— Il y a un souci ?
Annabelle surprit mon regard derrière elle. La silhouette que j'avais aperçue s'était dissimulée dans la foule avant que je ne puisse faire le moindre mouvement. Je fis non de la tête, et bus ma vodka avec enthousiasme.
Une musique électro résonnait puissamment entre les murs sombres de l'établissement. Il était encore tôt, mais quelques personnes déjà ivres remuaient sur la piste de danse. Les lumières des projecteurs s'agitaient avec une ferveur irréelle ; des faisceaux colorés traversaient la salle de part en part, comme autant de sabres lumineux.
La soirée était normalement réservée aux étudiants de l'université, mais si l'on venait accompagné de plusieurs d'entre eux, il était tout de même possible d'entrer. Après tout, la boite n'allait pas cracher sur une peu d'argent supplémentaire.
L'avantage, néanmoins, c'est que les tables étaient libres d'accès. Tout le monde pouvait s'y asseoir et profiter des banquettes peu confortables qu'elles offraient. Victoire zieutait déjà de leur côté pour en repérer une de libre.
Après une dizaine de minutes à discuter par-dessus la musique et à observer les tables déjà prises, Victoire nous incita à la suivre. Elle espérait tomber sur des connaissances afin de leur demander de partager leurs tables.
— Ça n'aurait pas pu tomber mieux.
À quelques mètres, en grande discussion avec un autre homme, Benji sirotait un verre à l'une des plus grandes tables. Trois autres personnes étaient assises avec eux, mais il restait plus qu'assez de place pour nous quatre.
Victoire se recoiffa, bomba la poitrine et s'avança d'une démarche aérienne vers la table. Ses jambes se croisaient l'une devant l'autre et ses cheveux remuaient de gauche à droite comme un parfait métronome. Johanne leva discrètement les yeux au ciel.
Quant à Benji, il la vit arriver de loin. Ses yeux semblèrent apprécier le spectacle, puisqu'il lui dédia un large sourire lorsqu'elle se pointa sous son nez.
Ils échangèrent quelques phrases que nous n'entendîmes pas, puis il nous fit signe de nous asseoir. Victoire resta cinq minutes de plus avec lui, le temps d'échanger des regards langoureux et des paroles qui ne nous concernaient en rien.
— Je suis pas mécontente qu'on ait de quoi s'asseoir, lâcha Johanne.
— Pour siroter notre verre, c'est vrai que c'est mieux, approuva Annabelle.
Annabelle qui, d'ailleurs, avait une sacrée descente. Nous étions là depuis seulement vingt minutes et elle avait déjà englouti son verre. En me faisant cette remarque, je vis que Johanne avait aussi bien entamé le sien ; finalement, j'étais peut-être en retard. Un peu bêtement, je bus plus que nécessaire, histoire de combler la distance qui s'était creusée. De toute façon, c'était mon premier verre, et ils n'étaient jamais très chargés.
— Ne suis-je pas fabuleuse ?
Victoire était venue s'asseoir avec nous et désignait la table d'un geste ample du bras. Alors qu'Annabelle et moi hochions la tête de bon cœur, Johanne secoua la sienne, mimant l'exaspération. Peut-être était-ce son verre qui lui montait gentiment à la tête, mais je vis l'ombre d'un sourire sur ses lèvres.
— Il est temps que je paie ma tournée, lança Annabelle. Vous voulez quoi ?
Une fois nos commandes passées, Victoire se proposa de l'accompagner ; elle aurait du mal à porter les quatre verres toute seule. Aussi, il était assez évident que Victoire avait la bougeotte. Elle ne tenait pas en place depuis que nous étions arrivées.
— Tu sais, me dit Johanne par-dessus la musique, c'est la première fois que je viens dans une boite.
— Vraiment ?

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Louve [En pause]
Ficção Adolescente« Le silence est une mélodie que je ne peux plus écouter. L'obscurité de la nuit est aussi celle qui voile mon cœur. » Pour sa dernière année de licence, Louve est de retour à Bagnan, une ville qu'elle a quittée dix ans plus tôt. Elle aimerait un no...