Loner
Voilà qui est fréquent dans un chapitre. Nous traînons dans nos pattes une nuit de route pour joindre un point de rendez-vous, nous reprenons le trajet une bonne partie de la journée avant de se reposer quelques heures sous les tentes accrochées aux bécanes, pour ensuite terminer notre bout de chemin pour rejoindre le club.
Une fois sur place, on se tape une messe dans la salle de réunion, et alors qu’on a bossé le restant de la journée pour se mettre à jour niveau boulot, nous avons à peine le temps de prendre du bon temps avec de la bonne chère, rentrer chez soi en espérant prendre enfin une longue douche et se pieuter, que les emmerdes nous rattrapent automatiquement.
C’est donc les nerfs à fleur de peau que Ranger et moi rallions le clubhouse après avoir ordonné à tous les frères de revenir pour une messe de toute urgence. Il est proche de minuit et croyez bien que la seule chose à laquelle nous aspirons tous, est un lit douillet accueillant nos corps éreintés avec le souhait de s’y faire oublier quelques jours.
Ranger et moi arrivons les premiers et nous hâtons de pénétrer dans le club. Les frères qui y crèchent nous attendent déjà dans la grande salle tandis que mon grand-père nous accueille d’une tape dans le dos.
— Pas de répit, lance-t-il dans une grimace agacée.
— On peut le dire, maugrée Ranger en portant les mains sur les hanches avant de l’interroger. Warrior ?
— Après que les filles nous ont souhaité bonne nuit, il est rentré chez lui rejoindre Nancy. D’après lui, Tina était bien trop K.O. pour vouloir bouger et Kim a préféré rester avec elle et se faire une soirée film à l’eau de rose. Elles se sont accaparées la cuisine dans des pyjamas invraisemblables le temps de se faire du popcorn, puis elles ont filé dans leur chambre les bras remplis d’autres conneries du genre.
Notre président accueille ces quelques paroles dans un « hum » avant de passer aux choses sérieuses.
— Allons dans la salle de réunion, nous attendrons les autres là-bas, dit-il en lançant un œil prudent à quelques brebis dévêtues présentes dans la grande salle.
Nous comprenons tous qu’il ne souhaite pas voir la situation s’épancher et faire de mauvais ragots. Les nouvelles vont vite quand on voit tous les Shadows se rassembler à une heure tardive pour s’enfermer ensuite pour une messe. Cela éveille inévitablement la curiosité de certaines personnes qui seraient amenées à en parler autour d’elles. Moins ces filles en savent, mieux nous nous portons.
Il faut savoir que plusieurs brebis travaillent dans des commerces de Bozeman, et le bouche à oreilles, toujours d’actualité, fonctionne trop vite à notre goût parce qu’il prend bien trop souvent une proportionnalité qui n’aura de cesse de nous étonner. En découle une histoire totalement rocambolesque qui finit par venir à nous en en éberluant plus d’un par tant de conneries.
Installés à nos places quittées à peine dans la matinée, nous nous refaisons tous face dans l’attente de prise de parole de notre président. Quelques frères s’impatientent en tapotant le sol de la jambe ou la surface du bois de la table des doigts.
Ranger inspire fortement et déclare enfin la messe ouverte.
— Je vous ai tous convoqués concernant les trois individus dont je vous ai parlé plus tôt.
— Y’a du nouveau ? l’interroge mon grand-père.
Ranger l’observe sans rien dire avant de hocher gravement la tête.
— Ouais le vieux, on peut dire qu’il y a du nouveau, garantit-il.
Son expression, son ton, tout dans sa position indique que l’heure est grave et cela suffit aux frangins d’être en apnée dans l’attente d’un aveu. Le président ne fait pas durer longtemps leur calvaire où chacun se demande quelle merde peut troubler autant le numéro un de notre chapitre.
— J’ai enfin eu une prise de contact avec Dumbo et Freegun. Comme vous vous en doutez, rien de bon en perspective. Un individu a fini par pointer le bout de son nez en rejoignant ces gars au motel où ils créchaient. Après un bref échange apparemment positif, d’après nos frères, ils se sont séparés en bons termes et chacun est repartis de son côté. Donc nos frères ont dû prendre une route différente afin de les filer.
— Parce qu’ils n’appartiennent pas au même groupe ou parce qu’ils continuent un plan de ralliement à leur cause ? intervient Rambo qui a laissé les commandes du club de strip’ à sa femme et Stocky le prospect.
— Rien ne nous l’indique. Freegun et Dumbo n’ont rien pu entendre de leur planque. Seule une accolade enthousiaste à mis fin à leur échange avant qu’ils prennent la tangente. C’est tout ce qu’ils ont pu me rapporter avant de devoir se séparer à leur tour pour poursuivre leur filature.
