8. LONER

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Loner

Warrior ricane en buvant le reste de sa bière tranquillement tandis que la belle brune s’éloigne. Elle m’intrigue autant qu’elle m’irrite. Je me rends compte à quel point je suis crispé quand je dois détendre mon poing pour saisir la canette que me propose le sergent d’armes.
— Elle t’énerve autant qu’elle te fait bander, p’tit con, me lance-t-il railleur.
Je ne dis rien. Je secoue légèrement la tête d’exaspération.
Il poursuit sur la même lancée.
— Ouais, sourit-il. J’ai bien vu ta réaction hier soir. Elle n’avait rien d’anodin. Pas à moi.
Sur cette dernière déclaration, il prend appui sur mon épaule pour aller rejoindre Nancy, sa régulière, qui lui adresse de grands signes depuis l’eau. J’observe ce grand dadais se magner le cul d’ôter son t-shirt tout en envoyant valser ses pompes n’importe où et s’extirper de son jean avant de courir jusqu’à elle en éclaboussant plusieurs filles du club au passage. Il s’attirent leur foudre en aboyant de rire en retour.
Quelques frères sont installés à l’ombre des arbres et tiennent compagnie aux nombreuses glacières remplies de binouzes pour la majeure partie. Ils discutent avec entrain, tandis que d’autres sont, comme Warrior, dans l’eau à s’occuper de leur nana. Chaudement pour certains d’entre eux.
Pour ma part, je préfère rester en recul et observer tout ce beau monde de ma place ombragée. Je replace mes lunettes de soleil sur le nez et scanne la zone des yeux, quand je finis par stopper net sur les places qu’ont choisi quelques régulières sur le fin gravier blanc.
Occupées à leur bronzage, elles bavardent paresseusement entre elles. Cependant, ce ne sont pas elles qui retiennent ainsi mon attention, mais Tina, debout en train de se débarrasser de son short en jean en laissant un long débardeur frôler ses cuisses.
Tout à sa conversation, elle décroche la pince qui retient ses cheveux captifs. Il ne suffit que de cela pour couper mon souffle. Noir corbeaux avec de superbes reflets bleus, striés de mèches bleues sur les longueurs, ils cascadent autour d’elle avant de terminer leur course éclatante en haut de ses cuisses athlétiques.
Bordel !
Et alors que je ne pensais pas tomber plus bas dans la folie, me voilà au bord du précipice quand elle retire son débardeur. Je n’ai pas de mal à comprendre le silence qui règne tout à coup du côté des gars également. Tout comme moi, je suis certain qu’ils s’étouffent avec leur propre bave s’ils n’ont pas eu le réflexe d’entrouvrir la bouche.
Les paroles de Ranger se rappellent à moi : elle n’a pas grandi comme Kim. Cela prend tout son sens instantanément. Elle affiche un corps sculptural. Il est petit, délicat à quelques endroits stratégiques où poser nos mains pour la soulever ou l’enlacer, travaillé vu l’apparition d’une fine et affriolante tablette de chocolat avec des biceps, triceps et deltoïdes tout aussi minuscules, mais bien présents et sexy, tout en étant doté de formes pouvant rendre totalement fou un homme.
Et sa peau… Dieu que sa peau est divine avec un teint caramel parfait et alléchant au possible. Ce dernier met en valeur chaque courbe de la belle qui affiche également quelques jolies pièces de tatouages sur un bras, entre ses magnifiques nichons, sur un tibia et un pied.
Je frôle la démence lorsqu’elle se tourne en faisant virevolter sa chevelure de rêve pour se diriger vers l’eau turquoise qui scintille sous les rayons du soleil.
Le bikini, qui ne la couvre nullement, ne me procure qu’une seule envie primaire : le détruire. Fixant son fessier bombé se balancer de manière hypnotique et caresser par la pointe de ses cheveux, je me rends compte que j’ai enfin repris mon souffle, mais qu’il est devenu erratique tout comme je suis désormais dur et que le tissu de mon jean m’est insupportable au niveau de l’entrejambe pulsant sévèrement contre l’une de mes cuisses.
