mais je suis tout l’inverse des brebis qu’ils se tapent. Et oui, je sais que les femmes qu’ils choisissent de faire des régulières sont principalement vêtus de la même manière que la mienne, mais je suis on ne peut plus masculine.
Elle jette les bras en l’air.
— T’aimes la bite ! me rétorque-t-elle.
— Oui.
— Et pas qu’un peu, renchérit-elle.
— C’est vrai, confirmé-je. Mais je n’aime que le sport, la mécanique, le stunt et tout ce qui touche au bécane et rider à en avoir les bras tremblotants.
Je secoue la tête, dépitée.
— Être coquette…
— Tu sais faire aussi quand tu le veux ! me coupe-t-elle. Et crois-moi tu n’en as vraiment pas besoin. Tu sais parfaitement le canon sur pattes que tu es, Tina. Sérieusement, je ne vois pas où tu veux en venir.
Elle s’agace en ne saisissant pas ce que je tente de lui expliquer.
— Que je n’ai jamais rien fait pour plaire à qui que ce soit ! Alors, explique-moi comment Ghost a pu crusher sur moi ! Mais surtout pourquoi il me l’a caché.
Elle saisit enfin où je veux en venir et son regard s’éclaire.
— Justement pour ça, Tina, me dit-elle calmement. Mais enfin regarde un peu comme tu réagis. Il avait bien cerné la nature de tes sentiments pour lui. Il savait que tu tenais à lui au même titre qu’à ton frère Kyle. Je pense qu’il a gardé ses distances, enfin, autant que cela lui était possible, seulement parce que tu ne lui as, à l’inverse de lui, jamais montré le moindre signe qu’il pouvait t’intéresser un tant soit peu autrement qu’en très bon ami. Mais il gardait espoir d’en voir naître au fil du temps, je pense.
— Pourquoi maintenant, insisté-je. Pourquoi le dévoiler aujourd’hui ?
Elle se frappe le front tant je la sidère.
— T’es vraiment une quiche, ma pétasse. Mais parce qu’il vient de comprendre qu’il n’était pas le seul dans l’équation ! Il a appris que Loner était également dans la course, même depuis peu. Ça l’a suffisamment inquiété pour entreprendre ce qu’il a fait. Il t’a poussée à choisir en pensant qu’il avait toutes ses chances vu que vous vous connaissez depuis des années alors qu’avec Loner depuis seulement quelques jours. S’apercevoir que ces malheureux petits jours puissent autant peser dans la balance lui a tout appris.
— Comment ça ?
— Tina, soupire-t-elle. À l’évidence, tu as Loner dans la peau.
— Ça se voit tant que ça ? m’étonné-je.   
Elle ne répond pas. Seul son regard parle pour elle et il est éloquent. Je garde le silence et ferme les yeux. Elle a raison, mais ce n’est pas pour autant que j’y vois plus clair. Il ne faut pas confondre une importante attirance avec des sentiments.
J’en sais trop peu sur Loner pour me faire vraiment une idée de ce que je veux réellement, tout comme je suis presque sûre de ne jamais développer de sentiments amoureux pour Ghost.
Enfin, je ne sais plus… Tout ceci est nouveau. Je pense qu’il me faut un peu de temps pour encaisser. 
Kim me laisse à mes pensées avant de très vite laisser son excitation prendre les rênes. Elle est ravie du combat qu’ils ont offert. Elle me désespère parfois. Surtout quand elle se marre en voyant la tronche de six pieds de long que je tire toujours après qu’elle m’ait retrouvée.
J’ai presque envie de la faire chier avec sa belle-mère, mais je m’en abstiens. Loin de moi l’idée de mettre le feu aux poudres. Une fois a suffi tandis qu’elle s’est débrouillée seule pour cela.
En repensant à Bonnie, je me demande si Ranger l’a sciemment laissée au club parce qu’il m’a confiée qu’elle souhaitait apporter son aide dans l’affaire concernant des rivaux. Est-ce à cela qu’elle s’attèle tandis que nous sommes tous absents ?
Cela m’étonne de Ranger qui devrait agir autrement s’il tient autant à elle en la faisant suivre avec lui dans ce genre de festivités, par exemple. Ne pas l’avoir fait, me laisse à penser qu’il a un plan et que Bonnie en fait obligatoirement partie. Bien sûr, quelques frères, comme Rambo, Tweak et d’autres, sont restés à Bozeman, mais, comme dans tous nos clubs, ils sont en sous-effectif.
Et là, je percute !
Au grand jamais tout le monde aurait rejoint Sturgis dans la période critique où nous nous retrouvons à cause de ces gars que j’ai découverts s’ils n’avaient pas établi un plan au préalable. Puis, ça fait tilt ! Non loin de nos stands se trouve le stand d’un groupe de bikers racistes : les 3K. Ils sont connus à travers le pays. Pas aussi étendus que nous, mais pas mal présents et sans arrêt en mouvement.
J’ignore pourquoi, mais je sais que les gars dans le bar miteux proche de Gallup sont ces mecs. Leurs paroles sacrément crado, ignobles au possible avec une haine raciale incompréhensible, c’est forcément eux. Et ils se trouvent ici-même. Ajoutons à cela les mecs de nos chapitres qui deviennent de plus en plus paranoïaques et… Bon sang, j’y suis ! Nos rivaux sont les 3K !
Mais qu’est-ce que Bonnie a à voir avec ça ?
Je passe les minutes suivantes à descendre un peu plus le paquet de clopes de Brawler en cogitant autant sur ce que les Shadow Riders préparent que sur cette soirée qui me laisse encore estomaquée et agacée par ces deux hommes qui en sont venus jusqu’à jouer des poings pour moi.

Shadow Riders #Bewitching biker's girl & #In Turmoil Où les histoires vivent. Découvrez maintenant