Loner
Dans l’obscurité du parking, j’observe Tina tenir les cheveux de Kim dans une poigne tandis que la blonde capricieuse dégobille dans des jets monstrueux. Adossé, plus tôt, contre un pilier derrière le comptoir du bar du clubhouse, j’ai pu entendre la fille de mon président geindre, entrecoupée de hoquets :
— Je croyais qu’il baisait toutes les chattes du club de strip’… Et maintenant, il veut me balancer une belle-mère à la gueule !
Tina était restée silencieuse durant son élucubration tout en lui caressant le dos dans un geste de sollicitude bienvenu pour la Kim bourrée. Moi, en l’écoutant, je m’étais demandé si elle était vraiment sérieuse. Ainsi, la pire chose qui peut arriver sur Terre, dans sa tête de fille pourrie gâtée, se présente sous la forme d’une nouvelle femme dans la vie de notre président. C’est d’un ridicule.
Bien qu’on me l’envoie trop souvent à la gueule, heureusement qu’à cet instant et sur le fait de l’avoir écoutée, je suis un putain de taiseux, comme ils se plaisent à dire. À contrario, j’aurais pris un malin plaisir de donner mon point de vue sur la chose à cette gamine. Je lui aurais expliquée ma vision de l’enfer, la pire chose qu’aucun être humain a besoin de voir ou vivre sur Terre. À mon humble avis, Kim a cruellement besoin d’une bonne dose de réalisme, et de toute urgence.
Après avoir passé le reste de la soirée à être mitraillé du regard de la meuf venue traîner ici, et que je me suis tapée, j’ai trouvé l’extérieur plus approprié pour prendre un peu l’air et retrouver également ma meilleure amie la solitude. Les gens croient parfois que nous traînons obligatoirement un passé lugubre pour quémander autant de paix, mais non, c’est juste un besoin comme un autre sauf que celui-ci est franchement précieux.
En regardant Tina de ma position, je suis envahi de regrets. Pour la première fois depuis bien trop longtemps, j’ai apprécié passé un moment avec une femme sans pour autant en tirer un échange sexuel. J’ai adoré passer du temps avec elle. Discuter et l’écouter. Surtout l’écouter.
Lorsqu’elle déblatère, son regard s’évade comme s’il revenait à une période de sa vie qu’elle seule connaît. Il paraît intemporel durant ces laps de temps, en totale évasion, avec la capacité de nous inviter au voyage par la même occasion.
Je l’ai à peine découverte qu’elle m’a littéralement subjugué. Je me retrouve désormais à vouloir en savoir un maximum sur elle. À vouloir l’entendre me parler pendant des heures avec ce même regard absorbé, en totale immersion. Elle vit ce qu’elle raconte et par-là, ne rencontre pas de mal à nous emporter dans ses récits.
Son rire est une merveille à laquelle on ne peut échapper. Il est communicatif et provoque un bien fou grâce à l’once de plaisir qu’il nous procure. Son sens de l’humour n’est pas poussé, détenant la dose parfaite pour ne pas en faire trop ou, au contraire, faire un bide. Son esprit est vif. Elle est intelligente, réfléchie, et à la fois malicieuse, presque gamine dans sa façon de taquiner. C’est plaisant. D’autant plus que j’ai également pu relever une certaine sensibilité. Ça m’a percuté. Une sorte d’évidence touchant quelque chose de tendre en moi.
J’ai dû remettre en place une barrière la maintenant à l’écart de ma vie. Il est trop facile de tomber en totale admiration pour elle. Trop facile de l’apprécier et vouloir faire partie de son cercle d’amitié bien défini. Faire partie de plus.
À peine revenu de chez moi, j’ai dû me secouer puissamment pour ne pas faiblir à la tentation qu’elle représente.
Je m’étais mis un point d’honneur à la garder à distance, mais le hasard a fait que je la prenne dans mon dos, sur ma putain de bécane, puis, comme si cela ne suffisait pas, la mener jusque dans mon antre.
Comment allais-je m’en tirer après autant de sa présence en ma compagnie ?
Comme un sacré connard, me rappelle ma conscience.