Quel merdier !
Je crois n’avoir jamais eu aussi chaud à la queue.  
En serrant les dents, je poursuis ce long calvaire de l’épier sans louper une seule miette du show qu’elle m’offre durant le reste de la journée passée au lac. Entre la voir mouillée, les cheveux plaqués en arrière gouttant sur ses fesses à la J.Lo, bronzer, étalée sur le côté dans une pose charnelle à même les fins graviers clairs la mettant davantage en valeur, on peut dire que j’ai eu mon lot de visions sensuelles pour la journée.
Mais j’avais tort…

Le soir venu, ayant tout particulièrement un besoin irascible de prendre l’air tout en me dépensant, me voilà en train de m’éponger le front, installé dans les gradins, après avoir donné tout mon potentiel et ma frustration dans la zone sportive des Bobcats de Bozeman – équipe sportive fièrement supportée par tout l’État et plus encore.
Enfin, lorsque je fourre ma serviette dans mon sac et en ressort une bouteille d’eau, j’hoquète de stupeur devant l’apparition impromptue d’une autre personne que moi sur les lieux. Tina.
Je grogne intérieurement, parce que mon problème est loin d’être réglé à cette allure.
Ne m’ayant pas remarqué, je demeure immobile dans l’intention qu’il en reste ainsi et l’observe à nouveau. Vêtue d’une brassière sportive, d’un treillis et de chaussures militaire under armour noires, elle s’élance sur la piste de course tandis que je constate son corps déjà en sueur. Cela m’indique qu’elle a commencé sa session de sport bien avant et ailleurs qu’ici. Elle a sûrement couru du chapitre jusque-là pour s’échauffer.
Je fronce les sourcils en me disant qu’elle n’a pris aucune précaution en quittant le clubhouse avant de ronger mon frein lorsque j’aperçois une ronde de prospects à moto s’effectuer autour des lieux.
Je l’épie en train de faire des pas chassés avant de ralentir jusqu’à s’arrêter sur la ligne de départ tracée sur le sol bleu en choisissant le premier couloir. Elle trafique son portable à travers le plastique transparent d’un brassard scratché autour de son bras avant qu’un bip retentisse et qu’elle s’élance comme une fusée sur la piste en me stupéfiant.
Si féline, si rapide. Sa course est sûre, ses gestes aussi. Chaque appui est assuré pour rendre sa course puissante et à la fois légère, aérienne. Merde, on croirait voir Sha Carri Richardson version latino.
Tout comme moi, un groupe d’étudiants l’observe en cessant leurs exercices d’étirements de l’autre côté de la piste. Leur entraîneur désigne d’un index pointé vers elle que c’est exactement ce qu’il attend d’eux. Il pose ensuite les mains sur ses hanches en la regardant, admiratif, prendre le couloir où sont répartis les obstacles et exercer une série de sauts de haies parfaite et qui, je dois bien le reconnaître, m’impressionne tout autant.
Elle ne renverse aucun obstacles en gardant un rythme de course régulier. Si souple… Il importe d’avoir une reprise de course active derrière la haie. Pour y parvenir, le centre de gravité doit être le plus haut possible lors de la réception de la jambe d’attaque et la jambe d’esquive doit être ramenée vers l’avant avec le genou haut. Et elle s’y prend merveilleusement bien.
Après avoir couru un tour de plus en s’étant donnée à fond et avoir offert un nouveau show, ce dont je n’avais vraiment pas besoin, elle ralentit enfin le pas en stoppant le chronomètre qu’elle avait enclenché sur son portable. Elle prend soin de reprendre une respiration stable. C’est ce moment que je choisis pour me tirer.
Je me lève en entraînant mon sac de sport avec moi. Une fois le pied sur la piste, je me débarrasse de ma bouteille en la jetant discrètement dans une poubelle, mais Tina me remarque. Elle écarquille les yeux en m’apercevant avant de se diriger dans ma direction. Je la fixe curieusement le temps qu’elle franchisse les quelques pas qui nous séparent en attendant de voir ce qu’elle peut bien vouloir me dire.
