Chapitre 2

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L'écho de mitraillettes font palpiter mon cœur. L'adrénaline ne cesse d'alimenter l'intégralité de mon corps épuisé et en sueur. La poussière constante dans l'air qui balaient le paysage désertique me colle à la peau.
En m'engageant, j'avais fait vœu de servir mon pays et surtout de suivre la trace de mon paternel. Je pensais que venir ici m'aiderait à faire mon deuil de sa perte brutale. Je voulais marcher sur ses traces et arpenter les sites sur lesquels il avait été déployé. J'avais souhaité me trouver à cet endroit où je savais qu'il avait poussé son dernier souffle.
Mais rien ne m'a permis d'atténuer la douleur constante de sa perte. Pour être honnête, je pense que cela n'a rien fait d'autre qu'empirer ma peine. Parce que je prends chaque jour un peu plus en pleine face, combien il a dû souhaiter se trouver parmi nous au lieu de se trouver au milieu de cet enfer en train d'y mourir.
En m'engageant, je pensais bien faire. Mais la réalité c'est que j'ai pris conscience de combien je n'adhérais pas à ce que l'on nous forçait à faire. Je n'avais rien à faire dans cet endroit de désolation. Pourtant j'y suis revenu. Pas pour moi, pas pour le souvenir de mon père où son fantôme n'arrêtait pas de m'apparaître comme pour me prévenir d'un mauvais présage. Non, j'y retournais pour mes frères d'armes. Je devais rester pour eux et assurer leurs arrières comme eux le faisaient pour moi.
Je foule à nouveau ce sol poussiéreux et un vent de sud-est nous fouette, ma compagnie et moi, en nous privant la vue par courts moments. Hormis ce souci souvent récurrent dans cette région, rien ne laissait présager ce qui nous tombe ensuite dessus. Peut-être que ça avait été trop calme, peut-être que cela aurait dû davantage m'inquiéter. Mais je n'ai dormi qu'une petite heure en plus de vingt-quatre heures d'éveil forcé et je suis éreinté.
C'est à cet instant que nous sommes pris en embuscade. Nous nous précipitons derrière des carcasses de véhicules et faisons feu en retour. Alors que je me ravitaille en munitions, j'aperçois du coin de l'œil un mouvement. Lorsque j'étudie la zone, je me rends compte de la présence d'une mère avec ses deux enfants.
Celle-ci tente par tous les moyens de regagner son domicile, une bâtisse en ruine, en tenant fermement la main du garçon qui à son tour maintient avec force la petite menotte de son petit-frère derrière lui. La femme, en difficulté, plaque son autre main de libre sur son visage afin de garder son voile en place, malgré le vent extrême, et met tout en œuvre pour placer à l'abri sa famille.
Je dis à mon coéquipier d'assurer mes arrières tandis que je décide de filer droit vers elle pour l'aider à être hors de porter des balles. Quand j'arrive à sa hauteur, une explosion me propulse dans les airs et m'expédie contre la bâtisse délabrée. La violence m'assomme.
Lorsque je reviens à moi, mes oreilles sifflent, de la fumée noire épaisse danse au-dessus de ma tête et dans les airs environnants en se mêlant à celle ocre du sable. Il me faut quelques secondes pour me secouer et être à nouveau alerte. Le vacarme dans mes tympans s'estompe peu à peu et je prends connaissance de la source du bourdonnement qui ne cesse de persister : des lamentations.
La femme que j'ai souhaité secourir est effondrée sur le sol et sanglote tout en récitant sans fin des prières dans sa langue natale en tenant ses deux enfants sans vie contre elle. Je me penche pour prendre le pouls des petits, mais m'arrête face à leur visage. Les yeux encore ouverts, ils fixent une dimension qui n'est assurément pas la nôtre.
Je recule, écœuré face à une énième vision d'apocalypse, et regagne la planque que j'ai laissée derrière les véhicules. Seulement, au lieu d'y retrouver ma compagnie, je n'y découvre que des morceaux de corps humains. Les seules traces encore existantes de mes frères d'armes. Je dois ma survie à mon désir d'avoir voulu secourir cette femme et ses enfants.
Des balles recommencent à fuser autour de moi tandis que je plonge sans ménagement à l'abri au milieu de mes frères morts. Un hélicoptère de mon régiment arrive enfin sur les lieux tout en mitraillant l'ennemi. Il est arrivé à temps pour moi, mais seulement pour moi quand je regarde l'hécatombe qui m'entoure et que mes yeux tombent sur la mère de famille qui vient de sombrer à son tour sous cette énième rafale.
J'allume un fumigène pour donner ma position et bientôt un deuxième engin fait son apparition dans les airs avant de se poser pour me récupérer. J'observe longuement le carnage, notamment la mère de famille qui a rejoint ses fils dans la mort, avant de grimper dans l'appareil.
Et tandis qu'il commence à prendre de la hauteur, je réalise qu'un soldat de ma compagnie agite la main alors qu'il se trouve coincé sous un tas de ferrailles. J'avertis immédiatement le pilote quand une nouvelle salve de mitrailleuse retentit.
Un homme vient de sortir d'un tunnel secret donnant dans le village en ruine et n'a permis aucune chance à mon ami blessé de s'en tirer.
Sa tête explose et j'hurle aussitôt de rage que d'affliction tout en visant le visage de son tueur. Mon arme bien positionnée, je fais feu quand je le tiens bien dans mon viseur et lui ôte la vie à son tour pendant que l'engin nous éloigne de cette zone en direction de notre base.

Shadow Riders #Bewitching biker's girl & #In Turmoil Où les histoires vivent. Découvrez maintenant