Ouais, pour me dépêtrer de ce foutoir, j’ai dû avoir recours au visage que j’offre à toutes les femmes, sauf que devant elle c’était forcé alors qu’avec les autres c’est naturel, pas étudié du tout.
Je ne suis pas quelqu’un pour elle, même pas pour un court instant. Et la voir enfourcher ma bécane en prenant la place que doit prendre une régulière dans mon dos, marcher sur ma propriété en la découvrant avec curiosité et un vif intérêt, s’intéresser également à moi, à mon métier, ma vie… Tout ça a fait qu’elle m’a beaucoup trop plu au point de me chambouler beaucoup trop.
Cela fait beaucoup de « beaucoup trop », mais Tina a ce pouvoir fabuleux de me faire ressentir un tas de choses auxquelles j’avais pensé n’avoir jamais envie ou besoin. Elle vient de remettre en cause ma façon de voir la vie, ma vie, mon quotidien comme je l’avais toujours envisagé. Avec elle dans le coin, j’ai tout à coup nourri autre chose, et putain cela me fait autant flipper que beaucoup trop envie.
Je ne voulais pas d’une femme, et me voilà à l’espérer de toute mon âme. À la vouloir elle et pas une autre.
Où est donc passé mon sens moral ?
Mes principes ?
C’est le bordel. Un gros putain de bordel.
Elle est apparue sans crier gare et me voilà plongé en plein désarroi.
Et, pour couronner le tout, elle est sportive, douée de surcroît, et aime relever des défis. Je n’additionne pas à cela que nous partageons les mêmes goûts en terme de bécanes, comme de l’ivresse de rouler pendant des heures en voyant du paysage et l’appréciant comme s’il s’agissait de l’instant le plus précieux nous ayant été donné de vivre. Car elle n’a pas une seule fois relevé le fait que nous aurions pu nous rendre au lac Glen du parc Rotary de notre ville, ou celui d’Ennis à une heure de là. Non, elle adore autant que nous rider.
Quel merdier ! Et en plus, elle est belle comme personne ne saurait l’être.
Voilà où j’en suis : perdu.
Elle parvient à tirer tant bien que mal une Kim au plus mal jusqu’à l’entrée quand un prospect lui vient en aide en soutenant le zombi imprégné de vomi pendant qu’elle ouvre la porte. Une fois hors de ma vue, un vide s’installe à nouveau en moi.
Je grogne.
— Fait chier…
Des pas dans le gravier attirent mon attention.
— Qu’est-ce que tu marmonnes tout seul dans ton coin ? m’adresse Ranger.
Il vient jusqu’à moi et s’adosse à mes côtés contre un des murs extérieurs du chapitre. Je ne lui donne pas de réponse, c’est pas comme s’il pouvait en récolter comme il le souhaite me concernant.
J’indique seulement d’un signe de tête l’endroit dégueulassé par sa mioche.
— Ta fille vient de laisser ses tripes juste là. Intéressant sa façon de prendre ta super nouvelle, lâché-je en buvant une gorgée de ma bière.
Il renifle, las, avant de se passer une main sur le visage.
— Elle s’y fera, assure-t-il.
Pas sûr, pensé-je.
— Sinon, fait plus important, m’annonce-t-il. Les frères en filature m’ont assuré revenir, car figure-toi que les 3K seront de la partie durant la bike week.
Ma tête pivote brusquement vers lui.
— Tu rigoles ?
Mais je vois bien, comme je le sais formellement, que nulle plaisanterie n’a sa place dans ce genre d’aveu.
Il pince les lèvres en fixant l’obscurité régnant au fond de la cours non éclairée.
— Qu’est-ce que cela veut dire à ton avis ? l’interrogé-je.
— Qu’ils passent à l’attaque en suivant scrupuleusement le plan qu’ils s’étaient fixés. Ils se sont montrés très patients, commençant par le commencement.
Il se lance ensuite dans une explication détaillée.