Elle porte son pouce par-dessus son épaule, essoufflée, tout en me désignant la piste.
— Désolée, je n’avais pas fait attention que l’endroit était déjà occupé.
En plus de servir aux équipes universitaires, c’est un lieu ouvert au public. Je ne vois pas où elle peut relever un problème d’être apparue ici après moi.
— C’est pas comme s’il y avait foule, lui réponds-je simplement.
Elle sourit tout en prenant de profonde respiration en ne quittant à aucun moment mon regard. Cela n’enclenche que davantage mon attention sur sa poitrine et que je m’interdis ostensiblement de regarder. Je serre les dents sous l’effort que cela me demande. Putain, faut que je me tire de toute urgence !
— Belle performance, lui lancé-je avant de foutre le camp sans attendre de réponse.
Ouais, j’ai carrément l’air du type qui prend ses jambes à son cou en la fuyant de la sorte, mais qu’importe ce qu’elle peut penser du rustre qu’elle peut voir en moi. Après tout, c’est ce que je suis.
Je m’éloigne donc avec la capacité de sentir son regard posé sur mon dos. C’est louche, mais je suis certain de pouvoir le deviner glisser sur moi, car ma peau, d’une drôle de façon, semble électrisée.
Cette meuf est en train de créer un joyeux bordel en moi et putain, je déteste ça ! Parce qu’uniquement son regard… Bon sang, son regard est en train de causer de sacrés dommages en moi.

Le lendemain, je commence ma journée comme à l’accoutumé : passage éclair dans la salle de bains, jus d’orange pressé, apaiser Sharky qui s’excite un peu trop sur le vieux skate que je lui ai dégoté il y a de cela des lustres parce qu’il espère que je vais le prendre avec moi durant ma course. Hors de question, vu son endurance c’est un aller simple pour le véto d’urgence.
La fois, et la seule d’ailleurs, où j’ai tenté l’expérience, je n’avais pas tergiversé une plombe sur s’il était capable d’endurer un peu de course ou non. Bah quel con, je ne commettrai plus jamais cette erreur. J’ai dû le porter sur cinq miles pour le ramener à la maison tant il était mort.
Sérieusement, j’avais déjà ralenti l’allure quand je m’étais aperçu de la longueur de langue qui pendait par-dessus sa mâchoire inférieure décalée en avant. J’ai dû tout arrêter quelques mètres plus loin quand il est tombé sur le côté en s’avouant vaincu les quatre fers en l’air.
Aujourd’hui, autant dire qu’il tente de nouveau de me convaincre de le prendre, comme à chacun de mes footings, mais c’est fini, putain. C’est une affaire close entre lui et moi. Je me rends donc sur mon parcours habituel : le « Drinking Horse Mountain Trailhead » derrière chez moi.
Ensuite, je m’enferme le restant de la journée, jusqu’au soir, dans ma forge. Tweak, un frère du club, roux comme un renard, passe en fin d’après-midi, accompagné d’un prospect, Sluggy. Ce dernier doit son surnom à sa façon de se déplacer. Complètement stone, alors que ce n’est pas le cas. Ils viennent récupérer une commande pour notre armurerie.
Freegun est celui qui se charge de ce commerce, mais étant donné qu’il est actuellement en filature, Ranger a proposé à Tweak de s’en charger durant son absence.
Il me reste pas mal de boulot pour les ranchs environnants en demande de fers à cheval. J’avais dans l’idée de poursuivre ça dans la soirée, mais Tweak m’a appris que le run auquel doit participer Speedy, notre mécano ivre de vitesse et sensations fortes, se déroule justement ce soir. Je m’y attendais vu que la bike week démarre dans quatre jours.
Fanatique de courses, je vais donc m’y rendre et encourager mon frère par ma seule présence. C’est bon d’avoir les siens proches de soi durant ce genre d’épreuves. On se soutient tous qu’importe nos préférences sportives ou autres. Nous sommes frères donc nous nous devons d’être là les uns pour les autres. Pas d’exception.