Warrior s’accoude à la table et conclut :
— Après toutes ces heures, ils sont donc enfin arrivés chacun à un endroit différent.
— Affirmatif, déclare Ranger. Trois ont pris la direction du nord, tandis que le dernier, celle du sud.
— On peut dire que c’est à l’opposé, observe Scar. Ces gars sont vraiment déterminés à nous rayer de la carte.
Des grognements rageurs sont poussés de toutes parts dans la salle. Une tension flotte en nous irritant davantage, nourrissant notre haine pour ces mecs assez fous pour oser tenter quoi que ce soit contre nous. Toutefois, les frères ignorent toujours de quelle branche il s’agit et qui nous inquiète à Ranger et moi.
— Je ne vais pas passer par quatre chemins, reprend le prés’, et autant que vous le sachiez : rien de positif en vue.
— Donc, on vient vraiment de tomber sur un os, en déduit mon grand-père.
— Plutôt ouais, affirme-t-il. Pour résumer, tout indique que ces gars font partie d’un club suprémaciste, les « 3K », en référence au Ku Klux Klan.
Nous avons eu notre lot de rivaux. Cartels mexicains, Russes, MC ennemis… Mais ô grand jamais nous avons eu affaire à des groupes suprémacistes.
— Les trois individus qu’a croisé Tina sont établis au Canada à Saskatchewan. Dumbo a pris en filature ce groupe-ci qui l’a mené jusque-là, quand l’autre homme apparu au motel a terminé sa course dans un bled perdu à Jena en Louisiane d’après Freegun.
— Deux lieux où règnent effectivement ce genre d’extrémistes, relève Drunky, notre frère rouquin nous venant tout droit d’Écosse, gérant notre bar sur l’avenue principale de la ville.
— Les 3K, répète mon grand-père en se passant une main dans ses boucles grises. Ça ne va pas être de la tarte.
— Tout comme ce n’est pas près de s’arrêter, révèle Rambo. Les disparitions ne vont pas prendre fin de sitôt.
Un lourd silence s’abat dans la pièce, nous enveloppant de sa froideur car nous savons tous, à cette minute, quels genres d’horreurs sont en train d’endurer les régulières de couleurs enlevées.
Bordel, j’ai l’impression de faire face à la guerre de Sécession avec l’esclavagisme. Nous avons affaire à un groupe, ou plusieurs d’ailleurs, suivant et ayant adopté le mouvement de cette société secrète terroriste suprémaciste blanche née fin 1865/début 1866.
Ces groupes sont connus dans tout le pays, et le monde également, pour commettre des assassinats, attentats, viols, tortures, enlèvements et incendies d’écoles ou d’églises afro-américaines. La cause : ils sont opposés à l’application des droits constitutionnels des Afro-Américains garantis par plusieurs amendements au lendemain de la guerre de Sécession.
Évidemment, nous connaissons quelques MC, avec qui nous ne copinons pas d’ailleurs, qui tolèrent ce genre de conneries et où certains membres affichent même des croix gammées en guise de tatouages. Nous ne sommes pas ignorants de cette sorte d’énergumènes.
— Nous allons devoir faire un important travail de recherche, explique Ranger. D’ici, informatiquement, mais également sur le terrain. Nous allons devoir enquêter pour en apprendre un maximum sur ces groupes. Sur ceux qui peuvent éventuellement rallier ces enfoirés et nous tomber dessus.
— D’après Tina, ils n’ont fait part que de vouloir faire sauter notre chapitre pour, ce que l’on imagine, prendre le contrôle de cette zone des États-Unis, résume Warrior. Mais qu’en est-il des autres chapitres des Shadow Riders ? Peut-être que d’autres membres des 3K se sont également retrouvés au même moment dans d’autres lieux pour discuter du cas de nos autres chapitres. Peut-être qu’ils visent bien plus gros en désirant s’accaparer tous nos lieux d’établissements et ainsi s’accroître d’un coup en détenant un sacré monopole dans tout le pays. Nous savons qu’ils ont l’appui d’au moins un groupe, envisager qu’ils soient parvenus à enrôler dans leur cause pourrie des MC rivaux et adeptes de ce genre de conneries extrémistes est non négligeable. Enfin merde ! S’attaquer à un de nos chapitres sans avoir pris en considération la globalité de nos maisons me paraît plutôt insensé.
— Pas faux, lui répond Ranger. C’est pourquoi la bike week tombe à point nommé. Elle nous permettra d’en apprendre davantage, mais également de ne fournir aucun soupçon à l’ennemi qui ne verra pas d’un mauvais œil le fait que nous serons tous rassemblés dans ce lieu. Nous allons donc pouvoir nous entretenir et fréquenter nos pairs venus de tout le pays, et d’autres contrées, pour mettre en marche un plan d’attaque et frapper les premiers afin d’exterminer cette vermine.