— D’abord, ils se sont fait un nom, connu dans tout le pays, en exposant très clairement leur position en criant haut et fort leur idéalisme. Peu à peu ont émergés, de-ci de-là, des clans du même type. Ces derniers sont ralliés à leur cause. Ensuite, ils ont visé tout genre de trafics susceptibles de leur ramener un max de pognon pour élever des fonds, sûrement dans un but politique. Ceci dit, pour y parvenir, ils ont dû étudier sur le terrain en repérant les potentiels rivaux déjà installés les contrant pour leurs futures affaires. Nous, entre autre.
Je termine ma bière avec un goût amer dans la bouche.
— Je vois, grogné-je.
— Ils ont chopé l’idée de passer de clan à motorcycle club afin de pouvoir circuler dans le pays sans éveiller le moindre soupçon. Ils ont amassé, par la suite, un maximum de personnes au détour de rencontres dans le milieu deux roues nourrissant les mêmes attentes qu’eux et les ont enrôlés dans leurs différents groupes. Il est clair qu’étant les plus gros poissons dans le milieu motard, ils nous visent afin de prendre le contrôle de nos territoires en détenant enfin assez de pouvoir pour poursuivre leur objectif d’un pays entièrement blanc sans une once de couleurs.
— Ces mecs sont des putains d’extrémistes de merde, enragé-je.
Il hoche la tête en posant son regard sur moi.
— Ce sont des aliénés. Nous ne les laisserons pas faire. Ils visent trop gros. Mais à bien s’y préparer une guerre peut très bien être remportée. Nous savons désormais que cela fait des années qu’ils agissent dans l’ombre en attendant d’être prêts. Les enlèvements ont débuté et cela indique la mise en marche de leur plan. Ils nous déstabilisent en nous forçant à chercher un peu partout sans rien trouver, en détournant notre attention pour mieux frapper le moment venu. Seulement, nous sommes au courant et fin prêts à parer chaque coup qu’ils oseront donner. La chose à laquelle ils n’ont pas pensé, c’est que les premiers à frapper durement ne seront clairement pas eux. Et à ça, ils n’y sont pas préparés. Hothead et moi en avons longuement discuté plus tôt. J’ai dû le mettre au courant.
— Logique.
— Maintenant que nous savons que leur but ne s’arrête pas aux États Nords, je me devais de l’en informer.
J’opine du chef.
— Donc ils ont choisi de mettre en marche leur plan à la con en commençant par frapper le nord, lancé-je.
— Dumbo m’a appris que leurs groupes sont le plus concentrés juste après la frontière. Il a fait un travail de recherche remarquable. Ils partent donc du haut pour venir s’implanter petit à petit jusqu’en bas rejoindre leurs frères de Jena et d’autres alliances de différentes petites bourgades également relevé par Freegun.
J’ai du mal à croire que des gars sont assez chevronnés pour tenter de nous soulever. Les Shadow Riders ont le monopole et imaginer tous ces petits groupes oser agir en s’attaquant à la plus grosse fourmilière me sidère. Cela me paraît même grotesque.
— C’est tout de même étrange, exposé-je. Enfin, je veux dire que cela manque de jugeote de leur part. Ils ne sont pas cons au point d’ignorer notre nombre. Tout comme je les imagine mal détenir la même quantité dans leurs rangs. Cela me mène à penser à quelque chose. Quelque chose qui nous dépasse. En y réfléchissant, cela me paraît même certain.
Il se tourne en me faisant face.
— À quoi penses-tu ?
— Tu as dit qu’ils agissaient ainsi sûrement dans un but politique. Donc, crois-tu qu’ils sont soutenus, genre : politiquement ? Penser qu’ils ont sûrement un diplomate en tête de convoi paraît complètement insensé ? Parce que honnêtement, je ne vois pas une autre alternative pour expliquer pareille audace de la part des 3K. Du cran ils en ont, mais de là à se jeter dans la gueule du loup en sachant que la mort les attend me semble vraiment inconcevable.
Il hoche la tête.
— Hothead et moi y avons pensé et nous sommes du même avis que toi. Quelqu’un de bien plus haut placé et devant à tout prix rester dans l’ombre tire les ficelles pour gagner un maximum de terrain afin de récolter un maximum de voix. Nous sommes entrés dans un sacré merdier et désormais, il vient jusqu’à nous en désirant nous narguer sur notre territoire, qui sera neutre, durant l’événement de la bike week à Sturgis. Je ne veux aucune incartade. Rien qui puisse leur faire penser que nous sommes au courant de leur méthode. Compris ?
Je confirme en adhérant parfaitement à sa requête.
— Très bien, dit-il. Demain, une messe sera donnée à travers laquelle je vais exposer tout ça aux frères.
— OK.
Après cela, nous restons silencieux en pensant à tout ce que cela implique. Une totale discrétion de notre part, une avancée minutieuse et stratégique sur le terrain ainsi que nous tenir H24 en alerte.
Tina prend tout à coup les traits d’un ange gardien dans mon esprit. L’ange gardien des Shadow Riders. Sans elle posée dans ce trou à rat, nous aurions été dépassé, pris au dépourvu par ces putains d’extrémistes à la con. Un parti politique est en train de passer à l’action dans l’ombre en plaçant tactiquement ses pions. Nous les coucherons un à un pour la liberté d’un pays. Le nôtre. Et la perpétuité de notre mode de vie, des Shadow Riders.
En me voyant prendre la direction de l’entrée du clubhouse, Ranger m’interroge.
— Tu ne files pas chez toi ?
Il affiche une expression surprise. Je veux bien le comprendre au vu de combien je sollicite la joie de me retrouver au calme chez moi. Dormir au club m’a bien servi pendant un temps, mais rien ne vaut son chez-soi. Les frères plus jeunes crèchent ici, comme moi avant de m’installer dans mon havre de paix. Et maintenant, quand je les observe, j’ai l’impression de me sentir vieux, en total décalage avec eux.
C’est dans ces moments de clairvoyance que je relève le changement qui s’est opéré en moi. Cela se nomme l’évolution. Du moment que j’évolue, cela m’assure de ne pas avoir régressé, c’est déjà ça. Faut voir comment tournent certains frères… Autant dire que ce n’est pas de la tarte !
Je me retiens de lever les yeux au ciel en m’apercevant que j’emploie cette expression dans ma tête. Mon grand-père commence à déteindre sur moi. Quand je le vois autant grognon et casse-couilles, je me dis que ce n’est certainement pas une bonne chose à l’avenir.
— J’ai un peu plus forcé sur la boisson ce soir, lui indiqué-je, autant ne pas prendre de risques inutiles. Surtout par les temps qui courent.
Il me tape dans le dos en adhérant à mes paroles.
— C’est bien vrai ! Allez viens, des tas de chambres sont vides à l’étage. Avec de la chance, tu trouveras sûrement ton ancienne piole encore libre.
Je coule un œil dans la grande salle et découvre Kim endormie sur un canapé. Quant à sa pote, elle prête main forte à une des brebis, Mary, qui répond toujours présente lorsque nous avons besoin d’elle au MC.
Tina rigole avec elle en même temps qu’elle donne un coup sur le bar. Mary s’adresse à elle respectueusement en ayant parfaitement conscience de qui se tient devant elle. Cette fille ne cherche pas la merde comme peuvent le faire d’autres meufs errant dans le club.
Non, Mary a peu à peu pris une place de choix dans notre MC. Sérieuse et serviable, bien que quelques frères aient fricoté avec durant ses débuts au club, elle a su gagner le respect de tous et, hormis Scar qui garde le grappin sur elle alors que cette dernière le couve du regard tel un dieu, elle ne laisse personne d’autre l’approcher.
Un coup en plein thorax me foudroie sur place quand Tina lève les yeux sans pour autant réagir à ma présence. Je l’ai cherché, c’est clair. Salement. Je ne me demande même pas ce qu’elle a dû penser de moi lorsque je l’ai abandonnée à côté de ma bécane sur le parking en l’ignorant totalement juste après avoir agréablement échangé avec elle.
Elle me prend désormais pour un connard, un rustre. Si cela ne me dérange absolument pas venant de la part de quiconque, encore une fois, ce que je ressens très nettement m’indique qu’il en est tout autrement quand il s’agit d’elle. Cela se confirme.
Je récolte ce que j’ai sciemment semé, et je n’en tire aucun soulagement.
