Chapitre 26

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 — Et donc ? Tu vas y aller ?

J'avais confié à Johanne une partie de ma conversation avec Victoire. Évidemment, j'avais omis ce qui concernait ses sentiments pour me concentrer sur l'invitation et ce qu'elle impliquait.

— Je n'ai pas envie de lui dire non.

— Une semaine avec Arthur, commenta-t-elle en haussant les sourcils. Enfin bon, c'était toi qui en avais assez de son indifférence. J'imagine qu'il aura du mal à se contenir une semaine entière.

— C'est plus compliqué que ça, répétai-je en grognant. Je ne dis pas que j'aime nos disputes ! C'est juste que...

— Tu ne supportes pas qu'il t'ignore.

— Johanne !

Elle haussa les épaules.

— Je comprends, Louve. Tu nous as dit que tu étais revenue ici en partie pour lui. C'est normal, finalement.

J'avais honte. Terriblement honte.

— Si nous mettions les choses à plat, ce serait sans doute plus simple, soufflai-je. Je n'arrive pas à tourner la page en sachant qu'il me reproche quelque chose dont j'ignore les fondements.

En plus, Eva était de son côté, et elle n'était probablement pas la seule. Ces questionnements virevoltaient constamment dans ma tête, et ce, en dépit de tous mes efforts pour les chasser. Devant lui, j'avais prétendu laisser tomber, j'avais affirmé qu'il ne représentait plus la moindre chose ; mais dans le fond, ce n'était que des paroles en l'air. Quelque chose en moi refusait de complètement lâcher prise, c'était plus fort que toutes les bonnes résolutions que je pouvais prendre. Je n'étais pas encore assez forte pour abandonner.

— Je suis pas certaine que ça t'aiderait d'en connaître la raison. Après tout, tu es persuadée de n'avoir rien fait. Quoi qu'il puisse dire, ça ne fera que soulever des interrogations supplémentaires.

— Peut-être, mais ne pas savoir, c'est pire.

La vérité, bien qu'elle soit parfois cruelle, avait le mérite de nous éclairer pleinement une situation. Qu'elle nous plaise ou pas, nous pouvions la voir telle qu'elle était vraiment et décider de comment l'appréhender. Là, j'avais l'impression de nager dans l'obscurité. Quelques éléments baignaient dans une lumière diffuse, mais le reste m'était caché, m'empêchant de comprendre l'ensemble du problème. C'était frustrant.

— De toute façon, reprit Johanne, l'un de vous deux abdiquera tôt ou tard. Soit il t'avouera ce qu'il te reproche, soit tu passeras à autre chose. Dans un cas comme dans l'autre, tu es gagnante. Plus ou moins, ajouta-t-elle en grimaçant.

Et s'il n'avouait jamais et que je ne parvenais pas à passer à autre chose ? Était-ce possible ? L'ombre de notre relation planerait-elle sur moi pour le restant de mes jours ? Je préférais ne pas y songer.

— Tu as certainement raison.

Je laissai ma colocataire s'en retourner à son ordinateur. Autant que j'avais besoin de vider mon sac, elle avait besoin d'un temps à elle, loin des autres, au plus près de ses lignes de code. Elle mit son casque et se plongea en silence devant son écran. De mon côté, je mis des écouteurs dans mes oreilles et fixai le plafond.

Johanne ne le savait pas, mais me retourner l'esprit avec ces problèmes me permettait de mettre de côté ceux qui me gênaient vraiment. Ceux que je ne pouvais éclipser avec une bonne discussion. Pourtant, j'allais m'y employer ; dès la première semaine des vacances, j'avais un rendez-vous chez le psychiatre. Une femme réputée qui saurait m'aiguiller pour la suite. Je n'avais pas envie d'un nouveau traitement ni de plonger dans une thérapie, mais si elle jugeait que c'était nécessaire, je m'y plierais. Je ne voulais pas être à nouveau internée de force.

Louve [En pause]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant