Chapitre 1

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Le mal a tendance à s’enchaîner dès qu’il a décidé de s’établir chez vous. Il a choisi mon devant de porte et compte bien s’y attarder apparemment. J’étais sa cible. Quel merdier !
Tina s’est barrée. Elle s’est tirée si vite que j’en ai encore le tournis. Sans explication, même merdique, sans un seul putain de mot pour expliquer son choix égoïste et les mensonges qu’elle m’a servis. Vraisemblablement, à son sens, je ne méritais même pas cela.
Je ne cesse d’entendre, encore et encore, mon cœur s’ouvrir sous une douleur béante dans un fracas étourdissant. Elle m’a mis K.O et cela de façon si forte que j’en ressens l’impact continuellement. Et y’a pas à dire : ça fait un mal de chien, merde !
À cela s’ajoute l’horrible souffrance de Speedy. Au moins, il est en vie. Mais dans un triste état.
Et maintenant, les 3K viennent de frapper. Et ils l’ont fait en beauté. Ces connards d’extrémistes nous ont baisés la gueule formidablement.
C’est un foutoir sans nom.  
Ma baraque, mon refuge sacré, accueille désormais mes frères de club n’ayant pas de piaules. Même Hothead est de la partie. Il n’a pas tenu retourner dans la maison mère qu’il préside pour être au plus proche de ses frères les plus touchés : nous, ceux de l’Idaho, du Dakota et de l’Oregon. En gros, les États Nords.
Son fils, Kyle, le remplace, même si le frangin de Tina a ses bambins à se charger. D’ailleurs, Trust, notre frère avocat de la maison mère, gère son dossier de San Diego pour que la garde des garçons lui soit attribuée par un tribunal.
Enfin, pour expliquer le bordel sans nom qui règne chez moi, le mois suivant notre retour de Sturgis, ville que je tiens en horreur dorénavant, disons que les 3K ont, comme qui dirait, lu dans nos pensées.
C’est beaucoup trop étrange pour sonner comme une coïncidence. Parce que, putain, comment ont-ils pu contrecarrer tous nos plans et plans B et retourner notre propre manœuvre contre nous ?
Je n’en ai aucune idée, mais un mois après avoir perdu la seule femme que je désirais pour ma chienne de vie, cru voir mon frère Speedy mourir sous mes yeux, retrouver mes cauchemars, qui s’étaient assouvis, reprendre possession de mes nuits et me lamenter en totale solitude sur le tournant de ma vie, me voilà envahi de Shadow Riders jour et nuit parce que notre club est désormais en cendre et le local à côté de celui-ci entre les mains des 3K qui s’y sont établis.
Ces fumiers ont pris le contrôle en nous renversant sans que l’on s’y attendent tant nous étions préoccupés par l’état de Speedy, les gosses de Kyle et le départ surprise de Tina.
Cette dernière ne donnant aucune nouvelle depuis son départ précipité.
Bien que cela interroge, nous sommes tous indécis sur sa décision d’avoir filé en douce et de continuer à garder le silence sur son choix, sur sa vie. Cela ne lui ressemble pas, mais apparemment elle juge bon de vivre à l’écart sans interagir avec sa famille et sa famille de cœur, le club.
Kim l’a en travers. Tina la snobe également. Seuls quelques rares textos nous sont parvenus de sa part. Un « Désolée » pour moi. Un « Je veux vivre ma vie loin de toutes ces conneries du club et comme je l’entends, j’espère que tu le comprendras » pour Kim. Un « Ghost prend bien soin de moi, comme toujours, je suis heureuse, alors ne t’en fais pas pour moi. Respecte mon choix de désirer vivre mon histoire loin des emmerdes, loin du club, même si cela m’éloigne un temps de vous, mon sang, je t’aime et continue à prendre soin des frères, de Kyle et de mes neveux adorés. Je vous aime fort, Tina » pour Hothead.
Trois malheureux textos qui résume sa vie entièrement dévouée avec amour et envie aux gens qu’elle aime. Trois putains de textos ! Et maintenant, on doit faire et continuer comme si de rien n’était.
Mais moi c’était toute ma vie qui dépendait de cette fille ! Et maintenant, c’est Ghost qui a le privilège de la tenir entre ses bras et de la choyer de bonheur.
J’ai envie de gerber.
Qui peut m’aider à aller de l’avant maintenant ? Qui peut m’assurer que ce qui me vrille le ventre, broie le cœur et démoli mes pensées va finir par s’apaiser jusqu’à devenir qu’un simple mauvais souvenir ?
