19. TINA

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Tina

Je viens à peine de poser les pieds à Sturgis que c’est déjà la merde. Loner tente de marquer son territoire sur ma personne alors qu’il m’a fuie dès qu’il l’a pu après avoir joué à Tarzan, Ghost me regarde de travers pour une raison que j’ignore, mon père s’interroge en observant ces deux hommes curieusement, mais en serrant autant les dents que les poings, et Kim semble ravie de tout ça.
Agacée, je passe devant elle et lui donne un coup d’épaule.
— T’as fini de te conduire en véritable casse-couilles ?! Au cas où cela t’aurait échappé, t’es ma meilleure pote ! Donc tu ne dois en aucun cas te foutre de tout ce qui me tombe à la gueule sans que j’en comprenne la raison, bon sang !
Elle éclate de rire et me rejoint en s’enfonçant avec moi sous le stand. Son bras passe sur mes épaules.
— Attends, ça fait des jours que je pète les plombs à cause de ma belle-mère la pouffiasse et toi tu agissais comme si je devais tout prendre à la légère, du genre : soit heureuse pour ton papounet, Kim… tente-t-elle d’imiter ma voix. Rien n’a l’air de t’atteindre. Jamais ! Et là, roulement de tambour… Te voilà à cran à cause de notre road captain. C’est hilarant.
Je m’arrête et lui fais face en ôtant son bras.
— Ah ouais ? Tu trouves ça marrant toi, hein ?
— Ben avoue que c’est un peu comique, ricane-t-elle.
Je hoche la tête frénétiquement avant de choper une bière ouverte posée sur un comptoir présent à nos côtés. Je l’agite avant de laisser le liquide exploser sur elle. Choquée, elle hurle de stupeur avant de déclarer :
— T’es foutue !
Sous les acclamations des gars, on se lance dans une bataille de projection de bière. Vu que les frangins de nos chapitres sont aussi cinglés, ils suivent le mouvement et cela finit en gros bordel, bien que ce soit l’éclate qui règne sous nos stands ! Cela finit par attirer davantage de monde et la fête s’installe chez les Shadow Riders plutôt que devant les autres stands ou pubs présents aux alentours.

Une heure plus tard, l’agitation se calme un peu quand le défilé débute sur Main street. Je prends place sur une chaise après m’être rincée à l’eau et m’expose aux rayons du soleil brûlant qui finiront par sécher mon mini débardeur et mon jean. Plusieurs frères m’imitent et nous assistons aux événements d’ouverture de cérémonie de nos places assises.
Ghost apparaît à mes côtés.
— Comme toujours tu sais mettre l’ambiance, me sourit-il.
— Tu me connais.
— C’est clair que tu sais donner le ton, s’amuse-t-il. On ne s’ennuie jamais avec toi. Impossible.
— Je vais prendre ça pour un compliment, dis-je mi-figue mi-raisin.
Honnêtement, je ne sais pas ce qu’il lui a pris plus tôt à me fusiller du regard. Cela ne nous arrive jamais ce genre de comportement l’un envers l’autre. 
— Tu peux, m’assure-t-il en plongeant son regard dans le mien.
Il paraît hésiter, puis me dit :
— Un peu bizarre ce mec.
Il hoche la tête en direction de Loner.
Je hausse les épaules et déclare :
— Pas plus qu’un autre.
Ma réponse le fait tiquer. Il poursuit.
— Je n’aime pas la façon dont il te regarde.
— Il est inoffensif, soupiré-je lasse de la tournure que prend cette conversation.
— Tout de même, insiste-t-il. Un truc cloche chez ce mec. Je ne suis pas sûr d’apprécier. Alors fais gaffe.
Agacée, je réplique :
— Franchement, t’en fais des tonnes, Ghost. Et puis, cela ne te ressemble pas de juger qui que ce soit. Je crois même t’entendre pour la première fois le faire. Et puis c’était quoi tes yeux mitrailleurs de tout à l’heure ? Tu te conduis bizarrement, le fantôme. 
