Pendant que je relisais mes notes, Johanne pianotait furieusement sur son ordinateur. Elle avait le visage collé à l'écran depuis presque trois heures. Je n'avais pas la moindre idée de ce qu'elle trafiquait, mais ça semblait la passionner.
— Je vais aller manger, l'informai-je en éteignant mon propre ordinateur. Tu m'accompagnes ?
— Hmm ?
Je n'étais pas tout à fait certaine qu'elle m'ait entendue. Après avoir ravalé mon sourire, je réitérai ma proposition.
— Ah, oui.
Johanne parvint à se décoller de son écran et ses yeux s'animèrent de nouveau. « Bienvenue dans notre monde » m'entendis-je murmurer sur un ton mutin.
Nous fermâmes la porte de notre chambre et quittâmes les dortoirs pour rejoindre la cafétéria. Il était aux environs de vingt heures et le soleil commençait à décliner. Pendant le trajet, j'observai les couleurs orangées dont il semblait repeindre les bâtiments blancs.
Une fois dans la cafétéria, d'agréables odeurs de nourritures firent grogner mon estomac. Nous escaladâmes les escaliers pour atteindre le premier étage et nous saisîmes d'un plateau sans tarder.
Alors que j'hésitais encore sur mon dessert, Johanne me fit signe qu'elle partait s'asseoir. Après avoir opté pour une crème au chocolat, je payai mon repas et entrepris de la rejoindre. Elle s'était installée à l'autre bout du réfectoire, loin de toutes les personnes présentes.
— La princesse se constitue une véritable cour.
Une voix inconnue souffla cette phrase avant que plusieurs rires ne lui répondent. Mes doigts se resserrèrent sur mon plateau tandis que je dirigeais mes yeux vers elle. Une jeune femme m'avisait d'une drôle de tête, un savant mélange entre l'autosatisfaction et la provocation, pendant que ses amis pouffaient allégrement. Je crus reconnaître certains de leurs visages, mais préférai les ignorer. Dans un geste exagérément théâtral, je balançai mes cheveux blonds en arrière et relevai le menton. Je songeai un instant à leur envoyer une remarque bien sentie avant de me raviser. Aucun d'eux n'en valait la peine.
— Non mais regardez-la, souffla une autre voix.
Tout en faisant mine de ne pas les entendre, je rejoignis Johanne et m'installai dos au reste de la salle. Une fois mon plateau posé, je constatai que mes mains en tremblaient encore.
— Qu'est-ce qu'ils t'ont dit ?
Ma colocataire semblait sincèrement curieuse. Ses yeux me parurent d'autant plus inquisiteurs qu'ils étaient agrandis par ses lunettes. Seulement, je n'étais pas certaine de la réponse à donner.
— Je crois qu'ils m'ont pris en grippe.
— Vraiment ?
Elle se pencha de côté pour pouvoir les observer un court instant. Ensuite, elle s'empara de son pain pour le dépiauter en petits morceaux.
— C'est plus insidieux qu'un lycée, mais l'université a aussi sa petite hiérarchie.
Je ne réagis pas, la tête penchée sur ma salade de tomates.
— Ce qui est bizarre, c'est que tu ne sois pas en haut de la pyramide.
Je relevai un visage ahuri avant qu'il n'exprime une franche amertume.
— Parce que je suis jolie ?
— Bah oui, répondit-elle comme une évidence. Tu me fais un peu penser à Cendrillon. Les boucles en plus, ajouta-t-elle en pointant mes cheveux de sa fourchette.
Je n'avais définitivement pas envie d'entretenir cette discussion, aussi, choisis-je le silence en guise de réponse. Peut-être que Johanne ne pensait pas à mal, mais je n'avais pas très envie de l'entendre énumérer mes similitudes avec un tel personnage. Ma vie n'avait rien d'un joli conte remanié pour plaire aux petites filles.
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Louve [En pause]
Genç Kurgu« Le silence est une mélodie que je ne peux plus écouter. L'obscurité de la nuit est aussi celle qui voile mon cœur. » Pour sa dernière année de licence, Louve est de retour à Bagnan, une ville qu'elle a quittée dix ans plus tôt. Elle aimerait un no...