Je la hais !
Je suis en train d’imaginer cette fille qui représentait à la perfection la femme de ma vie. La seule et unique, parce que bon sang, ce qu’elle était parfaite pour moi !
Belle comme pas permis, bandante à mort, sportive extrême, intelligente et malicieuse, née et ayant évolué au sein d’un MC en connaissant sur les doigts de la main toutes les règles, nos règles, et folle de bécanes et d’évasion comme nul autre. La liste est sans fin tant elle résume tout ce qui faisait d’elle un trésor à mes yeux. Mais surtout son sens de la famille et de l’honneur envers les siens.
J’ai beau savoir et vivre son départ, un formidable abandon en un gigantesque majeur fermement dressé en ma faveur, je continue à avoir du mal à digérer cette info en l’assimilant à quelqu’un d’aussi loyal qu’elle.
Qu’est-ce qui s’est passé, bordel ? Où est-ce que j’ai pu merder ? Qu’est-ce qui a cloché pour qu’elle foute le camp aussi vite et secrètement ?
J’ai rien vu venir.
On vivait dans notre bulle au summum de la perfection, sans prendre en compte ce merdier avec les 3K, et c’était le paradis. Ouais, c’est ça, c’était le paradis sur Terre de vivre avec elle dans ma vie et m’appartenant. Il n’y avait pas de gilet, mais la promesse était là ; elle allait devenir ma régulière.
Et elle n’est plus là.
Elle ne fait plus partie de moi, de ma vie, des Shadow Riders, du paysage.
Elle est partie…
Mon regard reste accroché sur la vallée tandis que je suis assis sur l’herbe sauvage au fond de ma propriété pour retrouver un instant de paix. Avoir les frères à la maison, c’est pas de gaieté de cœur, parfois. Surtout quand, comme moi, on idéalise le silence et la solitude.
Mon havre de paix est devenu infernal. C’est le bordel, et malgré que je tente un maximum de me canaliser la plupart du temps, il m’arrive de péter une durite et de vociférer tout un tas d’atrocités à ceux qui m’entourent dans un rayon de dix mètres à la ronde.
Étonnamment, ils ne trouvent rien à redire, eux qui en ont strictement rien à foutre de glander dans mon salon, dégueulasser l’intégralité de ma piaule jusqu’à ma grange où se trouve ma forge que je fuis également et s’empiffrer comme des porcs en baisant de la brebis à tout va.
Le museau de Sharky me tamponne les côtes alors qu’il apparaît à mes côtés en me plantant, par la même occasion, le bout de bâton qu’il tient dans sa gueule sur-dentée. Lui aussi a noté le changement chez son maître. Je ne suis plus le même et mon humeur maussade le fait presque couiner.
Dans un soupir résigné, je saisis le morceau de bois pendant qu’il s’écarte en se dandinant de manière surexcitée. Une fois que je finis mon lancé parmi les hautes herbes sèches, il détale immédiatement dans une course fait de sauts et d’esquives pour éviter trous et troncs d’arbres que je dois encore couper.
J’ai une de ces flemmes. Je me sens abattu jusqu’aux bouts de mes doigts. Lever ma carcasse chaque matin est devenu une sacrée épreuve. Ma mère parle de dépression. Et je sais qu’elle a raison. Je ne la contredis pas, mais préfère quitter la pièce dès que les discussions dérivent sur ce que je ne veux pas entendre.
Je connais assez la dépression pour l’avoir subi après mon retour de la guerre. C’est indéniable, cela touche tous les soldats de vivre pareille épreuve dans une vie. Traverser l’enfer sans en revenir abîmé est impossible.
Aujourd’hui, je suis pris des mêmes maux et je ne reviens pas de zones de combats. Pourtant, ça fait autant mal et fout autant à plat. Même la plus endurante des personnes.
La brise emmène jusqu’à moi un doux parfum de jasmin et la minute suivante ma mère prend place à mes côtés. Elle me tend une part de tourte au poulet et poivron encore fumante enveloppée dans un torchon à carreau rouge et blanc.
— Je t’ai pris la plus grosse part avant que ces bestiasses de Shadow ne les dévorent toutes, se vante-t-elle dans un sourire fier.
Voyant que je rechigne à m’en saisir, elle chope ma main sans tendresse et me plaque rudement la nourriture sur ma paume.
— Pas de ça ! m’avertit-elle sévèrement.
C’est un petit bout de femme ma mère, mais au moins on peut dire d’elle qu’elle sait se faire respecter et entendre. Elle n’a pas pu se résoudre à retourner à Sturgis, dans son appartement, lorsqu’elle m’a vu revenir chez moi plus tôt que prévu juste après l’envol de Tina avec son bien-aimé de malheur. Pas quand elle s’est aperçue de l’état catastrophique qui me résumait si parfaitement.   
Je suis conscient que ce n’est pas bon de se laisser aller, alors je me force, malgré mon estomac qui se passerait bien de quoi que ce soit de consistant.
— D’abord, il y a eu le sport à gogo, la forge qui ne cessait de tourner à tire l’aligot et maintenant rien, me reproche-t-elle.
— Je suis à plat, putain, soufflé-je en basculant sur le côté à moitié allongé en appui sur un coude.
J’engouffre une grosse bouchée en reconnaissant le talent culinaire de ma daronne. Y’a pas à dire, c’est un cordon bleu et tout le monde ici en profite en étant heureux qu’elle soit restée sous mon toit.
— Je sais, fils, mais ne te laisse pas aller. La vie c’est compliquée, parfois. Bien plus qu’on ne le pense, dit-elle évasive.
Cela me pousse à l’observer.
— Pourquoi ça n’a pas duré avec papa ? lui demandé-je tout à coup.
Elle pose des yeux surpris sur moi qui laissent percevoir avoir vécu plus d’une vie, ou enduré plutôt.
— T’es déjà assez à plat comme ça, mon fils, dit-elle finalement de façon énigmatique.
— Parce que tu crois que ça aurait la moindre répercussion sur moi ? m’étonné-je. Ça fait tellement longtemps que tout ça est passé. C’est loin derrière nous maintenant.
— Quand tu vis une chose qui a misérablement fragmenté ton cœur, il peut passer toute une vie que lorsque tu arrives au bout tu te rends compte que les fragments n’ont jamais pu être recollés. Tu restes marqué. Marqué à vie.
Je ne peux que comprendre. Il y a des blessures incurables.
Je respecte son vœu à garder le silence sur cette époque de sa vie et ce qu’elle a pu traverser d’aussi difficile pour décider de me le taire.
Soudain, sa main se pose sur la mienne tandis que je termine la part qu’elle m’a gentiment amené.
— Ne te laisse pas aller à la rancœur et tous ces mauvais sentiments, Loner. Tu peux me croire, cela ne nous mène nulle part ailleurs que rester bloqué dans une haine qui n’a rien de bon pour nous. Tina était merveilleuse, c’est vrai. Je me souviens d’elle quand elle est venue s’exercer sur ton parcours du combattant. Je l’ai tout de suite admirée. Elle m’a plu. Et Dieu seul sait combien je suis exigeante niveau gonzesses pour mon fils qui est le meilleur de tous et le plus beau du monde.
Je m’esclaffe.
— Arrête un peu, me marré-je. Tu sais bien que tu n’as jamais été ce genre de mère-là.
— J’essayais de m’imaginer à la place de toutes ces mères névrosées, se marre-t-elle.
Elle cesse de sourire et reprend une mine songeuse en posant ses yeux au loin par-delà la vallée.
— N’empêche, je n’étais pas là pour toi lorsque tu as décidé de me laisser pour retourner dans la famille de cœur à laquelle appartenait ton père.
— Maman, rechigné-je.
— J’ai respecté ton choix, poursuit-elle, bien qu’il m’en a coûté vu que tu n’étais encore qu’un petit con d’ado, car ce n’est pas ce genre de vie que peut souhaiter une mère pour son enfant. Elle désire seulement son bonheur et loin de tous dangers. Choses vers lesquelles tu t’es jeté aussitôt à corps perdu sans une once de peur. Le club et la guerre. Il n’y avait rien qui me terrifiait plus que cela pour toi.
Elle tourne son visage vers le mien et m’adresse un doux sourire.
— Et aujourd’hui, je me tiens ici, chez toi, parmi les Shadow, à nourrir ses enfoirés de machos avec que la moitié d’une cervelle pour certains. Nous sommes réunis et je suis enfin là pour toi. De nouveau. Parce que tu me laisses enfin l’être. Mais cette fois, mon seul souhait, peu importe tes choix de vie, risqués ou non, est que tu continues à ne pas t’éloigner de moi. Je veux que nous soyons là l’un pour l’autre.
— Tu es ma famille de sang, maman, déclaré-je en fronçant les sourcils. Tu peux me faire confiance pour ne plus t’abandonner. Je ne suis plus l’adolescent qui a quitté la maison sans un regard en arrière, sans un seul remords. De l’eau a coulé sous les ponts et j’ai mûri. Je me suis rebellé contre tes règles, et aujourd’hui, Dieu sait combien je comprends ce que tu as voulu faire. Tu avais choisi la voie de la sécurité pour moi, ton unique enfant, et j’ai poursuivi le chemin inverse. Je suis toujours sur ce même chemin, mais t’avoir dans les parages est un bonus qui n’a pas de prix pour moi.
Elle serre mon épaule.
— C’est gentil, mon fils. Crois-moi que pour supporter tous ces clowns que tu tiens pour frangins, il m’a fallu mettre une sacrée flotte dans mon vin. Je continue de le noyer à cette heure-ci, d’ailleurs.
Je m’esclaffe avec elle en sachant qu’elle ne minimise pas la chose, car elle avait décidé de ne plus avoir affaire au MC de mon défunt père.
— Mais je voulais en venir à ce que tu ne laisses pas la tristesse d’un amour perdu te couper davantage de nous, ta famille de cœur et de sang. Tu es trop dur envers toi-même, Loner. Tu as le droit d’exprimer et d’extirper ta douleur comme tu l’entends, mais ne reste pas seul dans ton coin comme tu le fais depuis ton retour de Sturgis. Je suis là, fils. Avant, tu ne m’as pas laissé le choix d’être présente pour toi quand tu as traversé tes premiers amours, alors laisse-moi l’être maintenant.
— Tu l’es déjà, lui assuré-je.
— Pourtant tu ne te sers pas de l’épaule de ta mère pour te laisser aller une bonne fois pour toutes.  
J’écarquille les yeux de stupeur.
— Je rêve où tu me proposes de chialer sur ton épaule ?
— Seigneur, tu es aussi borné que l’était ton abruti de père, râle-t-elle en fusillant le ciel de ses yeux assassins.
— Parce que je ne veux pas chialer ? m’étonné-je.
Elle pointe brusquement un doigt rageur vers moi en déviant la colère qui hantait son regard sur ma personne.
— Tu sais ce que cela coûte de retenir ses larmes, pauvre andouille ?
— Quoi donc ?
— Des maladies, triple nigaud ! Tu vas finir par te déclencher une saloperie qui va finir par avoir ta peau si tu n’agis pas enfin. Alors, hurle un bon coup, baise ou chiale comme une gonzesse, mais cesse de sombrer un peu plus chaque jour dans la dépression. Tu as survécu à la guerre alors tu vas survivre à une peine de cœur, tu m’entends !
— Cinq sur cinq, réponds-je surpris par son éclat en la fixant d’un drôle d’œil.
— Tu compteras une blessure de plus gravée sur ton cœur avec toutes les autres qui te hantent les nuits. Mais laisse cette souffrance ne devenir que cela : une blessure et non une maladie. La vie continue et il en va ainsi. Alors aussi stupéfiante que l’était Tina, tu te dois de remonter la pente, termine-t-elle en se levant.
Elle passe rapidement une main sur mon crâne et se détourne en direction de la maison. Je crois ne pas avoir revu ma mère aussi inquiète depuis la fois où j’ai quitté son domicile pour rejoindre mon grand-père chez les Shadow Riders.
Un instant plus tard, alors que je lance encore un énième bâton à Sharky, d’autres pas parviennent dans mon dos jusqu’à moi. Ils sont bien trop lourds pour appartenir à ma génitrice, cette fois.
Une autre personne prend la place qu’elle occupait plus tôt.
Hothead.
— Ta mère se fait du mouron pour toi, petit veinard.
Je renifle.
— C’est le rôle de toutes mères, non ? répliqué-je nonchalamment.
— Non, pas toutes, crois-moi. Et cela m’emmerde bien ces derniers temps.
Je l’observe et pince la bouche.
— Comment vont Kyle et ses gosses ? l’interrogé-je.
— Bien. Mes petits-fils sont en voie d’être déclarés sous l’unique garde de mon garçon devant un juge, alors ça ne peut qu’aller pour le mieux de ce côté-ci.
Je hoche la tête en retournant à ma contemplation de la vallée.
— J’aurais bien aimé habiter dans un endroit tel que celui-là. C’est parfois bon de se sentir seul au monde et ici c’est le bon endroit pour avoir droit à une telle aubaine. Je sais qu’on s’est imposé chez toi, parmi ton silence que tu chéris tant.