Il renifle dans une moue gênée.
— Ouais, oublie ça, souffle-t-il. Ça doit être les vapeurs de bière additionnées à cette chaleur. Faut dire que tu n’y es pas allée de mains mortes, princesse.
Je lui rends son sourire.
— Tu sais ce qu’on dit : faut jamais faire les choses à moitié !
Il se marre et me pince la joue avec un clin d’œil à l’appui avant de se relever.
— C’est vrai, alors amuse-toi bien durant ces jours ici, me lance-t-il d’un ton énigmatique.
Je le regarde curieusement s’éloigner, puis tourne mon regard qui s’ancre aussitôt à celui de Loner. Appuyé contre le mur d’en face, il m’observe déjà et la façon soutenue avec laquelle il le fait me donne chaud autant qu’elle m’angoisse.
Ces hommes vont finir par me rendre littéralement folle !

Le soir-même, Kim et moi nous baladons après avoir encouragé Speedy sur le circuit de stunt. Il s’agissait d’un show uniquement. Un concours dans cette discipline sera donné demain après-midi.
Pour l’heure, nous préférons rejoindre le lieu où se déroule la fête avec des concerts et aussi quelques fois des combats. Lorsque nous arrivons, une foule impressionnante est déjà présente. Et quelques minutes après notre arrivée, un premier combat est annoncé.
— Si tôt ! s’exclame Kim surprise en me regardant.
— Ils doivent être chauds, déclaré-je en retour. Viens, Warrior est là, il va nous attraper de quoi nous désaltérer durant la duuure épreuve du combat.
Elle se marre face à ma moue faussement éreintée en même temps que je m’évente de la main.
Nous parvenons jusqu’au Golgoth que représente Warrior grâce à sa corpulence. Il nous regarde, amusé, en nous voyant le rejoindre en train de rire comme des bécasses.
— Vous êtes en forme, nous accueille-t-il en jetant un œil aux deux prospects qui ne cessent de nous suivre partout.
— On a soif, lui hurlé-je à travers le boucan qui règne autour de nous entre la musique crachée par des hauts parleurs et le brouhaha de conversations mêlé à des rires, sifflements et cris.
Il n’y a pas que nous qui sommes en forme.
Nous récupérons les bières qu’il nous tend et nous tournons vers le ring placé au centre de l’immense place Harley Davidson Rally Point quand une sonnette retentit.
Je fronce les sourcils quand j’aperçois Ghost monter torse nu dans la zone de combat en s’attirant bon nombre de hurlements de la gent féminine présente juste devant.
— Qu’est-ce qu’il fout ? soufflé-je.
Warrior ricane et me lance :
— Un combat de coqs, Madame de Shadow.
Abasourdie, je détourne mon regard de l’arène et l’interroge.
— Déjà ?! Quelqu’un l’a défié ?
— Pas que je sache, mais il semblerait que ton pote de San Diego ait quelque chose à régler ce soir, m’apprend-il sans plus s’épancher.
Ses yeux me fixent d’une étrange façon. Je n’aime pas les mystères et ce con prend plaisir à en laisser un planer sans en dire plus.
— Qu’est-ce que tu racontes ? insisté-je totalement confuse.
Seulement, je ne suis pas arrivée au bout de mes peines quand je réalise qui monte faire face à Ghost, torse nu également.
— C’est une blague ! explosé-je.
Warrior se bidonne devant ma tronche et Kim déclare :
— Dieu tout puissant, voilà enfin quelque chose d’enfin croustillant !
Je pose brutalement ma bière sur le comptoir.
— Ne dis pas n’importe quoi ! la sermonné-je immédiatement. Ils font partie du même groupe. On ne se bat pas contre ses propres frères. Cette arène de combat est présente pour les différents clubs souhaitant s’affronter et humilier leurs MC adverses.