Je suis resté reclus dans mon antre en solitaire toute la journée, donc il est temps pour moi de réapparaître parmi la foule. Et franchement, je crois bien que c’est la seule fois où j’ai vraiment besoin d’entendre plus de boucan qu’en font mes pensées depuis la veille. Le court échange que j’ai eu hier soir avec la fille de Hothead est repassé en boucle dans mon esprit toutes ces heures à battre le fer ainsi qu’une grande partie de ma nuit, de mon footing etc.
Je suis incapable de dire pourquoi. Bien entendu, elle est belle comme pas permis, avec un corps du tonnerre et tout et tout… Mais voilà, des meufs sublimes, j’en vois beaucoup, et avec des corps tout aussi splendides.
Ouais, ben alors pourquoi l’avoir elle autant en tête mon salaud ?!
Je présume que c’est la question à un million. Honnêtement, je commence à croire que je développe une sorte de névrose à faire une fixation sur elle. C’est quoi ? Le fait qu’elle fait « normalement » partie des intouchables ? Aucune idée, n’empêche elle me fout à l’envers et cela m’emmerde bien. Voici la seule chose dont je sois formellement sûr.

L’ambiance sur Springhill Road, entre Bozeman et Camona, est à son comble. C’est le cas pour tous les runs organisés. Des centaines de gens sont amassés sur les bas-côtés dans plusieurs endroits sur la route.
Certains ont ouvert les coffres de leur bagnole pendant qu’un son est lancé à plein tube. Des nénettes se la jouent chaudasses en se déhanchant, les gars affamés sifflant en les encourageant. D’autres mènent les paris où je discerne pas mal de billets tendus à bout de bras s’agiter dans les airs ou changer de mains.
J’avise quelques frères et m’approche d’eux avant de couper mon moteur et de les gratifier d’un signe de tête respectueux.
— Speedy est motivé ? demandé-je à Warrior et Scar.
Mon frangin à la cicatrice barrant son œil droit se charge de me répondre en s’esclaffant.
— Un peu trop ! Disons qu’il travaille à faire baisser la pression.
Il me désigne du doigt un point derrière moi. Lorsque je suis sa direction, je découvre Speedy, le blondinet de ces dames, la langue perdue dans le gosier d’une meuf, en train de malaxer tout ce qu’il a besoin de toucher pour se détendre.
Je secoue la tête, un sourire en coin.
— Je vois.
J’observe les environs et scanne les visages qu’il comporte. J’adresse quelques signes à des connaissances avant de mettre sur pause pour revenir en arrière.
Je grogne.
Warrior capte aussitôt ce qui a retenu mon attention.
— C’est pas comme si nous pouvions les empêcher de vivre, Loner. Bien que le danger plane, aucun incident n’est parvenu chez nous. Pas de couvre-feu équivaut à la liberté.
— Ce n’est pas parce qu’il n’y en a pas eu, qu’il n’y en aura pas, fais-je rageur.
— Les prospects sont sur le coup et rodent aux alentours, m’indique-t-il. Rien n’est à déclarer. Tout comme tu sais aussi bien que nous que les frères mènent l’enquête. Du côté de Freegun et Dumbo, il n’y a aucun mouvement relevé de la part des 3K ni du groupe extrémiste de Jena.
— Exactement ! Alors détends-toi, bordel ! s’exclame Scar en ricanant.
Je ne me détends pas, non. À contrario, je lui retourne un regard sévère. 
— As-tu oublié ce dont est capable l’ennemi, Scar ?! Moi non, alors je ne déstresse pas, compris ?!
Je m’éloigne en arrangeant d’un geste sec mon cuir sur le dos en me dirigeant vers un rocher parfait pour m’y installer et assister au run.
— Putain, l’Afghanistan c’est fini, Loner, s’écrie-t-il dans mon dos. Faut vraiment que tu passes à autre chose.