Des exclamations prêtes à mener le combat contre les antagonistes s’élèvent dans la salle en nous assourdissant.
Après quelques minutes de plus à invoquer un plan, Ranger met fin à la messe de son marteau. Il est tard, et la moitié d’entre nous ayant dû rouler plusieurs heures en deux jours ont bien besoin de repos.
Les frères quittent la salle de réunion, quand des acclamations parviennent jusqu’à nous. Curieux, mon grand-père, Ranger, Warrior et moi sortons à notre tour de la pièce afin de voir ce qu’il se passe dans la grande salle.
Il s’agit de l’arrivée de nos frères de la maison mère, Ice et Maverick, envoyés comme convenu par Hothead. Les surnoms en référence au film Top gum qui leur sied à merveille. Seulement, ce n’est pas eux qui nous surprennent, mais l’apparition dans leur dos de Kim et Tina.
Petit détail : elles ont l’air de tout sauf de meufs restées en pyjamas à mater des films dans leur chambre.
Nos regards virent aussitôt sur Warrior qui a un œil qui cligne, pris d’un soudain tic nerveux, à la vue des filles en faisant face à leur ruse.
D’ailleurs, Kim, suivie de sa meilleure pote, se marre en passant devant nous, se foutant royalement de la gueule de notre sergent d’armes tandis que Tina lui lance d’un air mutin en lui tapotant sur l’épaule au passage :
— P’tit problème de palpitations, Warrior ?
Elles poursuivent leur passage de pécheresses à coups de jeu de jambes dénudées et déhanchés sensationnels avant de rejoindre, cette fois-ci sérieusement, leur chambre à l’étage.
Warrior fait face à notre président.
— Je te jure que cette fois j’étais sûr de moi, plaide-t-il sa cause. Elles avaient des cernes !
— Du mascara étalé, lui lance Kim de l’escalier en le corrigeant et lui affichant ainsi leur artifice.
Ice et Maverick apparaissent dans son dos et lui plaquent durement une main chacun sur une épaule.
— Heureusement que papa Hothead nous a ordonné de prendre en filature les petites furies réunies, déclare Ice en se foutant de lui.
— D’ailleurs, je crois bien qu’elles ont eu tout le loisir de s’envoyer en l’air avec quelques étudiants de l’université du coin, ajoute Maverick, hilare.
— La ferme, Mav’ ! fulmine Ranger.
— Du calme papounet, je n’ai plus quinze ans, tu t’souviens ? le taquine sa fille avant de terminer de filer à l’étage.
Pendant que notre président enrage en grognant comme un ours furibond, mon regard reste happé à la vue que m’offre Tina. Elle n’a rien à voir avec une cent pour cent bikeuse à cet instant. Non, elle est… divine.
Démentielle.
Son petit corps de peste est superbement moulé dans une robe ivoire qui n’a rien d’une robe, mais tient plus d’une nuisette en soie pour femmes matures. Et pour couronner le tout, elle est jonchée sur des talons vertigineux ; des escarpins rouge bordeaux mettant en valeur la forme d’une paire de jambes à se damner avec une peau satinée faisant saliver.
Et je ne suis pas au bout de mes peines quand mon regard poursuit sa montée de l’enfer sur un fessier aux rondeurs latines, surmonté d’une cambrure alléchante dans une chute de reins exorbitante alors que devant, la présence de tétons durcis m’apprend qu’elle est dépourvue de sous-vêtements.
Pourquoi diable mes poings sont aussi serrés que mes burnes à la supposition qu’il s’agit-là très certainement de l’œuvre d’un putain de bambin de fac les lui ayant ôtés ?
Je ne sais pas ce qu’elle perçoit sur mon visage quand elle parvient au palier du premier en jetant un furtif coup d’œil sur nous, mais cela lui suffit pour froncer les sourcils comme cela suffit à rendre son minois des plus exquis.
Du vernis, un maquillage soft avec la pépite sur le gâteau : une liqueur cerise s’étant accaparée de ses lèvres charnues avec brillance. J’ignore totalement quel est ce rouge à lèvres, mais il est le piège ultime sur lequel je rêve de venir m’étaler.
Elle sort de mon champ de vision et un raclement de gorge m’extirpe de mes pensées confuses, mais fatalement en fusion. En me détournant de l’étage, je tombe sur plusieurs paires d’yeux écarquillées.
Étonnamment, mon grand-père la garde fermée, mais sûrement pas les frères de San Diego.
— T’es au courant que Hothead va te les briser ? me lance Ice avec son regard couleur glace et sa coupe à la brosse.