— Elle est également présente comme dans tous nos clubs pour régler des conflits régnant entre deux frères, m’expose Warrior.
— Des conflits ! Mais quel putain de conflits rencontrent Loner et Ghost pour en venir aux mains ?! m’insurgé-je. Et puis, ça ne concerne personne d’autre que nous et ces combats-là doivent rester entre les murs de nos MC, lui rappelé-je.
— Pas si les présidents ont donné leur accord pour qu’il en aille ainsi, me contre-t-il en s’amusant de plus en plus de ma réaction.
Kim y met du sien.
— Et pourquoi diable cela te met-il dans cet état ? relève-t-elle narquoisement.
Je la fusille du regard et Warrior se marre davantage.
— De plus en plus intéressant, déclare-t-il en me fixant.
Je lève les yeux au ciel en grognant.
— Bande d’abrutis, les accusé-je avant de fendre la foule pour me positionner au plus proche de l’arène.
J’aperçois mon père, mon frère et Ranger déjà présents. Nul doute qu’ils s’interrogent quant à cette annonce déroutante. Ils tombent des nues, ou peut-être bien que non en analysant comme il faut la lueur qui éclaire leurs regards. Warrior a raison, ils ont donné leur accord pour ce combat. 
Les autres frères n’y comprennent strictement rien. Comme moi.
— Tu crées des émeutes, sœurette, me lance mon frère.
— Quoi ? lui retourné-je interdite.
Il secoue simplement la tête pour seule réponse. Quand je pose mon regard sur mon père, il m’observe en silence d’une manière éloquente.
C’est plus fort que moi, je tente de me justifier.
— Je… Je n’ai rien fait. Je n’y suis pour rien.
Il sait pertinemment que je serai la dernière à semer la zizanie au sein de nos clubs. Je ne comprends même pas comment il peut croire que je puisse représenter la raison de leur mésentente dont j’ignore la cause.
Il pince la bouche et lance un regard équivoque à Ranger qui lui dit :
— Fallait bien que cela arrive un jour, mon frère.
Je fronce davantage les sourcils tandis que mon père ne dit toujours rien en se concentrant sur les deux hommes placés de dos sur le ring et nous présentant par la même occasion leur dos tatoués des mêmes couleurs.
C’est vraiment n’importe quoi et me renverse totalement. Je ne me rappelle pas avoir été dans un tel état d’angoisse de ma vie. Et cela m’interpelle.
Font-ils réellement ça pour me prouver quelque chose que j’ignore ?
Non, Ghost ne s’est jamais montré entreprenant avec moi. Loner, si. Se peut-il que la réaction de Ghost, cet après-midi, n’était rien d’autre qu’une crise de jalousie ?
Ma tête tourne sous la multitude de questions que je me pose. Je réfléchis à vive allure en me rappelant chaque souvenir en commun avec notre sergent d’armes. Il a toujours posé sur moi un regard protecteur. Il s’est toujours conduit de la sorte. Il ne s’est jamais permis de gestes déplacés sur moi. Jamais. Il m’a toujours respectée.
Comme un homme intéressé est censé se comporter envers celle qu’il a choisi, me souffle ma conscience.
Je le revois me taquiner, oser poser ses mains sur moi seulement pour m’enlacer, me déposer un baiser sur la joue ou le front, et mon père ne rien dire.
Et puis ça fait tilt !
L’an dernier, Ghost est revenu avec des hématomes, boîtant et le nez fracturé. S’agissait-il là de l’œuvre de mon père tandis qu’il aurait entrepris de lui avouer tenir à moi différemment ?
Bon sang, cela me paraît tout à coup tellement probable.
Kim interrompt le fil de mes pensées révélatrices.
— Alors, qui avait raison ? me lance-t-elle en entourant mes épaules d’un bras.
— Ghost m’a réclamée ? l’interrogé-je en retour en écarquillant les yeux.
Elle pince la bouche et me regarde en coin de façon interloquée.