— C’est pas un problème, le coupé-je.
Il se penche en avant de sorte à attirer mon regard sur lui et arque un sourcil de façon ironique.
— Pas entièrement, me corrigé-je en le faisant ricaner. Ce qui me fait autant vriller n’a strictement rien à avoir avec la présence de mes frères chez moi. La propriété est bien assez grande pour me permettre de m’isoler quand le besoin se fait plus fort. Bien que tout ce vacarme est pénible, mon impatience est causée par tout autre chose.
Hothead se râcle la gorge avant de me confier :
— Je ne cautionne pas les agissements de ma fille. Bien sûr, elle est assez grande pour faire ses propres choix, que je respecte d’ailleurs, mais cette façon d’agir ne lui ressemble pas. Et rester éloignée sans donner davantage de nouvelles, prouve qu’elle n’est pas fière de procéder de la sorte. Peut-être que la honte la retient et la tiraille.
— La honte ? relevé-je. La honte de quoi ?
Il hausse les épaules, puis attrape le bâton qu’agite Sharky devant nous avant de le balancer plus loin.
— De s’être rétractée. Ça ne lui est jamais arrivée. D’habitude, quand ma fille fait un choix, elle ne s’en détourne pas parce qu’il a été mûrement réfléchi.
— Tout le monde a le droit de se tromper.
— Tu la défends, s’étonne-t-il. Ça ne devrait pas me surprendre venant de ta part, tu as toujours su garder la tête sur les épaules et même à cet instant avec ce que cela te coûte.
— Je ne suis pas l’être si bienfaisant que tu penses dépeindre. Crois-moi, des envies de meurtres m’éprennent vis-à-vis de Ghost.
— Mais pas dirigés vers Tina.
— Jamais. Je ne suis pas capable de mauvais sentiments pour ta fille, hormis la colère de l’avoir perdue mêlée à de la rancœur. Je pense que c’est normal vu qu’elle a fait de moi un amant évincé. Mais être mauvais envers elle, non, je ne le pourrai jamais. L’idée-même m’est tout bonnement intolérable.
Il pose sa main sur mon genou et y fait pression quand il dit :
— Je sais, mon garçon. Je sais.
Nous restons un certain temps assis l’un à côté de l’autre, perdus dans nos pensées avant qu’il me glisse :
— Tu vis son rêve.
Croyant avoir halluciner, je lui demande de répéter.
Il m’explique alors :
— Elle ne m’en a jamais touché mot, mais je sais qu’elle rêvait de vivre dans un endroit tel que celui-ci, perdu dans les montagnes avec des forêts à profusion et un lac pas trop loin. Ma fille a toujours adoré San Diego, mais une chose que je n’ai jamais compris, c’est qu’elle est littéralement tombée en amour pour le Montana. Et ce si bien qu’elle ne cessait de mettre le grappin sur ton grand-père dès qu’il passait les portes de notre chapitre, pressée qu’il lui raconte tout ce qu’elle pouvait rater de votre vie dans les montagnes.
Il hésite à poursuivre et me livrer autre chose, mais opte finalement pour garder le silence, alors que je suis autant pendu à ses lèvres et ce qu’il peut me confier la concernant, que fermé à devoir en entendre un peu plus et qui ne fait rien de plus que raviver la flamme de ma douleur vivace.
Il lâche un soupir agacé vu ce que lui coûte son silence et un truc qui semble le tarauder, et prend appui sur mon épaule en me laissant à nouveau seul face à ma solitude que je chérissais tant.
Je la chéris encore, mais je désirais tellement la laisser au profit de cette merveilleuse fille à la peau caramélisée et aux yeux d’un turquoise plus beau qu’un ciel d’été ou d’un lagon perdu sur le plus renommé des archipels.
Je la voulais tellement auprès de moi, chaque jour et nuit jusqu’à la fin des temps.
Ma cage thoracique prise une énième fois d’un spasme sous l’angoisse de son absence, mes épaules s’affaissent et au lieu de voir la vallée en face de moi, je passe l’heure suivante à n’imaginer que Tina. Ses yeux à la lueur séductrice, ses lèvres tentatrices et son petit sourire timide qu’elle faisait parfois quand elle savait que je la fixais encore longtemps après avoir fait l’amour.
Elle me manque. Dieu qu’elle me manque…

Shadow Riders #Bewitching biker's girl & #In Turmoil Où les histoires vivent. Découvrez maintenant