J’entends un « outch » et comprends que Warrior a eu recours à son éternelle tape à l’arrière du crâne. Si je me retournais là, je verrais Scar en train de le fusiller du regard tout en se massant l’arrière de la tête. Seulement, je m’en abstiens. J’ai besoin d’évacuer et non de voir mes frères se chamailler.
Oui, j’ai fait trois missions. Oui, j’en suis revenu. Mais chaque fois que j’ai dû m’y rendre m’a ôté une partie de plus de moi qui est restée prisonnière là-bas. Beaucoup trop de moi est resté là-bas. Coincé dans l’épouvante des affrontements de ces paysages désertiques dissimulant mille et un dangers, dans la perte de frères de régiment laissés derrière nous, dans les souvenirs affreux nous maintenant éveillés, dans l’espoir de rester en vie en se tournant chaque soir vers un Dieu en lequel on ne s’adresse jamais en dehors de cela.
J’en suis constamment hanté.
Maudit.
Maudit pour avoir assisté à tant d’horreurs.
Maudit pour être toujours en vie alors que tant d’autres ont péri pendant que je me demande pourquoi moi suis-je revenu et pas eux.
Pourquoi ?
Revenir vivant de la guerre, c’est comme revenir à moitié mort. Et c’est ce que je suis : mi-vivant mi-mort.
Condamné.
Mes nuits sont un rappel constant de cet enfer. Et rien ni personne ne peut y faire quoi que ce soit. Mon corps en portent les stigmates. Preuves irréfutables de la violence à laquelle j’ai été confronté. Preuves avérées que je ne dormirai jamais plus en paix.
Les phares d’un gros pick-up customisé nous aveugles tandis que je détourne mon regard pour le poser sur la raison de mon irritation. Tina et Kim se tiennent de l’autre côté de la route et se marrent à l’écoute d’un débile du groupe avec lequel elles semblent avoir sympathisé.
Tandis que la coupable de mon esprit en vrac lève la tête, nos regards se croisent. Ils s’accrochent quelques secondes avant que le pick-up vienne mettre un terme à cet échange visuel où ni elle ni moi n’avait l’air de vouloir stopper.
J’ai pu lire mille et une questions dans le sien, tout comme elle a pu très certainement en faire autant me concernant. Mais pour l’heure, la bagnole désormais placée entre nous me permet de me concentrer sur les cinq pilotes alignés sur la ligne éphémère.
Speedy est en concurrence directe avec un gars d’un MC de Harlowton, un membre d’un gang de Rapid City avec lequel nous avons parfois eu quelques déboires, mais rien de bien sérieux jusqu’ici vu qu’ils acceptent notre mainmise sur un bon ensemble du territoire, sauf celui des Amérindiens avec lesquels nous sommes amenés à bosser. 
Les deux autres sont des chevronnés de vitesse appartenant à un papa assez fortuné pour jeter des milliers de dollars dans des pièces qui vont finir écrabouiller dans une casse du coin. Nous gardons tout de même un œil sur le membre du gang. Il peut toujours être susceptible de sortir une arme camouflée et passée inaperçue du gars chargé de la sécurité du run. S’il ne l’a pas payé pour rester aveugle.
Enfin, ça c’est un pari risqué vu ce qui l’attend en retour de notre part si jamais il accepte pareil marché. C’est la mort assurée donnée par la main d’un Shadow. Pas de pardon. Pas de pitié.
Et puis, Rob, le chargé de la sécurité en question, et de l’organisation de la course, n’aurait strictement rien à gagner d’un tel marché. Il touche une grosse commission pour chaque run. Surtout de notre part.
Les pilotes font chauffer les moteurs. Prankster adresse un dernier mot d’encouragement à Speedy avant de lui administrer une tape dans le dos. Au moins, il ne l’a pas lâché pour une chatte. C’est déjà ça, raillé-je en moi-même.