Maussade, je laisse Ranger derrière moi en m’enfonçant dans le couloir menant aux chambres à l’étage. Mon grand-père aurait dû se trouver dans la grande salle, bien qu’il soit tard. Mais depuis qu’il a levé le pied, il apprécie particulièrement les fins de soirées pour discuter pendant que les filles et les prospects nettoient le bordel qui règne après ce genre de fête.
Mon ancienne chambre est libre, j’y pénètre en n’omettant pas de tirer le verrou derrière moi au cas où une brebis aurait la fâcheuse idée de se faufiler sous mes draps. Certaines sont tenaces et n’assimilent pas trop le sens du mot « non ».
Enfin, je me laisse tomber à la renverse sur le matelas et envoie mes pompes valdinguer n’importe où. Je lâche un profond soupir tout en croisant mes bras derrière la tête. Un de mes frères est occupé à faire hurler une gonzesse de plaisir dans sa chambre et je prie pour qu’elle se la ferme et pour qu’il ait trop bu afin de roupiller une fois qu’il aura terminé sa petite affaire.
Hélas, Dieu ne semble pas être en accord avec moi, car je passe le restant de la nuit à ne dormir que d’un œil causé par le tapage nocturne de ce con qui semble ne pas avoir baisé depuis des lustres, putain !
J’ai même pu deviner l’arrivée de Tina et Kim dans leur chambre de l’autre côté de la mienne quand la blonde s’est mise à brailler : « Les belles-mères sont toutes des pét***** ! », pendant que Tina se marrait en même temps qu’elle lui soufflait des « sshht » entrecoupés de rires.
J’ai pu ensuite être témoin d’une crise de fou rire dans leur douche en imaginant sans mal ce qu’elles fabriquaient. Les murs étant aussi fins que du papier pour cigarette, il n’est pas compliqué de suivre une discussion dans les pièces voisines, comme des ébats à vous rendre sourd.
Tina avait, semble-t-il, tiré de force Kim sous l’eau que j’entendais s’écouler, quand, au vu du boucan qui avait suivi, j’avais deviné sa chute contre la blonde. Les secondes suivantes, la fille de mon président s’est mise à chanter sa chanson à la con. Moi ? Je donnais un coup de poing dans mon coussin dans l’espoir de le rembourrer et me le plaquais plus durement contre mon oreille, après m’être positionné sur le côté, en grognant ma frustration à pouvoir enfin dormir.
Le lendemain, je me lève en traînant ma mine grincheuse jusque dans la cuisine encore déserte. Le club dort toujours alors que midi est proche. Nous nous sommes tous couchés à pas d’heures et vu le boucan qui n’a pas cessé de régner le restant de la nuit autant dire que j’ai pu trouver un semblant de sommeil qu’à l’aube.
La fréquence de la circulation à l’extérieur me prouve bien que la journée est bien avancée pour tout le monde en dehors du MC. Profitant de l’aubaine de me trouver seul dans ce lieu, je prends plaisir à me faire couler un café avant de tirer un tabouret sur lequel je m’installe.
Malheureusement, je n’ai droit qu’à un peu de paix durant seulement deux courtes minutes avant que des pas se fassent entendre. La seconde suivante, je suis en apnée.
Tina apparaît dans la pièce. Pieds nus, couverte uniquement d’un long T-shirt lui arrivant à mi-cuisses, ses longs cheveux détachés, elle m’observe brièvement avant de m’ignorer superbement.
Pam ! Dans tes dents, pauvre con. Et ça fait mal.
Elle fonce jusqu’au réfrigérateur en passant devant moi et l’ouvre tout en portant à sa bouche une brique de jus d’orange qu’elle descend en un temps record. Elle la jette ensuite dans la poubelle avant de s’enfoncer dans la réserve attenante, chercher des ingrédients, alors que je manque littéralement d’air à la seule vision qu’elle offre.
En silence, je passe les prochaines minutes à l’observer s’affairer sur le plan de travail et devant la gazinière, préparer une quantité énorme de pâte à pancake, cuire une tonne d’œufs, de bacon et des saucisses et faire bouillir des tas de pommes de terre. Tandis que de l’agitation commence à régner à l’étage, sûrement attiré par la délicieuse odeur qui se dégage de la cuisine, elle se charge de faire couler deux carafes de café avant de les disposer sur la table haute devant moi.