— Honnêtement, tu es celle qui est le plus fute-fute entre nous d’habitude. Tu me sidères complètement là, ma pétasse.
— Je suis sur le cul, soufflé-je en reportant mon regard sur les deux hommes prêts à se battre pour moi.
— Je vois ça, dit-elle en laissant toute plaisanterie de côté désormais.
Elle réalise combien je suis chamboulée.
Ghost se retourne après avoir écouté les règles que vient de leur dicter le speakeur. Il plante un regard entendu sur moi. La vérité éclate au grand jour. Je ne m’y attendais pas. Il souhaite voir ma réaction. Je n’en ai aucune hormis le choc que je sais peint sur mon visage.
Quelle conne ! me reproché-je. J’aurais dû saisir bien plus tôt ce qu’il se tramait autour de moi.
— Si tu ne comprends pas avec ce regard, c’est que je ne te reconnais plus, Tina, me confie Kim. Et Loner est dans la place aussi. Mais ça ce n’était pas une surprise au vu de comment il te bouffe du regard depuis ton arrivée chez nous dans le Montana.
— On s’est embrassés, soufflé-je cet aveux.
— Quoi ?! Qui ?! m’assaille-t-elle de questions en mode hystérie.
— Loner, lui avoué-je enfin.
— Tu plaisantes ?!
Je secoue la tête sans quitter ces deux hommes du regard.
— Waouh ! Mais quand ça ?
— Le soir où il s’est barré à Sturgis.
Elle reste un court instant silencieuse avant de se frapper soudainement le front.
— Bon sang, mais bien sûr ! s’exclame-t-elle en me surprenant.
— Quoi ?
— Il s’agit de la nuit où tu gémissais son nom comme une vraie salope avant que je te réveille. Je pensais que tu étais trop mal à l’aise pour m’avouer que c’était de lui que tu rêvais quand je te l’ai aussitôt demandé. Dans un premier temps, je m’étais dit que non, je délirais, tu étais revenue plus tôt de ta partie de jambes en l’air avec Roberto, donc j’avais mis ça sur le compte d’un mauvais round avec le latino. Mais c’est impossible parce que Roberto s’y connaît en terme de jouissance extrême. Ça ne collait pas ! Mais attends, tout ceci s’est déroulé le même soir alors !
Je hoche la tête, dépitée.
— Eh ben, ma salope, je ne sais pas ce qui me scandalise le plus. Le fait que tu ne m’ais rien dit ou celui où tu ignorais complètement avoir envoûté ces deux hommes, qui sont, au passage, ultra canon. T’as une chance de cocue, c’est moi qui t’le dis. Veinarde, va !
Je ne l’écoute plus quand Loner me fait enfin face. Son regard, ce gris liquide rendu presque noir sous la tension qui règne entre les deux hommes, me désarçonne.
Je porte les mains à mon visage, à deux doigts de craquer.
— Hey, me souffle ma pote avec inquiétude.
— Je suis perdue, Kim. Totalement perdue, fais-je dans un souffle terrifié.
— Allez, ma pétasse. C’est juste la suite dans l’ordre des choses. D’ailleurs, pourquoi ne me réclame-t-on pas moi ? relève-t-elle réellement sérieuse avec l’air préoccupé et déçu.
C’est plus fort que moi, j’éclate de rire. Je pense que c’est autant dû au fait qu’elle se le demande sérieusement qu’à l’adrénaline qui coule totalement décuplée dans mes veines.
Les filles présentes hurlent un tas d’obscénités destiné aux deux combattants. Cela va du « Baise-moi ! » au « T’es un putain de roi ! ». Elles me font toutes enrager et font naître en moi une jalousie que je ne me connaissais pas.
Et lorsque le gong résonne annonçant par-là le début du combat, mon cœur reste en suspens en même temps que mon souffle se coupe.

Shadow Riders #Bewitching biker's girl & #In Turmoil Où les histoires vivent. Découvrez maintenant