- 7

401 22 3
                                    

POV : Evelyn Matsubara

Devrais-je rester seule? Ou juste attendre que ça passe? Cette envie de vomir, ce poids énorme sur ma poitrine, l'impression qu'on m'empêche de respirer, les larmes aux frontières de mes yeux et de l'extérieur en permanence, l'impression qu'on m'a cousu la bouche ou l'envie de m'isoler, je devrais attendre que ça passe?

C'est comme un énorme nuage noir de déception, de tristesse, de dégoût et de confusion qui plane au dessus de ma tête à chaque fois je pose un pied de l'autre côté du seuil de ma porte. Il grossit chaque fois que j'intéragis avec eux, les gens, et ne s'arrête pas de prendre de la place.

C'est comme un cercle vicieux, comme si j'étais sur une dune de sable courant pour échapper aux ombres et atteindre les lumières mais que je glissais, une fois, et puis une autre, et encore.

Je n'ai plus envie d'essayer. Peut-être suis-je faite pour rester seule? Peut-être que je risque de les blesser si je continue d'essayer?

J'aimerais partir loin, seule. J'aimerais être le temps d'une nuit à New York, sous la neige, les lumières colorées des panneaux publicitaires et les grands buildings noirs.

J'aimerais me sentir libre, sans poser de limites. J'aimerais dire ce que j'ai à dire sans avoir peur de blesser, j'aimerais être dénuée d'empathie des fois. J'aimerais arrêter de me sentir profondément blesser pour des choses qui ne toucheraient personne de normal.

J'aimerais avoir quelqu'un qui me comprenne vraiment et qui partage les mêmes problèmes que moi, quelqu'un qui ferait disparaître ce nuage pesant, quelqu'un qui me ferait sincèrement sourire sans avoir besoin de faire quoique ce soit, quelqu'un qui ne me laisserait pas, et qui ne me jugerait pas inutilement.

Quelqu'un avec qui je pourrais faire ce voyage que je veux faire seule, quelqu'un avec qui j'aurais la certitude de rester jusqu'à mon dernier souffle.

Quelqu'un que je pourrais écouter, quelqu'un avec qui je pourrais discuter et réfléchir. Juste une, pas trois, ni six, juste une seule. J'aimerais arrêter de me cacher, j'aimerais être plus ouverte.

J'aimerais faire quelque chose que j'aime et en être fière, j'aimerais m'assumer pleinement. J'aimerais arrêter de jouer, arrêter de paraître et être.

J'aimerais arrêter de m'inquiéter pour tout le monde, mais ne pas demander par peur de déranger. J'aimerais qu'on comprenne les limites que je me mette, et qu'on ne se braque plus quand j'explique mes ressentis.

J'aimerais arrêter l'école et directement passer aux études supérieures, pour avoir une raison valable d'être triste. J'aimerais qu'on arrête de m'obliger à intéragir, qu'on me laisse me taire, écouter et observer sans me poser de questions.

J'aimerais ne pas me sentir obliger de parler avec les gens par peur de créer un malaise. J'aimerais être en avril, ou en juin. J'aimerais voir des fleurs ou un ciel bleu habillé de nuages blancs. J'aimerais ressentir la paix intérieure et ne plus avoir une personnalité anxieuse.

J'aimerais être plus ouverte que névrosée (OCEAN). J'aimerais être plus extravertie. J'aimerais qu'on arrête de me regarder. J'aimerais arrêter de vivre, ça m'arrive.

J'aimerais passer lentement de cette vie médiocre à la mort, sauf que si je meurs j'irais en enfer.

Si je meurs les gens seront-ils plus compréhensifs avec moi? Si je meurs est-ce que toutes les personnes qui m'ont blessé inconsciemment s'en rendront compte et me demanderaient pardon? Est-ce que si je meurs on m'oubliera?

Qu'est ce que j'ai fait pour marquer mon entourage? Est-ce que je leur ai apporté des choses positives? Négatives? Je veux en terminer, en finir une bonne fois pour toutes. Je veux dormir sans me réveiller.

Mais d'un autre côté si je donnais une chance à la vie et si je supportais encore ce nuage, je trouverais cette personne? Ou je trouverais le bonheur par moi même? Qui me dit que je ne finirais pas seule, toujours aussi profondément mélancolique et dans la misère?

Si je n'arrive pas à supporter le monde en tant que lycéenne, est-ce que je réussirais dans le monde du travail? Autant mourir avant de le savoir non? Les gens ont beau dire que leur vies ne seraient pas mêmes sans moi, je ne les crois pas.

Mourir pour mon bien est une manière bien égoïste de penser pour mon entourage, mais eux pensent-ils à moi? Pensent-ils que ce qu'ils disent, je ne le retiens pas? Que ce qu'ils disent peuvent me blesser pour un bon moment?

Je les apprécie vraiment, mais j'ai l'impression que je n'aurais pas de mal à m'en séparer, car je m'y suis déjà préparé. S'ils me disent qu'ils ne veulent plus de moi et bien tant pis. Je devrais ramper à leurs pieds jusqu'à ce qu'ils acceptent de me supporter encore un peu?

Comment pourrais-je avoir confiance en eux? Comment je peux être sûre qu'ils ne me feront pas de mal? Comment je peux envisager ça si mes propres parents m'ont détruits à deux mon enfance et mon moral à tout jamais sans même s'en rappeler?

Comment je suis censée m'attacher sans penser au pire? Je suis complexe, et ils m'en voudront peut-être de penser ça, mais encore une fois, tant pis. Je pense donc qu'avec cette manière de pensée qui s'empare de plus en plus de mon cerveau je devrais peut-être rester seule.

Je me sens obligée de leur parler quand je ne vais pas bien, parce que j'estime qu'ils sont légitimes de le savoir, mais je regrette tout de suite après, et peu importe leur réponse, elle ne me conviendra pas et ne m'apportera rien.

Je devrais m'abstenir et ne plus rien leur dire. Je devrais seulement avoir des conversations superficielles avec eux, parce que je n'ai la même manière de penser avec personne, et je ne pourrais pas avoir de réelles conversations profondes dans laquelle on pourrait dialoguer et non débattre avec eux.

Mes proches ne sont ni introvertis, ni hypersensibes, et n'ont pas les mêmes fissures que moi. Ils en ont, peut-être même plus profondes je ne sais pas. Mais si c'est le cas je leur en voudrais.

Car ils m'empêchent de ne rien leur dire et oseraient exprimer leur mécontentement alors qu'ils ne me parlent pas non plus.

J'aimerais mourir.

Bienvenue dans mon cerveau.
____________________________________________


Nemesis; HEESEUNGOù les histoires vivent. Découvrez maintenant