30. LONER

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Loner

C’est la merde !
Personne ne sait comment ça s’est produit, mais nous avons tous vu la bécane de Speedy voler dans les airs en projetant un tas de ferrailles dans le public amassé sur chaque bordure de la route sinueuse.
J’ai à peine tourné la tête, un peu après que le départ a été donné et que les participants se sont lancés à pleine vitesse dans une énième course endiablée, en souhaitant retrouver Tina, qu’un boucan trop inquiétant m’a tétanisé sur place.
En jetant un œil par-dessus mon épaule, j’ai vu une silhouette malmenée sur plusieurs mètres tandis que l’engin au phare tournoyant dans les airs éclairait par intermittence la foule jusqu’à finir sa course dans un ravin.
Figé, il m’a fallu quelques secondes pour réagir et me précipiter vers la silhouette immobile de mon frère de club. J’ai vite été entouré de mes autres frangins avant d’arriver auprès de Speedy.
Il n’est pas mort. Mais c’est tout comme.
Regroupés dans la minuscule salle d’attente de l’hôpital le plus proche, nous attendons dans un silence angoissant le verdict du doc’ qui se charge de notre pote.
Si jamais Speedy s’en tire, il sera changé à jamais. C’est inéluctable. Et putain, je suis mort de trouille à l’idée de ne plus l’entendre faire le con tout en fanfaronnant, de faire face à une énième perte. C’est une chose à laquelle on ne s’habitue jamais même en ayant dû y faire face beaucoup trop de fois dans sa chienne de vie.
Je suis toujours hanté. Hanté par les traumatismes que laisse immanquablement la guerre. Mon dernier souhait serait que Speedy ne s’ajoute pas à la longue liste des gars, des frères d’armes et même de clubs, que j’ai vu mourir sous mes yeux. 
En voyant Brawler apparaître au bout du couloir et venir jusqu’à nous, dans un premier temps, je ne prête pas attention à sa mine grave, nous affichons tous la même. Mais après coup, quand il pince la bouche en se plantant devant moi visiblement en ne sachant pas très bien par où commencer ce qu’il cherche à me dire, là je me dis qu’un truc cloche en plus de tout ce chaos.
— Tina est bien sous bonne garde avec Sluggy ? m’assuré-je.
Évidemment, elle est ma priorité, alors quoi qu’il ait de merdique à ajouter à cette soirée désastreuse, je préfère m’en assurer avant toute chose.
Mais vu le tic nerveux qui agite une fois de plus ses lèvres, mon cœur s’accélère.
— Skinny et Sluggy l’ont cherchée partout parmi la foule lorsque tu leur as ordonné de la surveiller. Ils ne l’ont pas trouvée. Kim m’a assurée qu’elle ne l’avait pas vu revenir au camping ni personne d’autre.
Je le regarde sans bouger, je ne sais pas si je respire encore vu le temps que cela me prend pour arriver à percuter ce qu’il me dit vraiment.
— T’es en train de me dire que Tina est introuvable depuis que je l’ai laissée pour rejoindre Warrior à gérer les paris ? T’es vraiment en train de me dire que ces abrutis de bleus ne l’ont pas trouvée alors qu’elle se trouvait à seulement six putain de mètres de moi ?
L’expression à la fois furieuse et accablée, il me répond :
— Ils ont dit qu’ils l’avaient presqu’atteint quand elle a détalée comme une furie au beau milieu de la foule en folie. Ils se sont lancés au pas de course dans son sillon, mais à l’évidence, elle avait disparu plus vite qu’il n’en faut pour le dire.
— Merde, souffle Warrior quelque part dans mon dos.
Je sens la présence de mes frères présents dans la petite salle veillotte s’être rapprochés de moi à l’annonce que vient de me soumettre Brawler.
— Tina est bien trop intelligente et maline pour qu’il puisse lui arriver quoi que ce soit, évalue Scar.
— Tout comme elle est bien trop perspicace pour agir contrairement aux règles, énoncé-je d’un ton bas en tentant inlassablement de la joindre alors que je ne tombe que sur son putain de répondeur.
Tout à coup, la vérité me frappe.
— Tout ceci n’était qu’une mise en scène, déclaré-je.
— Qu’est-ce que tu veux dire, mon frère ? m’interroge Warrior sur le qui-vive. Je te suis pas là.
— L’accident, puis la disparition de ma régulière. C’était un putain de plan !
— Ta régulière ? relève une voix derrière nous.
En y faisant face, nous tombons sur Maverick et Ice venant de pénétrer dans les urgences de l’établissement hospitalier.
— Je ne dirai plus ça à ta place, poursuit Ice en continuant de s’avancer.