Immobile, je fixe toujours sa silhouette et surtout la maudite pointe de ses cheveux se balançant hypnotiquement sur son fessier que je sais sans mal être une tuerie, quand Ranger pénètre dans la pièce. Il a l’air de trouver sa bonne humeur dès qu’il pose les yeux sur ce que vient de préparer la belle brune devenue aussi taiseuse que moi.
Mon prés’ lui dépose un baiser sur la tête en passant puis prend place à mes côtés pendant qu’elle dispose la nourriture dans plusieurs plats face à nous. Tina nous tourne ensuite le dos pour farfouiller dans les placards d’où elle sort une pile d’assiettes suivie de couverts et de verres qu’elle pose en bout de table quand d’autres frères apparaissent à leur tour.
Quelques meufs ayant passé la nuit ici uniquement pour tirer un coup sans avoir levé le petit doigt pour offrir leur aide aux autres filles restées nettoyer la veille, pointent le bout du nez dans la pièce. Un seul regard de Ranger leur suffit à saisir qu’elles n’ont plus rien à foutre là, encore moins pour oser jouer les piques assiettes.
Tina prend enfin place parmi nous et déjeune en ne se mêlant pas aux discussions des hommes autour d’elle. Aucune fille, même pas Kim, n’ose rester ici au milieu de nous pour partager son repas. Mais cela n’a pas l’air de gêner Tina, qui montre combien elle est habituée à agir ainsi chez elle. Acceptant totalement le milieu dans lequel elle est née et non en le reniant comme peut le faire la fille de notre président.
Elle se lève ensuite de son tabouret, égoutte les patates et les verse dans un grand plat qu’elle place à côtés des autres sur la table. Des frères sautent aussitôt dessus et se crament le palais tant ces gros bêtas sont pressés de tout enfourner. Elle sourit légèrement face à ces goinfres et mène son assiette et ses couverts dans l’évier en voie de les laver, quand Ranger l’arrête.
— Tu as pris le temps de préparer à becqueter, sans compter le ménage que tu t’es tapée cette nuit, laisse donc ça aux filles.
— OK, accepte-t-elle dans un haussement d’épaules avant de se tourner vers les frères du chapitre de son père. Mav’, Ice, je me prépare et on file ?
Ils acquiescent dans un signe de tête tout en continuant à se gaver comme des oies. Ranger l’interpelle avant qu’elle ne disparaisse de la pièce.
— Où comptes-tu te rendre ?
— Faire un tour à bord de la Road King Special 114.
Les yeux écarquillés, il réplique aussitôt :
— T’as reçu un coup sur la tête durant la nuit ?
Elle affiche un sourire mutin et déclare posément.
— Non, j’ai seulement gagné notre pari.
Il s’adosse complètement contre le tabouret et croise les bras sur son torse en fronçant les sourcils.
— Impossible, renifle-t-il, moqueur.
Pour seule réponse elle lui offre un sourire en coin terrible avant de disparaître se préparer. Comme mon président, je suis certain qu’elle plaisante en lui jouant un tour. La bécane dont elle parle appartient à mon grand-père et ô grand jamais le vieux laisserait son bébé à quelqu’un d’autre que lui. Même pas à moi. Alors le soi-disant pari qu’ils ont dû sceller à un instant où je brillais par mon absence, sera toujours plus plausible d’être remporté par Ranger.
Seulement, quelques minutes plus tard, le destin me prouve que je n’ai jamais eu autant tort… Le pire, c’est la manière dont elle y est parvenue : mémorable. Audacieuse s’ajoute incontestablement à la longue liste de ses qualités.
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Shadow Riders #Bewitching biker's girl & #In Turmoil
RomanceTina, fille du président national des Shadow riders aux U.S.A, fonce jusqu'au chapitre du Montana avertir le père de sa meilleure amie qu'un danger rode concernant le MC qu'il préside. Sur place, elle va finalement opter pour passer sa coutumière pa...