— Ouais, c’est peu de le dire, renchérit Maverick en s’esclaffant avant d’observer deux brebis lui faisant signe du bar et nous abandonner.
Pendant que le brun aux yeux turquoise part en chasse de nibards, je ne sais pas si Ranger est trop remonté contre sa fille ou s’il se demande sérieusement s’il doit m’avertir de ce qu’il m’en coûterait si jamais j’approche de trop près la fille de notre président national. Néanmoins, je ne lui en donne pas l’occasion parce que je me tire du chapitre en voie de regagner ma baraque et ma solitude bienvenue.
Sa fille, il a l’air d’en faire une affaire pour plus tard, car il apparaît dans le parking lorsque j’enfourche ma bécane.
Je soupire.
— Inutile de me sortir ton jargon, l’avertis-je. J’ai la tête sur les épaules.
— Je suis bien conscient que tu saches où tu mets les pieds selon tes choix, loin de moi l’idée de te faire la leçon. Mais laisse-moi faire mon rôle de président avant celui d’ami, de frère, en t’avertissant tout de même de faire attention à toi. Je ne parle pas de la colère de notre frère, il est certain qu’un jour où l’autre sa fille devra se caser, mais plutôt de ces temps incertains quant au merdier qui nous tombe dessus. C’est concernant ceci que je souhaite que tu gardes la tête sur les épaules. Crois-moi, Loner, nous n’avons pas besoin d’une histoire de cul de plus sur les bras en ce moment. Je te veux lucide.
Il pose sur moi un regard réellement inquiet. Je sais combien nos jours sont obscurcis par l’ennemi.
— Ne t’en fais pas pour moi, lui assuré-je. Mais tu devrais toucher un mot à ta fille de ce qu’on a appris dans la mesure du possible. Malgré sa connaissance de l’affaire des disparitions, elle n’a pas l’air de prendre en compte le sérieux de cette histoire vu son coup fourré de la soirée.
Il se gratte l’arrière du crâne dans un geste nerveux.
— Je sais.
Il est excédé par Kim, cela ne fait aucun doute. Toutefois, il poursuit en arquant un sourcil.
— Mais pourquoi crois-tu qu’Ice et Maverick étaient présents lors de leur retour ici ? Tina les a obligatoirement avertis. Elle connaît mieux que quiconque ma fille et savait pertinemment qu’elles auraient besoin de frères pour leur escapade nocturne. Cela ne l’a pas empêchée de se jouer de Warrior pour seul but de s’amuser, mais tout en gardant comme point de mire leur sécurité. Et n’oublie pas que l’idée de la branche extrémiste vient d’elle. Elle sait ce qu’elle fait. Elle est prévoyante.
— Et représente dans le mille le genre de filles que les 3K enlèvent vu ses origines.
Il croise les bras sur son torse en affichant un sourire qui me fait lever les yeux au ciel.
— Eh bien, on peut dire que tu l’as dans le viseur, j’me trompe ?! me lance-t-il.
Je ne prends pas la peine de répondre. Je renifle en secouant la tête tout en mettant les gaz. Oui, elle est belle à souhait. Plus que ça au vue de tout le bordel qu’elle est capable de remuer en moi. Oui, tout ce qu’elle représente me plaît. Mais le genre de meufs qui se croit au-dessus de tout en croyant tout savoir et prévoir, comme le dit si bien Ranger, c’est pas mon dada.
Elle a tout l’attirail de celle qui pourrait me faire tomber dans ses filets, je dois bien le reconnaître pour la première fois de ma vie. Mais je me remémore facilement que j’apprécie grandement ma solitude autant que j’imagine quantité de qualités chez une femme ne pouvant être qu’illusoire. Alors, autant qu’elle ne reste qu’un énième fantasme dans mon esprit qui prendra fin lorsqu’elle devra repartir à San Diego.
Je préfère me la représenter arrogante, soit en train de s’autoproclamer experte dans les affaires de clubs nantie d’une sacrée grosse tête, pour m’aider à maintenir dressée une barrière entre nous. Je n’ai qu’à me rappeler son air de conquérante plus tôt, sûre d’elle, lorsqu’elle est passée devant Warrior, pour parvenir à la maintenir à l’écart et, de la sorte, ne pas risquer de chambouler ma routine désormais bien établie depuis mon départ des Marines.
Fort de cette résolution, je garde la tête froide alors que mon corps est à nouveau en effervescence malgré les prouesses que la danseuse exotique du XGirls lui a apporté dans la soirée.
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Shadow Riders #Bewitching biker's girl & #In Turmoil
RomanceTina, fille du président international des Shadow riders aux U.S.A., fonce jusqu'au chapitre du Montana avertir le père de sa meilleure amie qu'un danger rode concernant le MC qu'il préside. Sur place, elle va finalement opter pour passer sa coutumi...