— Et pourquoi ça ? le questionne Scar à ma place.
Je suis mort d’inquiétude, réfléchis à cent à l’heure pour comprendre ce qu’a bien pu faire Tina pour se tirer aussi vite et dans quel but, me stresse beaucoup trop en pensant qu’il a pu lui arriver quelque chose de grave et tente de me canaliser pour ne pas partir en vrille.
Alors autant dire que mon frère assimilant sans mal mon état actuel, se charge de mener cette pêche aux infos à ma place tandis que je reste aussi attentif qu’à l’accoutumée.
Et puis, pourquoi ce con d’Ice réagit de la sorte ? Ils m’ont bien tous vu monter sur cette scène en nous affirmant elle et moi comme un couple officiel alors que j’agissais en bon homme des cavernes en sortant une Tina trop dévêtue à mon goût.
— Peut-être parce qu’elle a filé du run en catimini en compagnie de Ghost, lâche-t-il en pinçant la bouche. Désolé mec, mais je crois qu’elle a revu à la baisse votre relation naissante et a finalement choisi notre frère de club. Du moment qu’elle ne porte pas ton cuir, ce n’est pas un crime qu’elle l’ait choisi lui au final.
— On sait tous ça, Ducon, grogne Warrior. Ne crois pas nous apprendre nos propres règles, merdeux.
Ice lève les mains en l’air en signe de paix.
— Du calme, frère.
Scar pose une main sur mon épaule, car je ne suis rien d’autre que statufié face à cette annonce.
Est-ce possible ? A-t-elle réellement choisi Ghost finalement ?
Tout allait à merveille entre nous. Rien ne clochait. Mais tes deux frères de club te disent qu’ils l’ont vu fuir avec Ghost. Il s’agit de son meilleur ami, me souffle ma conscience.
— Il est comme un frère pour elle, romps-je mon mutisme. Ils doivent très certainement se trouver quelque part en train de discuter. De mettre les choses au clair entre eux. Ils se sont quittés pas en bon terme après qu’elle ait refusé de le choisir lui.
— Connerie, émet Ice.
— Pas si sûr, le contre Mav’. Attendons de les voir réapparaître. Nous aurons enfin les informations qui nous manquent les concernant. Pour l’heure, nous devons garder la tête sur les épaules pour notre frère, et non nous disputer pour quelque chose de moins grave. Navré, Loner, mais tu sais aussi bien que moi que je ne désire pas te blesser et qu’il faut rester rationnel.
Ice et Warrior se regardent un peu en chien de faïence, enfin surtout Warrior qui semble vraiment avoir une dent contre notre frère de San Diego. Je préfère garder la tête sur les épaules et faire confiance à Tina. Bien que précoce, je suis confiant quant à notre relation. Tina est fiable. Je décide de m’en tenir à cela.
Une porte s’ouvre dans notre dos et nous faisons aussitôt face au doc’ qui vient précautionneusement jusqu’à nous. Nous restons une bande de bikers hors-la-loi et vu l’ambiance qui règne entre nous actuellement, il n’y a rien de mieux pour faire flipper les citoyens lambdas. 
Hothead et Ranger font leur entrée à leur tour et nous rejoignent en prêtant attention au docteur ou chirurgien.
— Nous avons stabilisé l’état de votre ami. Néanmoins, il reste un cas critique. Nous avons été dans l’obligation de le plonger dans un coma artificiel, vu l’étendue et la gravité de ses blessures. Il souffre de traumatismes crâniens et était en arrêt cardiaque quand nous l’avons reçu. Il a plusieurs côtes fracturées dont une fracture ouverte au tibia droit et de nombreuses autres contusions de ce côté-ci.
Nous sommes de plus en plus abattus au fur et à mesure que le docteur expose les séquelles qu’arbore Speedy. Bon sang, s’il sort de là, une longue période de rééducation l’attend. Il nous faudra le soutenir au mieux pour qu’il n’envoie pas tout paître car ce sera inévitablement une phase sombre et longue à traverser où le moral nous fait souvent défaut.
Le doc’ poursuit en ajoutant à cette liste un peu plus de consternation. 
— Le côté droit de son visage a été ravagé par le choc qu’il a subi en percutant le bitume. Il doit y subir plusieurs opérations. Notamment la reconstruction de l’arcade sourcilière, du nez, la pommette, la mâchoire et l’oreille. Des dents devront être remplacées aussi. Son bras droit a également été touché. Moins gravement, mais avec un poignet affichant une double fracture.
Ranger intervient lorsque le doc’ arrête enfin d’énumérer toutes les merdes qui bousillent notre frère.