Le signal est donné. Rob, installé dans le plateau arrière du pick-up, s’accroche tandis que le conducteur s’élance à grande vitesse sur la route. Un mégaphone dans la main, Rob donne le feu vert et les cylindrées hurlent avant de fuser à sa suite. C’est l’instant où les personnes présentes deviennent toujours un peu plus excitées en envahissant la route après le passage éclair des deux roues.
Lorsque je jette un œil devant moi, je tombe sur Tina qui n’a pas bougé d’un iota, au contraire des autres et même de Kim jonchée sur les épaules d’un des gars qui les entouraient plus tôt.
Elle me considère avec insistance. Je dois représenter un sacré dilemme dans ses pensées. J’arque un sourcil en retour en me détournant d’elle pour suivre la course que je parviens toujours à voir. Bien entendu, je ne sais pas qui la mène, mais j’espère pour Speedy qu’il a le feu au cul pour remporter la victoire. 
Quelques minutes plus tard, ce veinard franchit la ligne d’arrivée en faisant des Shadow Riders présents, la fierté de tout un club. Ranger va être content, si ce n’est pas déjà le cas vu que j’aperçois Warrior un téléphone collé à l’oreille en train de s’égosiller dedans pour tenter de se faire comprendre de son interlocuteur. 
Je souris, toujours sur mon rocher, quand j’adresse un signe à Speedy. Ce dernier lève le poing en retour en hurlant de joie, l’adrénaline coulant toujours à flot en lui, et me faisant marrer, quand une greluche du coin se jette à son cou en lui offrant le patin du siècle. La foule siffle et mon frère zappe aussitôt notre échange pour se consacrer entièrement à la blonde à gros nichons. 
Je ne lui en veux pas, elle est mieux que moi, songé-je avec amusement. Je le laisse profiter de ce moment de joie quand des sirènes retentissant au loin se font entendre dans la vallée montagneuse.
— Merde, soufflé-je en quittant mon rocher.
Pendant que la zizanie règne sur les lieux, je parviens à atteindre ma bécane. Je fouille la foule agitée des yeux quand je localise Warrior et Scar. Ils prennent la tangente tandis que j’aperçois Speedy mettre les gaz non sans avoir oublié la blonde qui s’accroche à l’arrière de sa moto.
Je mets les gaz en m’assurant que ce p’tit con de Prankster ne se fait pas prendre. En roulant au pas, je le distingue plus loin avec Kim accrochée à son dos. Ils sont en train de foutre le camp alors j’accélère. Seulement, je passe immédiatement en alerte, quand je remarque l’état paniqué de cette dernière qui jette des coups d’œil dans tous les sens en s’écriant à répétition : Tina !
Les flics apparaissent finalement au milieu du foutoir de la foule affolée et des véhicules se barrant de tous les côtés. Je continue d’esquiver ceux qui me foncent dessus en totale inconscience en scannant chaque visage et coin devant lesquels je passe lorsque je l’aperçois enfin. 
Elle semble confuse et sonde les environs du regard. Je m’arrête devant elle.
— Monte ! lui ordonné-je précipitamment en devant hausser le ton pour me faire entendre par pareil raffut.
— Et Kim ? me retourne-t-elle angoissée.
— Avec Prankster.
Elle n’attend pas une seconde de plus et enfourche l’arrière de ma bécane en s’agrippant à mes épaules. Je nous fais aussitôt quitter les lieux en empruntant un chemin qui mène à un atelier de carrosserie automobile, puis un expert immobilier tout en redescendant droit vers Bozeman. Ceci dit, une flopée de bagnoles de flics nous attend aux abords de la ville.
Une course poursuite entre eux et moi s’engage et Tina m’entoure maintenant la taille en étant entièrement plaquée à moi pour nous éviter de chuter dans les virages. Nous ne faisons qu’un. Je remonte donc à hauteur du golf et disparais sur le chemin menant jusqu’à chez moi. Pas d’autres alternatives, c’est de la folie en ville. Autant attendre que cela se tasse un peu.

Shadow Riders #Bewitching biker's girl & #In Turmoil Où les histoires vivent. Découvrez maintenant