— Quand pourrons-nous le voir ?
— Dès demain. Nous vous tiendrons au courant au fur et à mesure des opérations qu’il devra subir. Pour l’heure, mes collègues plâtrent son avant-bras droit avant que nous l’opérions du tibia. 
Il semble hésiter, mais examinant de courtes secondes nos mines en attente, il ajoute avec précaution :
— Je ne vous mens pas, lorsque votre ami aura fini la phase coma, un long chemin l’attendra, c’est certain. C’est psychologiquement que cela va s’avérer plus difficile. Un accident ayant laissé des séquelles corporelles, comme dans son cas, a la solution d’une rééducation qui fonctionne à merveille. Bien sûr, si on prend au sérieux cette remise en forme pour récupérer un maximum de pourcentage voire la totalité de ses capacités. Des côtes et des os fracturés, cela se répare. Les traumatismes crâniens se résolvent. Il faut plusieurs semaines, voire mois, pour guérir de ça. Mais votre ami a également été touché au visage. Lourdement. Devoir faire face à son image défigurée va être un choc.
— Mais vous avez dit que vous l’opèrerez, non ? relève Scar.
— Oui, confirme le doc’, mais même après une opération esthétique, plusieurs d’ailleurs, il y a des traces qui ne s’effaceront pas. La mâchoire sera reconstruite, le nez, la pommette et l’arcade sourcilière aussi, comme l’ajout d’implants dentaires ayant été arraché. Toutefois, tout ceci va laisser des cicatrices.
— Et qu’est-ce qu’on en a foutre, putain ! grogne Hothead en intervenant pour la première fois.
Son éclat nous surprend. Tous abattus face à ce qui touche Speedy, il détone parmi nous avec sa soudaine fureur.
— Notre frère n’est pas mort, bordel ! Alors cessez de faire vos mauviettes, bande de cons ! Réjouissons-nous de sa survie, peu importe le reste du moment qu’il s’en tire !
— Pas faux, approuve Warrior dans un marmonnement.
Quelques-uns, séduits par cette intervention, hochent la tête en total accord. Je le suis également, tout comme j’apprécie qu’il se conduise en véritable président. Je salue sa tentative, elle fonctionne, mais je ne parviens pas à me défaire de la déchirure que me cause l’état de mon frère de club.
En jetant un coup d’œil sur Scar, toujours à mes côtés ainsi qu’au prospect dont je me charge, Brawler, je réalise qu’ils sont tous deux dans le même état d’esprit que le mien. Néanmoins, nous faisons bonne figure afin d’alléger l’atmosphère comme vient de nous montrer la voie Hothead.
Le doc’, un peu déconcerté par ce soudain éclat dans l’objectif de fortifier les troupes, bafouille légèrement avant d’opiner du chef.
— Je dois reconnaître que bien que votre réaction soit plutôt… Particulière, votre ami ne manquera pas de soutien pour se sortir de cette phase. Je suis désormais certain qu’aucun de vous ne le laissera sombrer dans la dépression.
— Plutôt crever ! gronde Warrior tandis que le doc’ sursaute légèrement face à la sévérité inquiétante qu’offre ce dernier.
— Dans ce cas, je vous dis à bientôt pour la suite des soins qui seront apportés à M. Bjornson.
Nous acquiesçons d’un signe de tête tandis qu’il retourne auprès de notre mécano en piteux état. Les secondes filent dans un nouveau silence après le départ du doc’ jusqu’à ce que Ranger frappe dans ses mains en captant aussitôt notre attention.
— Je ne veux pas de ça lorsque notre frère sera sorti de ce putain de coma, nous met-il en garde. Pas de réaction face à ce qu’on va découvrir de son visage. Rien. Seulement des sourires, des blagues à la con et des nouvelles du club. Rien d’autre, insiste-t-il. Et si jamais il flanche, on l’en empêche. C’est compris ?
— Ça marche, lâché-je tandis que les autres renchérissent.
Maintenant que nous en savons plus, même si ça craint un max pour notre frère, il me faut urgemment prendre l’air. J’ai un besoin vital de m’échapper d’ici et de foncer au camping voir par moi-même que Tina est revenue, qu’elle a fini de discuter et qu’elle m’attend tranquillement sous notre tente.
Brawler me suit sans chercher à discuter. Il a appris à me connaître comme je l’ai fait pour lui et respecte mon tempérament solitaire dont j’ai tant besoin, surtout quand rien ne va comme je l’espérais et que tout part en vrille.
Sur la route, je suis hanté par le vol plané de Speedy, sa bécane tournoyant dans les airs, le visage ensanglanté de ce dernier quand nous sommes arrivés auprès de lui, l’os de son tibia transperçant son jean à cet endroit… Que d’horreurs, bon sang ! À cela s’ajoute ma pire crainte. J’ai peur ! Je flippe comme un malade parce que je ne sais pas si je vais retrouver Tina dans ce putain de camping.
J’aime pas ce que me font ressentir mes tripes. Ce spasme constant dans mon bide, comme de l’adrénaline qui se traduit dans l’ensemble de mon corps en un frisson de mauvais augure. Je ne suis pas fan de cette sensation. J’ai le sentiment qu’elle est seulement porteuse de mauvaises nouvelles.
J’aimerais mettre ça sur le compte de cette soirée désastreuse avec l’accident de Speedy, mais il semble que ce soit plus profond. Indescriptible, mais bien vivace.
Lorsque je me gare sur le parking, Brawler est en train de placer sa béquille quand je l’interroge :
— Comment sont-ils partis ensemble ?
— Quoi ? me retourne-t-il, confus en me dévisageant.
— Tina et cet enfoiré de Ghost. Quel véhicule conduisait-il quand ils se sont barrés ? Je veux le savoir.
Il réfléchit un instant avant de me répondre en fronçant les sourcils.
— Je demande ça à Ice, me dit-il en se munissant de son portable sur lequel il entre un texto.
Je cogite sévère en traversant presqu’au pas de course le camping tandis qu’il me suit de près. 
— Un pick-up noir, m’apprend-il.
Intéressant.
— As-tu vu quelque chose de louche durant la course ?
— Dans quel sens ? me demande-t-il alors que j’atteins enfin la tente qui accueille désormais nos nuits les plus belles et les plus endiablées.
Elles sont devenues les plus beaux échanges de toute ma vie. C’est grâce à Tina. À tout ce qu’elle me fait ressentir de puissant. Elle est ma lumière. Je ne me suis jamais senti en paix avec qui que ce soit. Avec elle, je connais ce qu’est l’alchimie. C’est ce qui nous arrive à tous les deux. J’ai l’impression qu’elle et moi ne faisons qu’un. Deux putain de moitiés d’âmes qui s’assemblent à merveille pour ne former qu’une.
J’écarte les pans dans un geste impatient en ne découvrant que son absence. Ce vide tombe tel une chappe de plomb dans mon estomac.
— Dans le sens où l’accident aurait été sciemment provoqué. Dans le sens où quelqu’un aurait un peu trop rodé autour de la bécane de Speedy, dans le sens où Tina serait tomber dans un piège, lâché-je entre mes dents en fourmillant d’idées quant aux raisons qui auraient pu faire tout cahoter durant une seule et même soirée et ceci dans le même laps de temps. Trop de coïncidences.
Mais Ghost reste un Shadow Riders, me rappelle ma conscience. Impossible qu’il fasse un coup bas pareil.
— Tu penses que l’accident était calculé ? Que Tina aurait été susceptible d’être enlevée ? Par… Ghost ? termine-t-il de m’interroger en hésitant clairement sur le dernier point vu l’ampleur que cela impliquerait.
— Ce sont des possibilités. Son portable est d’ailleurs éteint, ce qui n’arrive jamais. Elle est bien trop précautionneuse. Ça colle pas, putain…
— Ça suffit, mon frère, intervient Hothead dans notre dos.
Nous lui faisons face, tandis que d’un signe de tête il indique au prospect de nous laisser. Ce dernier se casse immédiatement et le père de Tina soupire en extirpant son paquet de clope de la poche intérieure de son cuir. Il m’en tend une que je récupère.
Il s’installe sur une chaise longue et tapote celle libre à ses côtés.
— Viens t’asseoir une minute, Loner. J’ai à te causer.
Je ne prends pas la peine d’allumer ma clope quand il me présente son briquet toujours ouvert sur une flamme nous éclairant un peu plus dans la nuit.
— Où se trouve ta fille, Hothead ? le questionné-je en allant droit au but.
Il soupire une nouvelle fois en rangeant son briquet d’un air frustré. Pas bon du tout ça. Mon cœur bat comme un forcené si bien qu’il risque de causer de sacrés dégâts dans ma cage thoracique. 
— J’ai reçu un appel de Ghost.
Il me lance un regard prudent qui m’agace.
— Arrête donc d’entretenir ce suspense insoutenable, Hothead, le préviens-je en arrondissant les yeux dans l’attente.
— Elle reste avec lui, déclare-t-il enfin.
Je dévie le regard sur le sol caillouteux en appuyant mes coudes sur mes genoux écartés et laisse tomber ma tête entre mes épaules tout en l’interrogeant à voix basse.
— Tu parles uniquement de ce soir ou pour les jours à venir ?
Son silence est éloquent. Je refuse d’y croire. Elle ne peut pas me faire ça ! C’est pas la putain de réalité. Impossible, merde !
— Je suis navré, Loner.
Je suppose qu’il a également parlé avec sa fille. Qu’elle lui a fait des aveux.
Son apitoiement sur mon sort m’insupporte. Je n’en veux pas. Mais je ne dis rien. Comme toujours. C’est la seule façon qui m’aide à avancer, ne pas causer, ne pas péter un plomb, ne pas craquer et fuir. Fuir pour regagner mon antre. Fuir pour retrouver mon quotidien qui finalement m’allait comme un gant avant que cette diablesse aux yeux bleus vienne tout chambouler en ravissement cette putain de merde palpitante dans ma poitrine.
Pourquoi a-t-il fallu que je m’affaiblisse de la sorte ?
Quel con !
Je me suis fait avoir comme un bleu ! D’ailleurs, c’est exactement ce que j’ai été : un bleu dans l’art d’aimer. Quelle merde ! Une belle merde l’amour si vous voulez savoir. Si c’est ça ouvrir son cœur, alors je n’en veux pas ! C’est bien trop douloureux.
J’ai le sentiment affreux d’étouffer et cette saloperie me ramène automatiquement vers mes démons de la guerre. Je me revoie coincé dans une pièce secrète souterraine ennemie, où régnait une atmosphère cauchemardesque saturée de sable, de poussière et de mort après l’explosion d’une bombe artisanale m’ayant bloqué parmi des restes humains déchiquetés dont des frères morts au combat.
Je me mets instinctivement à haleter en tirant sur le col de mon tee-shirt dans l’objectif de chercher davantage d’air. Je sens même des gouttes de sueur apparaître à la lisière de mes cheveux et s’écouler lentement sur mes tempes.
Soudain, une main sur mon épaule me fait sursauter.
— Hé, mec, ça va ? s’inquiète Hothead.
— La paix, putain ! grogné-je en quittant brusquement le transat.
— Où tu vas, merde ? me gueule-t-il dans mon dos alors que je m’échappe clairement de cet endroit de malheur. 
— Dans ma forge.
— Quoi ?! s’écrie-t-il. Putain, mec t’es pas sérieux ! Il est deux heures du mat’ et ta forge se trouve à Bozeman !
— Rien à foutre, grommelé-je en ignorant les appels du président de notre président que j’abandonne dans mon dos.
— C’est fou comme vous vous ressemblez, lâche-t-il dans un soupir.
Rien à foutre de ce qu’il pense et peu importe à qui il me compare. Je ne veux pas savoir, surtout si c’est pour me dire qu’il me trouve un énième point commun avec sa fille. Je suppose qu’à travers l’appel de Ghost, il a pu discuter à tête reposée avec elle. 
Je passe devant un Brawler semblant comprendre sans mal ma situation, mais où il prend soin de garder une expression neutre. Ce jeune est un peu le reflet du moi ado. C’est peut-être la raison pour laquelle je me suis vu en lui la première fois que je l’ai aperçu et ai décidé de le prendre sous mon aile.
Il me dit seulement, quand je regagne le parking et que je remarque que la moto de Tina est garée-là n’amplifiant que ma colère au passage et où j’apprends par moi-même la douloureuse leçon que l’amour peut vite prendre le visage de la haine :
— Speedy aura besoin de toi.
Maigre tentative à me retenir.
— Il vous a à tous, réponds-je sèchement. J’ai besoin d’air !
Ce sont mes derniers mots avant d’enfourcher ma bécane et de foutre le camp de Sturgis. Oui, je suis en colère ! Je me sens dupé par Tina bien qu’une minuscule part en moi a du mal à y croire vu la sincérité qu’il me semblait véritable dans les paroles et yeux de la belle Shadow.
Mais les faits sont là. Si Hothead lui-même est venu me retrouver pour m’affirmer une telle chose, c’est qu’il ne nourrit aucun doute. Alors il faut que je trouve le moyen de faire taire cette petite voix en moi qui me crie que c’est impossible.
La paix, putain ! La paix !
C’est ainsi que je laisse dans mon sillage, en prenant la route comme un enragé fuyant le diable à ses trousses, mon amour se transformant davantage en animosité.
Ghost l’a finalement gagnée…
Pourtant ses yeux…

Fin de l'épisode 1

À suivre…

...épisode 2 juste ici👇

Shadow Riders #Bewitching biker's girl & #In Turmoil Où les histoires vivent. Découvrez maintenant